Pourrais-tu nous parler de tes Ă©tudes, des matiĂšres que tu aimais Ă©tudier, de ton choix Ă la sortie de lâENSAEÂ ?
En classes prĂ©paratoires, jâaimais surtout les maths : le choix de lâENSAE sâest donc imposĂ© assez naturellement ! Cet goĂ»t des maths mâa ensuite conduit Ă suivre la filiĂšre finance / actuariat et je pensais initialement mâorienter vers un poste en finance de marchĂ©. Les stages que jâai faits, les professeurs que jâai eus et les cours que jâai suivis durant ces trois annĂ©es dâĂ©tudes mâont fait changer dâavis et jâai dĂ©cidĂ© Ă la fin de lâENSAE de passer le concours de lâautoritĂ© de contrĂŽle des assurances.
Câest ainsi que jâai rejoint la fonction publique dans le corps de « commissaire contrĂŽleur des assurances » – qui a depuis Ă©tĂ© fusionnĂ© avec celui des Mines. Jâai passĂ© 3 annĂ©es passionnantes Ă lâautoritĂ© de contrĂŽle des assurances. Jâai notamment vu ce corps de contrĂŽle se transformer en profondeur pour Ă©voluer vers une structure plus normĂ©e avec une importance croissante des institutions europĂ©ennes. Câest lĂ que jây ai appris les bases de lâassurance, qui me sont encore utiles aujourdâhui !
Jâai recherchĂ© combien de concours de commissaires contrĂŽleurs avaient Ă©tĂ© organisĂ©s. Il semble quâil y en ait eu seulement deux, en 2003 et 2004. Tes dĂ©buts dans lâassurance sont vraiment le fruit du hasard !
Comme pour beaucoup de personnes, le hasard a certainement jouĂ© un rĂŽle dans le choix de mon premier poste. Cela dit, il y a beaucoup dâanciens de lâENSAE dans lâassurance et câest logique : suivre des cours dâactuariat vous conduit naturellement vers ce secteur. AprĂšs mon poste de commissaire contrĂŽleur, jâai ensuite choisi de rejoindre la direction gĂ©nĂ©rale du TrĂ©sor oĂč jâai travaillĂ© avec Guillaume Autier, chef adjoint de la division des marchĂ©s financiers. Lorsquâil est parti en cabinet ministĂ©riel, son poste mâa Ă©tĂ© proposĂ© et je lâai acceptĂ©.
Jâai demandĂ© Ă Guillaume de se rappeler comment sâĂ©tait passĂ©e cette transition â voici sa rĂ©ponse.
Paul suivait pour lâACPR les sujets de titrisation de risque dâassurance sur lesquels je travaillais pour le TrĂ©sor. Il mâa tout de suite semblĂ© trĂšs prĂ©cis, trĂšs attentif aux enjeux de protection du consommateur et en mĂȘme temps trĂšs au fait des rĂ©alitĂ©s du secteur privĂ©. Nous avons trĂšs bien travaillĂ© ensemble sur ce projet de loi. Quand jâai quittĂ© le TrĂ©sor pour rejoindre un cabinet ministĂ©riel, jâai proposĂ© son nom pour me succĂ©der Ă mon poste. Il y a fait merveille et a Ă©tĂ© unanimement apprĂ©ciĂ©.
Plus tard, nous sommes restĂ©s en contact et devenus amis. Jâaime beaucoup sa vision trĂšs philosophe de lâexistence, dans laquelle se combinent beaucoup de sĂ©rieux professionnel et, dans le mĂȘme temps, une vraie libertĂ© personnelle.
Ce poste au Trésor : quelle expérience !
Jây suis restĂ© 5 ans : deux ans au sein du bureau des marchĂ©s financiers puis trois ans au bureau des entreprises dâassurance. Mes annĂ©es au TrĂ©sor ont Ă©tĂ© fantastiques et comptent probablement parmi celles qui mâont le plus marquĂ©. Elles ont Ă©tĂ© intellectuellement trĂšs stimulantes, malgrĂ© la charge de travail particuliĂšrement intense, notamment pendant la crise financiĂšre de 2008. Jây ai dĂ©couvert la mĂ©canique europĂ©enne, passionnante, et jâai Ă©tĂ© confrontĂ© Ă des processus de prise de dĂ©cision qui peuvent ĂȘtre parfois dĂ©concertants. Tout cela est trĂšs formateur !
AprĂšs 9 ans dans la fonction publique, tu envisages un passage dans le privĂ©Â : comment lâas-tu prĂ©parĂ©Â ?
Cela correspondait Ă un moment de ma vie personnelle oĂč je ressentais un besoin de nouveaux horizons. Nous avons dâabord dĂ©cidĂ© ma femme et moi de voyager pendant 9 mois, en Asie et en AmĂ©rique du Sud, ce qui a Ă©tĂ© une expĂ©rience formidable.
A mon retour, jâai souhaitĂ© dĂ©couvrir une nouvelle facette du secteur de lâassurance et jâai rejoint le groupe CovĂ©a. LĂ encore, le facteur humain a Ă©tĂ© dĂ©terminant : si jâai choisi CovĂ©a, câest avant tout Ă cause de la personnalitĂ© de ses dirigeants et en particulier de Thierry Derez, son PDG, et Didier Bazzocchi, son directeur santĂ©. La premiĂšre mission qui mâa Ă©tĂ© confiĂ©e Ă©tait captivante : il sâagissait de crĂ©er une nouvelle activitĂ© de rĂ©assurance. Je suis intimement persuadĂ© que cette approche, qui consiste Ă fonder ses choix professionnels sur des rencontres humaines avant tout, est pertinente.
Jâai passĂ© au total 9 ans dans ce groupe et jâai eu la chance que ses dirigeants me fassent confiance : ils mâont confiĂ© des responsabilitĂ©s croissantes jusquâau poste de directeur gĂ©nĂ©ral adjoint. Jây ai Ă©normĂ©ment appris et y ai cĂŽtoyĂ© des personnalitĂ©s variĂ©es et attachantes, que jâai beaucoup de plaisir Ă revoir.
Quelle place accordes-tu au hasard et à la transmission dans ta vie ?
Au-delĂ du hasard initial que jâai Ă©voquĂ© en dĂ©but dâentretien, cela fait maintenant 20 ans que jâĂ©volue dans le secteur de lâassurance et ça, ce nâest pas un hasard ! Je connais peu de secteurs qui rassemblent des problĂ©matiques aussi variĂ©es, quâelles soient Ă©conomiques, dĂ©mographiques ou encore sociĂ©tales.
Le dĂ©sir de transmettre est dâune toute autre nature. Je le relie Ă ma situation familiale : le fait dâavoir des enfants rend assez naturelle lâidĂ©e de transmission. Mais cela remonte pour ma part plus loin encore : entre 25 et 35 ans, jâai donnĂ© beaucoup de cours (Ă Dauphine, Ă lâISUP, Ă lâENSAE, au CEA) et jâai une vraie passion pour lâenseignement. Je pense dâailleurs que jây reviendrai un jour !
Parlons de ton poste actuel de directeur général de France Assureurs. Tu as pris ton poste en avril 2024, depuis les dossiers délicats ne manquent pas !
AprĂšs avoir quittĂ© CovĂ©a, jâai multipliĂ© les projets : un nouveau voyage avec ma femme et mes deux enfants, mais aussi une formation dâarbitrage. MĂȘme si ce nâest pas ma formation initiale, jâai toujours eu un intĂ©rĂȘt pour la matiĂšre juridique. Mon intention Ă©tait dâailleurs dâessayer de dĂ©velopper une activitĂ© dans ce domaine, lorsque Florence Lustman (PrĂ©sidente de France Assureurs) mâa contactĂ© pour me proposer le poste de directeur gĂ©nĂ©ral de la FĂ©dĂ©ration.
Le dĂ©fi mâa tout de suite tentĂ©. JâĂ©tais ravi dâune part de lâopportunitĂ© de travailler de nouveau avec Florence, que jâavais connue il y a 20 ans au sein de lâautoritĂ© de contrĂŽle des assureurs. Dâautre part, le fond des sujets est vraiment passionnant : dâune certaine maniĂšre, cette nouvelle aventure professionnelle est la synthĂšse de mes expĂ©riences prĂ©cĂ©dentes, dans le public puis dans le privĂ©. Il est clair que les sujets ne manquent pas, entre, par exemple, la multiplication des catastrophes naturelles, les Ă©meutes en Nouvelle CalĂ©donie ou encore la prise en charge de la dĂ©pendance. Mais câest prĂ©cisĂ©ment sur des sujets de ce type, qui ont une dimension structurelle, quâune rĂ©flexion collective est nĂ©cessaire et que le rĂŽle de la FĂ©dĂ©ration prend tout son sens.
En conclusion, quels conseils donnerais-tu aux ENSAEÂ ?
Je souhaite tout dâabord Ă chacun de profiter pleinement de ces annĂ©es dâĂ©cole, qui passent trop vite. La vie est un savant mĂ©lange de hasard, de temporalitĂ© et de rencontres humaines : je vous souhaite donc de trouver une voie qui vous passionne et qui vous permette de travailler avec des personnes inspirantes.
Propos recueillis par Priscilla CournĂšde
- Portrait de Paul Esmein (ENSAE 2004) - 3 mars 2025
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