Antonin Bergeaud est le laurĂ©at 2025 du Prix du meilleur jeune Ă©conomiste dĂ©cernĂ© par Le Cercle des Ă©conomistes et Le Monde. Ses travaux de recherche portent, depuis une petite dizaine d’annĂ©es, sur les effets du changement technologique et de l’innovation sur l’Ă©conomie et la sociĂ©tĂ©. A travers ses publications, souvent Ă©crites en collaboration avec d’autres Ă©conomistes, il questionne le ralentissement de la productivitĂ© en Europe, les impacts de la technologie sur le marchĂ© du travail, les freins aux innovations de rupture, etc…

AprĂšs l’X, tu choisis d’entrer Ă  l’ENSAE, qu’est-ce qui t’a attirĂ© vers l’ENSAE ? Quels sont les enseignements qui t’ont le plus marqué ?

A l’Ă©poque je ne me dirigeais pas forcĂ©ment vers une carriĂšre de chercheur et la liste trĂšs riche et technique des enseignements proposĂ©s Ă  l’ENSAE m’a convaincu d’y faire mon annĂ©e d’application. J’ai eu la chance de suivre des cours de trĂšs bonne qualitĂ© mais Ă©galement assez exigeants. Je me souviens particuliĂšrement des cours de Pierre Cahuc, Francis Kramarz, Etienne Wasmer et SĂ©bastien Roux sur le marchĂ© du travail. Aujourd’hui encore je me rĂ©fĂšre aux notes que j’ai pu prendre Ă  l’Ă©poque.

Peux-tu nous dĂ©crire les grandes lignes de ton parcours depuis ta sortie de l’ENSAE ?

AprĂšs l’ENSAE j’ai fait un stage de six mois Ă  la Banque de France qui m’a convaincu de poursuivre en thĂšse. J’ai commencĂ© ma thĂšse Ă  la London School of Economics en 2015 que j’ai ensuite soutenu Ă  la Paris School of Economics en 2018. Je suis ensuite revenu Ă  la Banque de France pour un poste d’Ă©conomiste chercheur.

Sur quoi portaient tes travaux à la Banque de France ?

A la Banque de France je travaillais sur les politiques structurelles, ceci implique de regarder le temps long et de lire les donnĂ©es Ă©conomiques indĂ©pendamment des chocs temporaires pour comprendre les problĂšmes qui freinent la croissance. Il y avait bien sĂ»r des questions importantes de politiques publiques, par exemple mesurer la croissance potentielle pour informer les dĂ©cisions de la Banque Centrale EuropĂ©enne, mais Ă©galement du temps pour creuser des questions plus en profondeur ce qui m’a permis de mener des projets de recherche acadĂ©mique. Ces travaux interrogent en particulier les facteurs explicatifs du ralentissement du PIB et de la productivitĂ© que l’on observe particuliĂšrement en Europe.

Aujourd’hui tu es professeur à HEC, comment s’organise ton temps entre enseignement et recherche ?

A HEC j’enseigne la macroĂ©conomie aux Ă©tudiants de premiĂšre annĂ©e. La plupart des Ă©tudiants d’HEC ne se destinent pas Ă  devenir Ă©conomistes mais comprendre les fluctuations mondiales et la croissance de long terme est fondamental pour ĂȘtre entrepreneurs, pour investir ou pour mener Ă  bien des politiques publiques. J’enseigne Ă©galement la macroĂ©conomie Ă  un niveau plus avancĂ© dans le cadre du master MIE oĂč s’inscrivent des Ă©tudiants de l’ENSAE. Je consacre le reste du temps Ă  de la recherche, en particulier grĂące au rĂ©seau d’HEC et sa forte connexion avec le monde de l’entreprise, nous montons un centre ambitieux pour Ă©tudier et rĂ©flĂ©chir au futur du travail : les effets de la technologie, les Ă©volutions des modes d’organisation ou encore l’importance du sens dans son travail.

On dit souvent des ENSAE qu’ils ont du mal Ă  Ă©crire. Est-ce une difficultĂ© que tu as Ă©prouvĂ©e lorsque tu as dĂ» rĂ©diger tes premiers articles ? Comment l’as-tu surmontĂ©e ? 

Dans la recherche on Ă©crit tous dans un anglais assez codifiĂ© donc je n’ai pas eu ce problĂšme. Aujourd’hui en utilisant l’IA habilement, il est facile d’amĂ©liorer le style d’Ă©criture pour se rapprocher de ce que l’on peut lire dans les meilleurs articles !

Quels conseils aimerais-tu partager avec les alumni ? (n’hĂ©site pas Ă  nous parler de productivitĂ© et d’IA
)

N’ayez pas peur des dĂ©veloppements rapides de l’IA, les entreprises qui adopteront le plus tĂŽt et le plus efficacement l’IA devraient en bĂ©nĂ©ficier, y compris sur l’emploi et le bien-ĂȘtre des salariĂ©s. Prenez des risques ! L’Europe souffre d’une trop forte aversion au risque.

Nous dirais-tu quelques mots de tes projets ?

Une grosse part de ma recherche consiste Ă  Ă©tudier les effets du changement technique. Un des aspects les plus clairs de cet impact est sur l’organisation du travail. Les technologies numĂ©riques ont « dĂ©structuré » les entreprises en supprimant un certain nombre d’emplois pĂ©riphĂ©riques. Ceci a conduit Ă  une perte de valeur au travail que je souhaite Ă©tudier Ă  l’aide de diffĂ©rentes enquĂȘtes interrogeant les employĂ©s sur leur rapport Ă  la technologie et les impacts que cela a sur leurs quotidiens.