Dans la vie quotidienne, nous prenons de nombreuses décisions rapidement, sans nous poser de questions, par habitude. Nous sommes guidés par la facilité, la recherche du plaisir immédiat ou le manque d’information, sans vraiment réfléchir aux conséquences, parfois contraires à nos intérêts. C’est vrai pour l’alimentation, l’alcool, le sport, les jeux de hasard, le tabac….
Ces comportements impulsifs sont le résultat des biais cognitifs : des raccourcis de la pensée qui tendent à nous rassurer quotidiennement, à faciliter notre prise de décision sans nous faire sortir de notre zone de confort.
Pour entrainer un nouveau comportement, il est donc important de bien comprendre les mécanismes de la prise de décision, pour agir sur les facteurs qui les influencent, et ainsi changer les habitudes et les rendre cohérentes avec nos intérêts à long terme, individuels et collectifs.
Face à cette situation, indépendante de l’âge et du milieu social, comment agir efficacement pour changer durablement les comportements en matière de mégots de cigarette ?
Innover dans la méthode
En nous appuyant sur nos expériences de la communication comportementale sur le tri des emballages ménagers en France (Eco-Emballages / Citéo), puis celui des papiers (Ecofolio) et celui des appareils électriques et électroniques (Ecosystem), nous avons appliqué la démarche et la méthode acquises sur les mégots jetés par terre.
Ce travail s’est inscrit dans le cadre du Dispositif Pilote d’Alcome, l’éco-organisme pour la réduction des mégots dans l’espace public.
Ce n’est pas en travaillant à partir d’études générales que l’on peut saisir la complexité du rapport des fumeurs avec les mégots. Il est en effet inversement proportionnel à l’intensité du rapport à la cigarette. Autant la cigarette est chargée émotionnellement (désir, plaisir, statut), autant son déchet – le mégot – n’est l’objet d’aucune attention. Beaucoup veulent s’en débarrasser le plus rapidement possible, sans se poser de question sur les conséquences.
C’est en observant et en questionnant les fumeurs sur le terrain que l’on peut identifier les raisons pour lesquelles ils ne jettent pas leurs mégots dans une corbeille ou un cendrier de rue. Il sera ensuite possible de les classer pour agir sur leurs motivations profondes.
Innover dans la communication
La communication comportementale est plus adaptée que la communication publicitaire pour répondre aux interrogations et aux freins des fumeurs, en incluant les questions sous-jacentes qu’ils préfèrent ne pas se poser pour ne pas être en contradiction avec les habitudes qui leur facilitent la vie.
En effet, les fumeurs qui jettent leurs mégots par terre ont souvent conscience que ce n’est pas le bon geste. Ils se doutent des conséquences négatives de leur geste, mais préfèrent les minimiser au profit de la facilité, du gain de temps et de l’instant présent.
Ces comportements font référence à plusieurs biais : l’instant présent, le moindre effort et celui du mimétisme social : la tendance à adopter le comportement des autres, sans s’en rendre compte et/ou pour faire partie d’un groupe.
Ainsi, la communication comportementale actionne les registres de la pédagogie (sensibilisation et information) afin de franchir les trois étapes essentielles pour modifier les comportements : Savoir / Vouloir / Pouvoir.
C’est là la différence avec la publicité, qui est plus centrée sur la créativité et la persuasion pour créer une préférence de marque et déclencher l’acte d’achat. Ces ressorts ne sont pas adaptés pour changer un comportement, sans récompense immédiate, autre qu’un sentiment d’utilité individuel et/ou collectif.
Innover dans la stratégie créative
De nombreuses campagnes publicitaires mettent en scène les mégots par terre, souvent en nombre très important. Objectif : culpabiliser et sensibiliser sur l’ampleur de la pollution visuelle, ainsi que pour l’environnement et la santé.
C’est que les publicitaires sont habitués à mettre en scène les produits sur lesquels ils communiquent. Ils traitent le mégot comme un produit… Or, le mégot est un déchet et…Qui peut se sentir concerné et impliqué sur un déchet ?
Ainsi, les campagnes centrées sur les mégots se trompent d’objectif et de cible à 2 niveaux :
- Elles captent plus l’attention des non-fumeurs que des fumeurs. Elles leur rappellent la situation qu’ils observent quotidiennement sur les trottoirs, au pied des arbres, dans les caniveaux et les avaloirs. Une situation qui les exaspère.
- Mais surtout, elles confortent les fumeurs dans leur mauvaise habitude : puisque de nombreux fumeurs jettent leur mégot par terre, ils peuvent continuer de le faire. C’est le biais du mimétisme social. Ça les déculpabilise.
Nos études démontrent que la stratégie efficace est celle centrée sur le geste : la main tenant ou jetant le mégot. Elle permet de s’adresser directement aux fumeurs : c’est par la main que les fumeurs s’identifient et s’impliquent !
Innover dans la pertinence des messages
Enfin, la communication doit tenir compte de l’hétérogénéité des fumeurs, concrètement, les multiples raisons, propres à chacun, de ne pas adopter systématiquement le bon geste.
Pour cela, nous recommandons d’actionner 10 leviers d’engagement complémentaires :
- 2 leviers techniques : renforcer et adapter les équipements urbains, afin de faciliter le bon geste et d’inciter le fumeur à le faire
(éviter notamment la fausse bonne raison souvent avancée qu’il manque des corbeilles et des cendriers et/ou qu’elles ne sont pas bien placées)
- 8 leviers comportementaux pour franchir les trois étapes clé du changement de comportement : Savoir / Vouloir / Pouvoir :
1 -Sensibiliser sur le fait qu’un mégot est un déchet ; 2 – Alerter sur le degré de pollution ; 3 – Informer sur la taille du dispositif dans la ville ; 4 – Éduquer sur le geste en deux temps (le mode d’emploi : j’écrase, je jette) ; 5 – Autoriser de jeter un mégot bien éteint dans une corbeille (rassurer sur un geste qui n’est pas naturel) ; 6 – Valoriser les fumeurs qui font le bon geste ; 7 – Capter l’attention par une communication visible ; 8 – Sanctionner les réfractaires.
En résumé
Vous l’aurez compris, changer ses habitudes est très difficile. Nos comportements quotidiens sont souvent inconscients, plus souvent émotionnels que réfléchis. Ils privilégient l’instant présent sur les conséquences à moyen-long terme.
La communication comportementale est plus adaptée que la communication publicitaire pour atteindre les objectifs. Dans le domaine des gestes associés aux mégots, il est urgent de changer la façon de communiquer, en s’appuyant sur les sciences comportementales, pour atteindre des résultats probants, rapidement et durablement. Un vrai challenge !
En voici l’illustration :
la campagne publicitaire classique met le mégot « en vedette » : c’est le produit…

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La communication comportementale, elle, met en avant les leviers pour franchir les trois étapes clé du changement de comportement : Savoir / Vouloir / Pouvoir

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Mots-clés : Communication comportementale – Environnement – Changement de comportement – Mégots – Innovation – Nudge – Fumeur
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