Le triangle science-art-nature
Lâhomme, plongĂ© dans une Nature dont il est lui-mĂȘme partie, apprĂ©hende celle-ci de deux maniĂšres contrastĂ©es, Ă travers la science et Ă travers lâart. La science, fondĂ©e sur la rationalitĂ©, vise Ă comprendre le fonctionnement de lâunivers, Ă le rendre intelligible, Ă en Ă©tablir les lois. Lâart, fondĂ© sur la sensibilitĂ©, exprime la beautĂ© de lâunivers, sans but utilitaire et sans conceptualisation.
La science est une dĂ©marche de connaissance, selon laquelle le sujet analyse lâobjet, tandis que lâart est une dĂ©marche de « co-naissance », selon laquelle le sujet et lâobjet naissent en mĂȘme temps dans la crĂ©ation dâune Ćuvre : en science, on dĂ©montre des thĂ©orĂšmes ; en art on saisit des phĂ©nomĂšnes, qui se manifestent dans un « apparaĂźtre-là  ». Ainsi, Nature, Science et Art forment-ils les sommets dâun triangle, dont les cĂŽtĂ©s Science-Nature et Art-Nature figurent respectivement la rationalitĂ© et la sensibilitĂ©. Quant au troisiĂšme cĂŽtĂ©, Science-Art, il renvoie : tout dâabord, aux technologies mobilisĂ©es par les artistes, pigments, supports, pinceaux, ciseaux, couteaux, instruments de musique, etc. ; ensuite, aux outils scientifiques permettant de crĂ©er des productions artistiques, par exemple en musique les rĂšgles de lâharmonie tonale, ou en peinture, historiquement la gĂ©omĂ©trie avec la maĂźtrise de la perspective et aujourdâhui lâinformatique avec les algorithmes gĂ©nĂ©rateurs de fractales ou lâintelligence artificielle gĂ©nĂ©rative ; enfin, Ă lâinstrumentation permettant dâanalyser et restaurer des Ćuvres, comme la radiographie et lâimagerie assistĂ©e par IA.
Science et art sont tous deux quĂȘtes de vĂ©ritĂ©, en ce sens que les deux dĂ©marches ont en commun de dĂ©voiler le cachĂ©, de rendre visible lâinvisible. Elles ont Ă©galement la beautĂ© en partage : de mĂȘme quâune Ćuvre dâart peut ĂȘtre jugĂ©e admirable, une thĂ©orie, une loi, un thĂ©orĂšme peuvent briller par leur puretĂ©, par leur Ă©lĂ©gance. Ces manifestations de beautĂ© ne sont autres que lâĂ©cho de la beautĂ© originelle de la Nature.
En effet, en dĂ©pit des calamitĂ©s qui le ravagent et lâaccablent â guerres, pandĂ©mies, bouleversement climatique â, notre monde est indubitablement « beau ». LâUnivers, dont nous nâoccupons quâun minuscule point perdu dans son immensitĂ©, est « beau ». Et tel est-il depuis lâorigine des temps, ainsi que nous le rĂ©vĂšlent les saisissantes photographies prises par le tĂ©lescope spatial James Webb ou de simples clichĂ©s dâastronomes amateurs (voir illustration). OmniprĂ©sente et chargĂ©e de mystĂšre, la beautĂ© de la Nature, dont nous nous Ă©merveillons Ă la faveur dâun coucher de soleil, dâun clair de lune, ou de lâĂ©closion dâune rose, mĂ©rite quâon la dĂ©visage. Car la beautĂ© est une gratification qui ne va pas de soi. LâUnivers aurait pu ĂȘtre « vrai », câest-Ă -dire intelligible par la science, mais dĂ©pourvu de beautĂ©. Il eut alors Ă©tĂ© un lieu de dĂ©solation, sans vie et peuplĂ© de robots. Câest en ce quâil sollicite notre sensibilitĂ©, autant que notre intelligence, que lâUnivers est non seulement vrai mais Ă©galement beau : la beautĂ© nâest autre, en dĂ©finitive, que la forme sensible de la vĂ©ritĂ©. Rien nâest vrai que le beau, rien nâest vrai sans la beautĂ©, selon Alfred de Musset. Et, rĂ©ciproquement, rien nâest beau que le vrai, selon Nicolas Boileau.
La sublimation par le regard, le chiasme
Câest le regard humain qui rĂ©vĂšle la beautĂ© essentielle de la Nature, qui rend visible ce qui sans lui serait invisible. La beautĂ© rĂ©sulte dâun jeu de cache-cache entre vu et non-vu, elle Ă©mane dâune magie du dĂ©voilement, semblable Ă la brume qui se lĂšve sur le mont Lu, symbole de beautĂ© pour les Chinois. Si elle nâĂ©tait pas regardĂ©e par nous, la beautĂ© serait en pure perte. Un plein regard, singuliĂšrement celui dâun artiste, vaut bien davantage quâune simple vue des paysages : il entre en communion avec la Nature, passe derriĂšre la scĂšne observĂ©e, pour venir se confondre avec le regard primitif de lâUnivers lui-mĂȘme, ou de son CrĂ©ateur, qui nous regarde le regarder, Ă travers ce que le philosophe Merleau-Ponty dĂ©nomme un « chiasme ».
Dans la mise en abyme oĂč le sujet, dâabord voit lâobjet, puis ne le voit plus avant de devenir lui-mĂȘme lâobjet, qui regarde Ă son tour le sujet, tout comme celui-ci le regarde⊠sâefface le dualisme de la philosophie classique distinguant le sujet et lâobjet comme deux entitĂ©s sĂ©parĂ©es. Kant, dans sa Critique de la facultĂ© de juger, adopte la posture dualiste : pour lui, le sujet aborde lâobjet dans lâintention de le connaĂźtre, sans pourtant jamais pouvoir accĂ©der à « la chose en soi ». La beautĂ© est alors dĂ©finie comme ce « je ne sais quoi » qui, dâune part plaĂźt universellement Ă tous les sujets, sans concept, dâautre part est dĂ©sintĂ©ressĂ©, sans but utilitaire. Autre figure du courant idĂ©aliste allemand, Schelling, dĂ©fend quant Ă lui la thĂšse moniste : dans son SystĂšme de lâidĂ©alisme transcendantal, il Ă©nonce que seul lâart a le pouvoir de rĂ©aliser une identitĂ© supĂ©rieure, oĂč le Moi et le Monde coĂŻncident, oĂč le sujet et lâobjet se confondent, ainsi que la matiĂšre et lâesprit, le singulier et lâuniversel.
Sur sa toile de la peintre savoyarde Isabelle Vougny intitulĂ©e Gouttes dâeau dans les arbres, transparaĂźt clairement le mĂ©canisme moniste de la beautĂ©Â : je vois lâarbre, je pĂ©nĂštre lâarbre, je transfigure lâarbre.
Source : https://isabelle-vougny.com/galerie/
Le mot regard recĂšle en son sein le mot Ă©gard : un Ă©gard mutuel rĂ©git la rĂ©flexivitĂ© du double regard quâĂ©changent sujet et objet, mĂȘlĂ©s lâun Ă lâautre. De mĂȘme, le verbe regarder contient le verbe garder : ce que je regarde, je le garde en effet en mĂ©moire, dans lâattente dâun regard Ă nouveau, chaque expĂ©rience de beautĂ© en appelant dâautres, la rose qui se fane aujourdâhui promettant celle qui demain Ă©clora.
De Schelling Ă la pensĂ©e asiatique, il nâest quâun pas. Pour les orientaux, mĂȘme ce qui semble immobile dans le rĂ©el visible, comme un lac ou une montagne, est en mouvement permanent dans le virtuel invisible. Ce mouvement perpĂ©tuel est celui du yang, puissance active, et du yin, douceur rĂ©ceptive, prĂ©sents en toute chose. La montagne Sainte-Victoire, maintes fois reprĂ©sentĂ©e par CĂ©zanne, semble Ă travers sa peinture comme un surgissement gĂ©ologique, mĂ» par une force tellurique issue du fond originel, venant au rendez-vous de la lumiĂšre du ciel. Chez CĂ©zanne, le yang est la Terre gĂ©nitrice et le yin est la lumiĂšre du Ciel.
Yin et et yang sâattirent lâun lâautre et ils dansent intriquĂ©s, entraĂźnĂ©s par un souffle, le qi. Celui-ci est un rythme, une vibration dans le « vide mĂ©dian », cet entre-deux Ă la fois sĂ©parateur et unificateur du yin et du yang. Le yang, le qi et le yin forment une trinitĂ© indissociable.
La Montagne Sainte-Victoire, Paul CĂ©zanne.
Le triple critĂšre du Tao
Dans Cinq mĂ©ditations sur la beautĂ©, François Cheng, Ă©crivain et poĂšte franco-chinois, membre de lâAcadĂ©mie française, met en avant trois notions fondamentales, tirĂ©es du taoĂŻsme. LiĂ©es entre elles et hiĂ©rarchiquement Ă©tagĂ©es, elles constituent les trois degrĂ©s dâun critĂšre Ă lâaide duquel la tradition esthĂ©tique chinoise juge de la qualitĂ© du beau, telle que lâart lâexprime : le yin-yun ou lâinteraction unificatrice, le qi-yun ou le souffle rythmique et le shen-yun ou la rĂ©sonance divine.
Au niveau infĂ©rieur du yin-yun, les diffĂ©rents Ă©lĂ©ments composant une Ćuvre sont pris dans un processus de fusion produisant une unitĂ© organique. Le yin et le yang entrent en contact, Ă©changent, sâinterpĂ©nĂštrent, sâunissent en osmose. Un perpĂ©tuel jeu de contraste et dâunion fait de lâĆuvre dâart une matiĂšre qui prend littĂ©ralement vie sous lâeffet du pinceau ou du couteau de lâartiste. Dans sa thĂ©orie de lâunique trait de pinceau, le peintre lettrĂ© chinois Shitao affirme quâun seul trait virtuel porte en lui lâinfinitĂ© des traits rĂ©els possibles. Pour lui, le yin-yun dĂ©signe ce moment dĂ©cisif oĂč le pinceau de lâartiste rencontre lâencre afin de donner naissance Ă une figure ou Ă une scĂšne. La pĂ©nĂ©tration du pinceau dans lâencre noue une relation quasi-charnelle entre lâesprit crĂ©ateur et une forme en devenir, une « co-naissance » liant le corps ressentant de lâartiste et le corps ressenti du paysage inspirateur. Le yin-yun est ainsi tout Ă la fois un ordre unifiant entre diffĂ©rents Ă©lĂ©ments de matiĂšre, entre la matiĂšre et lâesprit, entre lâhomme-sujet et lâUnivers vivant, lui-mĂȘme devenant sujet.
Au niveau intermĂ©diaire du qi-yun, le souffle rythmique est ce qui anime en profondeur une Ćuvre dâart, la fait respirer et rayonner. Que soit animĂ© le souffle rythmique ! est lâune des six rĂšgles de lâart pictural Ă©tablies par Xie-He au VIe siĂšcle, la seule de ces rĂšgles qui touche à « lâĂąme » dâune Ćuvre. La cosmologie chinoise est tout entiĂšre fondĂ©e sur lâidĂ©e de souffle. Et le souffle (qi) devient esprit lorsquâil atteint le rythme (yun), loi interne des « choses vivantes ». Le rythme ne saurait ĂȘtre confondu avec la cadence, plate rĂ©pĂ©tition du mĂȘme : tout au contraire harmonie dynamique, le rythme engendre des formes imprĂ©vues et des Ă©chos inattendus. Dans une Ćuvre dâart, le souffle rythmique est fĂ©dĂ©rateur, structurant, unifiant, il suscite transformations et mĂ©tamorphoses. Selon Henri Maldiney, le rythme est Ă lâimage dâune vague, dont les deux moments, ascendant et descendant, sont chacun en prĂ©cession de soi dans son opposĂ©. Autrement dit, les moments dâun rythme ne se succĂšdent pas, ils passent lâun dans lâautre et nâexistent quâen rĂ©ciprocitĂ©. PrĂ©sents au rythme, nous nous dĂ©couvrons prĂ©sents Ă nous. Dans le rythme, jâai « lieu dâĂȘtre ». Au temps pour moi !
Au niveau supĂ©rieur du shen-yun, le souffle qi atteint un Ă©tat suprĂȘme : le shen ou esprit divin, qui rĂ©git la part spirituelle de lâUnivers vivant et celle de lâhomme. Avec les artistes, le shen entretient une relation de connivence, dâintelligence au sens premier du terme. Le pinceau du peintre, le couteau du sculpteur ou la plume de lâĂ©crivain sont comme guidĂ©s par le shen. La tradition des peintres lettrĂ©s chinois ne sĂ©pare guĂšre lâesthĂ©tique de lâĂ©thique : elle exhorte lâartiste, et plus gĂ©nĂ©ralement lâhomme Ă©clairĂ©, Ă pratiquer la saintetĂ© (sheng), sâil souhaite que son esprit rencontre le shen, entre en rĂ©sonance avec lâesprit divin. Dans cet Ă©tat de rĂ©sonance, une Ćuvre dâart dĂ©passe le simple statut de la reprĂ©sentation, la mimĂ©sis des Grecs anciens, pour parvenir Ă la catharsis, câest-Ă -dire Ă lâillumination, lâavĂšnement dâune prĂ©sence, lâĂ©merveillement, la purification. Ă ce stade suprĂȘme, lâartiste ou le sage passe au-delĂ de lâĂ©cran des phĂ©nomĂšnes. Il Ă©prouve lâimpression dâune prĂ©sence qui va de soi et vient Ă soi, telle un don inexplicable et gĂ©nĂ©reux, murmurant un chant natif, de cĆur Ă cĆur, dâĂąme Ă Ăąme. Mais aussi puissante soit cette extase, il restera toujours un hiatus, un manque Ă combler⊠car lâinfini recherchĂ© est sans cesse un « in-fini », un appel au renouveau. La beautĂ© est toujours un pari, un dĂ©fi rĂ©pĂ©tĂ© dans la durĂ©e.
Tout lâUnivers dans un bol
Accueillir le beau en nous crĂ©e un lien qui repousse la frontiĂšre entre le vivant et lâinanimĂ©. Objets inanimĂ©s, avez-vous donc une Ăąme qui sâattache Ă notre Ăąme et la force dâaimer ? Ă©crit Alphonse de Lamartine ; des vers qui nous interpellent, Ă la contemplation de ce bol Song iridescent, dĂ» au maĂźtre potier et cĂ©ramiste Jean Girel. Un bol « magnĂ©tique », au propre comme au figurĂ©, un bol vivant au-delĂ du pur sens biologique de la vie ; vivant Ă travers la relation organique quâil entretient avec tous ceux qui le regardent pleinement, dans une expĂ©rience de beautĂ©. Nos expĂ©riences de beautĂ© sont certes individuelles, chacune est unique, dans un Ă©phĂ©mĂšre « apparaĂźtre là  » ; et pourtant, ces expĂ©riences acquiĂšrent une dimension holistique, car la multiplicitĂ© des unicitĂ©s crĂ©e une reliance, un entrecroisement des prĂ©sences, une transcendance⊠qui prĂ©cisĂ©ment manifeste lâavĂšnement de la beautĂ©.
Bol Song, Jean Girel, 2023. https://www.jeangirel.fr/128iridescentbowls
La beautĂ© nâest pas un donnĂ© statique mais un processus collectif. Elle ne saurait se rĂ©duire Ă des canons prĂ©Ă©tablis, Ă des propriĂ©tĂ©s esthĂ©tiques de proportion ou de symĂ©trie, qui ne peuvent ĂȘtre des fins en soi : la recherche de la forme et du style, si elle est nĂ©cessaire pour faire Ă©merger la beautĂ©, nâest jamais suffisante. Hors de tout principe normatif, lâauthentique beautĂ© sâimpose Ă lâesprit, sâempare de lui. Elle fait jaillir des tĂ©nĂšbres un Ă©clair dâĂ©motion et de jouissance mĂ©morables, une lueur de passion⊠ou de compassion, lorsque la scĂšne est tragique. Ă cet Ă©gard, la beautĂ© a partie liĂ©e Ă la bontĂ©Â : dans une crucifixion ou une pietĂ , la beautĂ© perçue ne provient Ă©videmment pas de lâhorreur de la scĂšne dĂ©peinte mais de de la bontĂ© sacrificielle du Christ, de son amour sublime, Ă la source de cette scĂšne. BeautĂ©, vĂ©ritĂ© et bontĂ© se ici se rejoignent. Ăcoutons Romain Gary : Je ne crois pas quâil y ait une Ă©thique digne de lâhomme qui soit autre chose quâune esthĂ©tique assumĂ©e de la vie, cela jusquâau sacrifice de la vie mĂȘme⊠ Il faut racheter le monde par la beautĂ©, beautĂ© du geste, de lâinnocence, du sacrifice, de lâidĂ©al.
Une bonne rĂ©solution en guise de propos final : cessons de voir sans regarder, adoptons une maniĂšre neuve de percevoir et de vivre en accueillant en nous la plĂ©nitude du Monde, sans naĂŻvetĂ© face aux dĂ©rĂšglements qui le perturbent, mais dans lâĂ©lan dâespĂ©rance auquel sa beautĂ© nous invite.
SâĂ©crier Waouh, comme câest beau ! agit comme un salutaire « soin de beauté », Ă pratiquer sans rĂ©serve : la beautĂ© mĂ©rite que lâon en prenne soin et prendre soin dâelle, câest aussi prendre soin de soi !
Mots-clĂ©s : BeautĂ© – VĂ©ritĂ© – Art – Nature – Science – EsthĂ©tique – Chiasme – Peintres lettrĂ©s chinois
La photo qui illustre cet article reprĂ©sente la NĂ©buleuse NGC6910, mosaĂŻque du Cygne – dimension 16 a.l., distance de la terre 6500 a.l. -(photo Guy Le Bras, septembre 2023)
Références
CHENG François (2006), Cinq méditations sur la beauté, Albin Michel (édition revue et corrigée, 2017).
KANT Emmanuel (1993), Critique de la faculté de juger, traduit et introduit par Alexis Philonenko, Librairie philosophique Jean Vrin (premiÚre parution 1790).
MALDINEY Henri et Philippe GROSOS (2022), Espace, rythme, forme, Ăditions du cerf.
MERLEAU-PONTY Maurice (2005), PhĂ©nomĂ©nologie de la perception, Ăditions Gallimard.
SCHELLING Friedrich W.J. (2023), Le systĂšme de lâidĂ©alisme transcendental, traduit de lâallemand par Christian Dubois, Ăditions Allia (premiĂšre parution 1800)
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