Née à Bondy d’une mère professeur de maths et d’un père comptable, Sabrina aime les chiffres depuis toujours. Après une filière scientifique au lycée, elle s’oriente vers une classe préparatoire HEC au lycée Montaigne. Elle y découvre l’économie et, à la fin de la première année, décide de ne pas poursuivre en deuxième année afin de rejoindre l’université en filière sciences économiques, plus précisément dans la voie banque finances. A l’occasion d’un stage auprès d’économistes de l’équipe de Patrick Artus chez Natixis, Sabrina découvre l’importance de maîtriser les modèles mathématiques et les logiciels statistiques pour l’analyse macro-économique. Suivant les recommandations de ses collègues, elle postule à l’ENSAE et entre sur titres en 2007.
Une fois ton master de la Sorbonne en poche, tu as choisi de poursuivre tes études d’économie en postulant à l’ENSAE : qu’attendais-tu de l’école ?
La formation à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne était très intéressante mais orientée vers la théorie économique et peu technique, même s’il y avait des cours de séries temporelles ou d’économétrie. Il y avait surtout peu d’opportunités de mettre en pratique ses acquis théoriques. Lors de mon stage chez Natixis, j’ai rencontré une équipe passionnante, qui m’a recommandé d’approfondir mes compétences en termes de modélisation macroéconomique. L’ENSAE est réputée pour la qualité de ses cours théoriques mais aussi pour la place donnée aux travaux dirigés et aux projets d’étude. Effectivement, une fois à l’école, j’ai pu « mettre les mains dans le cambouis » : construire des modèles, les développer dans des logiciels de statistiques, les interpréter.
L’ENSAE enseigne à traduire un raisonnement en équation, à aller de la théorie au modèle, et vice-versa, à comprendre les limites des modèles… C’est passionnant et très utile ! Ainsi, dans mes postes successifs, j’ai pu poursuivre le travail sur les modèles de mes prédécesseurs en m’appuyant sur les méthodes rigoureuses dispensées par l’école.
Justement parlons de tes postes. Tu as commencé ta carrière de macro-économiste au Trésor : quel fut ton poste en sortie d’école ? et ensuite ?
En 2010, mon premier poste était au Ministère des Finances, j’étais économiste dans le bureau traitant des sujets relatifs au marché du travail et aux politiques de l’emploi. A partir des données de l’Insee et de la Dares, j’établissais des prévisions d’emploi, réalisais des simulations de mesures politiques, contribuais aux prévisions économiques pour la France, dans le cadre de l’élaboration des budgets. Techniquement, je manipulais des modèles de séries temporelles à correction d’erreur, et j’alimentais Opale, le modèle macroéconométrique de la DG Trésor.
En deuxième poste, j’ai rejoint le bureau diagnostic et prévisions internationales où j’avais la charge du suivi conjoncturel, des prévisions trimestrielles et de l’analyse macroéconomique pour l’Espagne et le Portugal.
Mon troisième poste était basé au sein du bureau « Union économique et monétaire » ; j’étais chargée du suivi macroéconomique et budgétaire des pays de la zone euro.
Pendant près de six ans, comme tous les économistes du Trésor, j’ai vécu intensément plusieurs temps forts, tels que la préparation des Projets de Loi de Finances et programmes de stabilité. J’ai également pu suivre de près les implications de la crise des dettes souveraines en zone euro. En réalité, le rythme est toujours soutenu au Trésor, et les sujets sont passionnants. Comme la grande majorité des jeunes économistes qui y commencent leur carrière, j’en ai gardé le souvenir d’un lieu où la stimulation intellectuelle est très forte, où chacun est encouragé à se dépasser et où on travaille beaucoup.
Peux-tu nous dire quelques mots sur ce qui t’a amenée à rejoindre BPI France ?
J’avais envie de découvrir le domaine privé tout en conservant un fort intérêt pour le service public et Bpifrance, Banque publique d’investissement, combine ces deux approches. C’est un endroit stimulant où se mêlent les exigences de la banque et du service public. Je suis désormais plus proche de l’économie « réelle » en étant au service du comité exécutif de la banque, mais aussi des chargés d’affaires, et en étant en contact direct avec les dirigeants d’entreprises. Il m’a fallu adopter une autre manière de travailler car on n’y aborde pas la macro-économie de la même manière.
Pourrais-tu expliquer aux jeunes alumni ces différentes manières de travailler ?
La DG Trésor a pour missions d’élaborer des prévisions économiques et de conseiller le gouvernement sur les politiques économiques et publiques dans les domaines financier, social et sectoriel. Les travaux s’appuient notamment sur trois modèles – Mésange, qui évalue l’impact de chocs ou de mesures de politiques publiques ; Opale, qui produit les prévisions pour l’économie française et Saphir qui modélise la redistribution – et les conclusions sont orientées vers l’information et l’action publique.
Chez Bpifrance, l’enjeu est d’expliquer aux dirigeants et collaborateurs de la banque, ainsi qu’aux clients et plus généralement aux dirigeants d’entreprises, l’évolution de l’environnement économique afin d’éclairer leurs décisions. Plus concrètement, mon équipe réalise des enquêtes de conjoncture auprès des TPE/PME/ETI, comprenant des questions récurrentes et des focus d’actualité. Celles-ci nous permettent d’appréhender la santé des entreprises et leurs préoccupations du moment. Les résultats de ces enquêtes sont précieux pour élaborer nos analyses macroéconomiques, que nous diffusons sous forme de publications ou de présentations, en interne ou en externe, essentiellement auprès de dirigeants ou de partenaires. Au-delà de la situation économique françaises et de ses entreprises, nous réalisons des études sur des sujets internationaux, et des analyses risque-pays. Nos fiches pays, ainsi que la plupart de nos publications sont publiques, visant les dirigeants d’entreprise, mais aussi les pouvoirs publics ou encore les économistes. Nous avons également de nombreux contacts avec la presse, via des interviews ou des conférences de presse.
Rétrospectivement, quels ont été tes points d’appui pour t’épanouir dans tes différents postes ? en termes de compétences ou de relations ou de modes de fonctionnement dans les différents postes que tu as occupés ?
Assurément, les compétences techniques acquises à l’ENSAE sont un point d’appui très fort. Avoir utilisé des logiciels statistiques, être à l’aise avec des modèles économétriques, en avoir testé les limites m’a été très utile, surtout au début de ma carrière mais encore aujourd’hui.
A mesure que mon périmètre à la BPI s’est élargi et a dépassé la macroéconomie, les connaissances acquises à l’ENSAE (en microéconomie, en réalisation d’enquêtes…) se sont confirmées être un socle solide. Mais je me suis aussi formée à de nouvelles compétences, en particulier managériales.
Propos recueillis par Priscilla Cournède
Mots-clés : Macroéconomie – Prévision – Trésor – BPI France
- Portrait de Sabrina El Kasmi (ENSAE 2010) macro-économiste chez Bpifrance - 21 novembre 2024
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