Pour ouvrir notre série de dossiers thématiques, le choix s’est porté sur la monnaie. Et pourquoi ?

La monnaie questionne les penseurs depuis son apparition dans l’antiquité, et ce questionnement se porte aujourd’hui sur ses formes les plus modernes. Le débat est vivant, vif et évolutif. Son actualité est renouvelée à la faveur de la convergence de problématiques économiques – de l’inflation récente à la réorganisation des échanges internationaux – , géopolitiques – autour de l’organisation du système international des paiements et de la concurrence entre zone monétaires, mais aussi, et de manière croissance, technologiques  – avec de nouveaux moyens de paiements, de nouveaux cryptoactifs, des discussions autour du rôle des banques centrales.

Mais la motivation est aussi éditoriale pour Variances. Nous avons en effet la chance de pouvoir proposer à votre lecture des contributions inédites d’experts de très haut niveau qui entrent de plein pied dans les débats d’aujourd’hui. Et si nous avons souvent abordé directement, ou indirectement, les questions monétaires – comme dernièrement au travers de l’interview d’Olivier Garnier – rassembler aujourd’hui, dans un dossier, ces expertises plurielles témoigne de la vitalité de cette question.

Des sept articles de ce dossier, deux abordent ainsi d’abord, de manière très différente mais complémentaire, des interrogations fondamentales autour de l’action et l’usage de la monnaie.

Jean-Marc Daniel, revient ainsi sur la question dela monnaie : comme voile ou moteur de la croissance ?Nourri de références sur la pensée économique, mais aussi d’anecdotes illustratives du rapport matériel comme moral au sujet, son article révèle la profondeur historique de la question monétaire. Dans ce débat souvent conduit par livres interposés, à plusieurs générations d’intervalle, il nous rappelle que le rôle économique de la monnaie est une question toujours ouverte et que pour aborder ces sujets il n’est jamais trop de recul.

Qu’attendre de la monnaie est également une question sous-jacente à l’article dans lequel Henri Sterdyniak prend position. En effet, dans La Banque Centrale peut-elle tout financer ?, il met en perspective les rôles des banque centrale, banques et de l’Etat dans le financement de l’économie. En substituant alors au concept de monnaie celui de politique de financement, il peut prendre une position forte dans un débat à l’actualité intense sur la manière de financer les nouvelles formes d’actions publiques pour faire face aux défis collectifs tels que la décarbonation.

Alors qu’une réorganisation économique internationale s’accélère, les deux articles suivants nous rappellent l’importance de la construction du système monétaire international, enjeu de stabilité global et outil de développement.

Avec la contribution de Nicolas End, Quel avenir pour le système monétaire international 80 ans après Bretton Woods ? est très clairement posée la réflexion sur l’organisation actuelle du système monétaire. Parti de Bretton Woods, ce cadre a déjà et devrait encore évoluer. L’architecture monétaire internationale, construite autour du FMI, fait de nouveau face à une accélération du monde, avec une restructuration des échanges, des chocs technologiques et bien sûr géopolitiques. Une question à suivre dont l’article donne les clefs de compréhension.

Patrick Artus, dansLe dollar peut-il perdre son statut de monnaie de réserve au bénéfice de l’euro ?pose directement la question de la pérennité de la place centrale du dollar. S’appuyant sur des données actualisées pour mesurer l’importance du dollar en liaison avec ses différents usages, il évoque également la question de la place potentielle de l’euro et propose le scénario qu’il juge le plus probable.

Il n’est enfin plus possible de parler de monnaie sans s’ouvrir à l’innovation et aux monnaies digitales, ce qu’abordent directement les deux contributions suivantes.

Benoit Coeuré, présente au travers d’une interview une analyse détaillée des enjeux liés à l’apparition des cryptoactifs, des stablecoins et de ce que pourrait être une monnaie électronique de banque centrale en Europe. Cette expertise très documentée permet à la fois de rappeler le rôle clef de la banque centrale, source de la confiance nécessaire au système monétaire, et ce que les dynamiques d’innovations et la décentralisation peuvent soulever comme enjeux de stabilité et de contrôle institutionnel, entre concurrence et régulation.

Isabelle Mateos y Lago et Laurent Quignon nous permettent d’améliorer plus précisément encore la compréhension des enjeux et mécanismes d’un des plus récents mouvements d’innovation monétaire. Leur article, Les stablecoins : innovation utile ou dangereuse ? permet, alors que la montée en charge de ces nouveaux actifs s’accélère, tout à la fois de mieux les comprendre, d’en connaître le cadre d’utilisation et de réfléchir à ce que peut être leur rôle.

Enfin, ces questions évoluent vite, et leur compréhension nécessite de se former rapidement.

Il est à cet égard particulièrement utile d’avoir un regard sur la construction du savoir autour de ces sujets. Julien Prat enseigne la blockchain et les systèmes financiers décentralisés à l’ENSAE et à l’Institut Polytechnique. Son interview sur son expérience de l’enseignement de ce sujet témoigne de nos perceptions, évolutives, d’innovations radicales, entre scepticisme et enthousiasme, et sur la manière dont in fine des phénomènes nouveaux s’inscrivent dans notre compréhension du réel.

A la lecture, ce dossier démontre que la réflexion sur des sujets économiques, techniques et financiers d’usage aussi courant que la monnaie ne s’arrête jamais. Nous ne pouvons que remercier les auteurs pour la très grande qualité des articles, tant sur le plan de leurs expertises variées que de leur pédagogie.

Ces débats très ouverts et très larges se prolongeront nous en sommes sûrs dans d’autres publications de Variances.

Nous vous souhaitons à tous une bonne lecture.

Nicolas Ragache, Priscilla Cournède & Olivier Redoules
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