Dans la première partie de cet article, nous avons exposé les débuts difficiles de la radio numérique terrestre en France et expliqué les raisons pour lesquelles, malgré les nombreux facteurs défavorables, il était important de poursuivre le projet de déploiement du DAB+ ou, plus exactement, de le remettre sur les bons rails. Dans cette seconde partie, nous racontons comment un « plan de sauvetage », que certains estimaient pourtant « impossible », a été mis en œuvre et mené à bien, donnant ainsi raison à la formule de Mark Twain placée en exergue.

2017 : le tournant stratégique

Quand je deviens président du groupe de travail radio du CSA, en 2017, mon premier soin est de mettre un terme au plan du « gruyère à trous », de ne plus ouvrir de multiplex dans des allotissements non viables à ce stade, faute d’un nombre suffisant de potentielles radios candidates.

Il est important de comprendre que, en l’absence de subventions publiques allouées par l’État central ou les régions, le « système » DAB+ est en totalité financé par les radios. Il est donc nécessaire de couvrir en priorité des zones où, à défaut de rentabilité, la viabilité économique est tout au moins garantie. Le déploiement du DAB+ n’est par exemple pas comparable à celui de la fibre optique où, dans les zones les moins denses où l’initiative des opérateurs privés ne s’est pas spontanément manifestée, le réseau a été construit en partie sur fonds publics. Dans le cas du DAB+, contrairement à celui de la fibre, les zones de faible densité ne peuvent être couvertes dans un premier temps et doivent attendre l’effet d’entraînement qu’exercera dans un second temps le succès rencontré dans les zones voisines plus denses.

D’où un plan organisé en deux phases :

Phase 1. Les nœuds et les arcs (2018-2020) : concentrer le développement sur la quarantaine de grandes agglomérations de plus de 200 000 habitants et une ou deux de leurs villes périphériques (les nœuds), ainsi que le long des routes qui les relient (les arcs), en ouvrant uniquement au concours, lors des appels à candidatures, les allotissements étendus ou locaux vérifiant ces critères.

Phase 2. La densification (2021-2025) : accroître la densité du maillage du territoire, en ouvrant progressivement les multiplex étendus et locaux résiduels.

En observant strictement la règle des nœuds et des arcs, une série de quatre appels « nouvelle manière » ont été lancés entre 2017 et 2019, les deux derniers portant sur pas moins de quinze zones  concomitamment :

27 juillet 2017 : Rouen, Le Havre, Nantes, Saint-Nazaire, La Roche-sur-Yon.

28 mars 2018 : Bordeaux, Arcachon, Toulouse.

18 juillet 2018 : Annecy, Annemasse, Avignon, Bayonne, Besançon, Chambéry, Dijon, Grenoble, La Rochelle, Orléans, Pau, Poitiers, Saint-Étienne, Toulon, Tours.

24 juillet 2019 : Amiens, Angers, Brest, Caen, Clermont-Ferrand, Limoges, Le Mans, Metz, Montpellier, Nancy, Nîmes, Perpignan, Reims, Rennes, Troyes.

Sur l’ensemble des allotissements ouverts, le nombre des radios candidates a largement dépassé le nombre des places disponibles sur les multiplex. Nous avions ainsi réussi à créer de la rareté sur le DAB+, exactement ce que nous souhaitions !

Bien noter que les dates indiquées ci-dessus sont celles de lancement des appels. Or il existe un délai important entre un appel et le démarrage des émissions, en raison d’une longue séquence incompressible d’opérations administratives et techniques, s’étalant sur une durée comprise entre dix-huit mois et deux ans : publication par le CSA d’une étude d’impact ; dépôt des candidatures ; examen par le CSA, d’abord dans chacun des successivement au niveau des  centres territoriaux de l’audiovisuel  concernés (CTA), avant arbitrage final par le siège ; sélection des radios ; choix par les radios, puis autorisation par le CSA, des opérateurs de multiplex ; agrément des sites d’émission. Ouf !

Puisque la demande excédait l’offre, il a fallu trier les candidats. Selon quels critères ?

  • Primo, sur les allotissements étendus, positionner les principales radios thématiques musicales à vocation régionale ou multirégionale, ainsi qu’une radio confessionnelle ; sans omettre la station concernée du service public France Bleu, dont le réseau territorial est approximativement conforme au maillage des allotissements étendus.
  • Secundo, sur les allotissements locaux, placer les principales radios locales, qu’elles soient commerciales ou associatives, ainsi que les radios locales du groupe NRJ.
  • Tertio, globalement sur les deux types d’allotissements, accorder une part significative à des nouveaux entrants géographiques, c’est-à-dire déjà présents en FM dans d’autres zones, ainsi qu’à des radio DAB-natives qui n’existaient pas en FM.

Une fois toutes ces contraintes satisfaites, il ne restait en définitive qu’assez peu de marge de manœuvre pour loger beaucoup d’autres candidats. Si certains refus se justifiaient sans conteste en raison d’un doute sérieux sur la fiabilité économique ou la qualité programmatique des candidatures écartées, d’autres arbitrages se sont avérés plus délicats.

Par ailleurs, il a fallu décider d’un ordonnancement le plus cohérent possible dans le temps et dans l’espace pour étendre le réseau. À cet effet, un algorithme multifactoriel a été mis au point, tenant compte notamment du volume de l’offre FM existante dans chaque zone, de la proximité de zones déjà desservies en DAB+, de la matrice des distances entre métropoles régionales, du voisinage frontalier avec des pays bien équipés en DAB+ (Belgique, Allemagne, Suisse), etc.

À la fin de 2018, après le démarrage des émissions à Bordeaux, un cap important est franchi : le seuil de 20% de couverture de la population est atteint, déclenchant un calendrier échelonné d’obligations faites aux fabricants d’intégrer une puce DAB+ dans les récepteurs des particuliers puis dans les autoradios , à un horizon limite de dix-huit mois. Après celle du déploiement du réseau, la machine de l’équipement des auditeurs était ainsi mise en route !

La carte ci-après montre l’état de la couverture régionale et locale du DAB+ en 2023, après la mise en œuvre du plan des nœuds et des arcs et à mi-réalisation de la phase de densification. Toutes les agglomérations pointées en noir (les nœuds) sont couvertes ; dans les zones orangées, les émissions sont effectives ; dans les zones rosées, des appels à candidatures sont en cours ou en passe de l’être.

Libération des deux couches hexagonales

Au vu de la bonne marche des déploiements régionaux, un pari osé est tenté à l’été 2018 : dégeler les deux couches hexagonales du DAB+, en lançant un appel portant sur les deux multiplex métropolitains gardés jusque là en réserve, et offrir ainsi à 26 radios l’opportunité d’une couverture globale du territoire métropolitain. Le pari ne pouvait à l’évidence être gagné que si les grands groupes de radio privés candidataient à l’appel, lancé le 25 juillet 2018 concomitamment au second appel « 15 zones ». Malgré la résistance persistante de ces grands groupes vis-à-vis du DAB+, on pouvait néanmoins espérer qu’ils se décident finalement à y aller, même à reculons, dès lors que s’ouvrait enfin une ressource faite pour eux « sur mesure ».

C’est précisément ce qu’il s’est passé. À la date limite du dépôt des candidatures, se sont successivement présentés dans la salle d’enregistrement : des représentants de M6 pour RTL, RTL2 et Fun Radio ; de Lagardère pour Europe 1, Europe2 et RFM ; d’Altice Médias pour RMC, BFM business, ainsi qu’un nouveau service BFM radio ; et du groupe NRJ pour la radio éponyme, Nostalgie, Chérie FM et Nostalgie ! Donc, grand chelem… et une immense satisfaction !

Ce résultat s’explique assez bien par le modèle du dilemme du prisonnier en théorie des jeux. Si les quatre avaient pu passer entre eux un accord ferme par lequel ils se seraient fermement engagés à ne pas déposer des dossiers, alors ils l’auraient sans doute fait, comme par le passé. Mais, face aux anticipations de moins en moins négatives quant à l’avenir du DAB+, le front du Bureau de la radio regroupant les grands groupes de radio n’était plus aussi uni qu’auparavant et la possibilité que l’un au moins de ses membres trahisse un tel accord ne pouvait être écarté. Or aucun d’eux ne pouvait se permettre de ne pas déposer, au risque de se trouver durablement privé d’une ressource que certains de leurs concurrents n’auraient quant à eux pas dédaigné ! Donc tous ont déposé !

Somptueuse cerise sur le gâteau, le service public s’est engagé pleinement. Radio-France a en effet obtenu du Ministère de la culture l’autorisation de préempter six places pour ses six services nationaux ou à vocation nationale : France Inter, France Culture, France Musique, France Info, FIP et Mouv’. Rappelons que les stations France Bleu sont par ailleurs présentes sur tous les allotissements étendus.

Avec autant de candidats difficilement contournables et seulement treize places par multiplex, la sélection était assez contrainte.

  • Sur le multiplex M1, ont été retenues les quatre radios de NRJ et les trois de M6, complétées par Radio Classique, par Latina et M Radio (les grandes radios musicales de Groupe 1981 et d’Espace Group respectivement), Skyrock et Skyrock Klassiks, ainsi qu’un service nouveau Air Zen, consacré à la thématique du bien-être et du développement personnel.
  • Sur le multiplex M2, au côté des six radios de service public, ont été choisies les trois radios d’Altice Médias, les trois de Lagardère, ainsi qu’un service nouveau, KTO, radio associative catholique.

Avant de lancer l’appel du 25 juillet 2018, un point d’importance devait être tranché : une consultation publique a été menée afin de déterminer s’il convenait d’ouvrir la ressource métropolitaine en mode « opérateurs » ou en mode « distributeur ». Dans le premier cas, celui qui a finalement été choisi, les radios contractent chacune directement avec le CSA, selon le schéma traditionnel ; alors que dans le second cas, le CSA attribue la ressource à un distributeur, qui se charge lui-même de recruter les radios pour former un bouquet de services. Si ce schéma alternatif avait été décidé, un candidat solide existait, l’Association R+, se proposant de financer le réseau et les coûts de diffusion de deux manières : d’une part, les contributions des radios du bouquet ; d’autre part, une facturation des constructeurs automobiles, qui la répercuterait naturellement sur leurs clients, en contrepartie d’une licence d’activation du DAB+ dans les véhicules. Mais ce modèle original n’avait pas la faveur des radios, préférant leur indépendance, craignant de possibles abus de gouvernance, et souhaitant n’avoir affaire qu’au régulateur. Même si le mode « distributeur » présentait l’avantage de la simplicité du point de vue du CSA, on ne pouvait aller à l’encontre la volonté des opérateurs !

Alors qu’à l’automne 2018, tout se présentait sous les meilleurs auspices, il faudra attendre trois ans, et non pas seulement 18 mois, pour que les émissions démarrent le 11 octobre 2021 sur l’axe Paris-Lyon-Marseille, première phase programmée pour le déploiement. La crise Covid explique en grande partie ce retard… en raison des difficultés d’approvisionnement et aussi de la situation financière fragile des opérateurs, malgré les aides publiques  COVID, qui ne les incitait guère à investir et réveillait chez certains les vieux démons du « daboscepticisme ». Atermoiements, donc, mais fort heureusement pas d’abandon.

Depuis, un grand coup d’accélérateur a été donné en octobre 2023, comme en témoignent les cartes ci-après, montrant la rapide montée en charge de la couverture des deux multiplex métropolitains à l’horizon rapproché de mars 2024.

À vous relater ainsi l’épopée DAB+, jalonnée de tant d’embûches et de caps successifs à franchir, la laconique devise « Veni, vidi, vici » de Jules César, qui emportait une bataille sans délai avant de lever son camp (castra movit) pour gagner d’autres combats, me vient à l’esprit et me fait rêver ! Au cas d’espèce, si le veni et le vidi ont permis, en 2017, de remettre la locomotive du DAB+ sur des rails au bon écartement, que d’efforts restent encore à fournir pour la faire rouler jusqu’à bon port et pour que l’un de mes successeurs, d’ici une bonne décennie, puisse enfin s’écrier : vici !

Principaux points d’attention aujourd’hui

Ils sont nombreux et la liste qui suit n’est certainement pas exhaustive !

  1. Tout d’abord, l’urgence est à la communication. La notoriété du DAB+ est encore très faible, même là où les diffusions ont commencé depuis plusieurs années. Dans leur très grande majorité, les concessionnaires automobiles ignorent qu’ils vendent désormais des véhicules systématiquement équipés du DAB+ en première monte. Les vendeurs de récepteurs individuels ne sont guère plus informés. Quant au grand public, il confond allègrement numérique terrestre et internet … La situation doit changer ! L’Association « Ensemble pour le DAB+ » entreprend une campagne en ce début d’année 2024. Une communication institutionnelle serait également bienvenue.
  2. Ensuite, il faut accélérer la réalisation du plan de densification et atteindre une couverture de la population supérieure à 95%, alors qu’elle n’est encore aujourd’hui que de 60%. Reste notamment à desservir le sud de la Bretagne, le Massif Central et la Corse. Communiquer massivement sur une technologie, alors que plus d’un tiers de la population métropolitaine n’y a pas accès, risquerait de produire un effet déceptif à défaut de pouvoir annoncer dans le même temps l’achèvement du déploiement à brève échéance.
  3. Les territoires ultra-marins ne doivent pas demeurer en reste, même si pour plusieurs d’entre eux, la FM n’est pas encore saturée comme en métropole. Après des expérimentations à la Réunion (2021), d’autres sont en cours à la Martinique (2023).
  4. Il faut se montrer très vigilant vis-à-vis d’un risque systémique qui n’est pas totalement écarté, celui d’un désistement en cascade d’opérateurs en situation économique précaire et ne pouvant supporter plus longtemps les coûts de la double diffusion FM/DAB+. Il serait dommage que le bel échafaudage construit avec détermination et patience s’effondre comme un château de cartes !
  5. Certaines radios manifestent le désir de « descendre » d’un allotissement étendu vers un allotissement local ou d’au contraire « monter» d’un local vers un étendu. Un réajustement de la composition des multiplex sera donc nécessaire, ce qui est loin d’être simple administrativement, surtout dans le sens de la montée !
  6. La plupart des radios réclament des aides publiques. Les plus grosses ne sont pas les moins gourmandes et conditionnent la poursuite de leur engagement à l’obtention, assez improbable, de telles aides ! Par ailleurs, les DAB-natifs d’un côté, les radios associatives de l’autre, à travers leurs associations représentatives la CNRA (Commission nationale des radios associatives) et le SNRL (Syndicat national des radios libres), réclament des avantages catégoriels qui leur seraient dédiés en exclusivité. Des revendications souvent légitimes, mais assez peu réalistes et propres à menacer la solidarité.
  7. Pour alléger les coûts des radios locales associatives, les plus faibles économiquement, il existe une variante du DAB+, dite Small Scale DAB, permettant de couvrir des petites zones reculées à moindre frais. Cette technologie, déjà répandue au Royaume-Uni, fait aujourd’hui l’objet d’expérimentations en France. Si elle se développait, elle pourrait s’accompagner d’un mode de gouvernance original, selon le mode « distributeur » : un opérateur local louerait sur le multiplex davantage de ressources qu’il n’en utiliserait lui même et sous-louerait la capacité résiduelle à d’autres radios, selon des règles plus souples que si ces dernières étaient elles-mêmes titulaires.
  8. Afin que les radios puissent convertir leur audience DAB+ en recettes publicitaires, il conviendrait que cette audience, qui n’est désormais plus tout à fait confidentielle, soit mesurée correctement et notamment clairement distinguée de l’écoute sur Internet, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui dans les enquêtes de Médiamétrie où les différentes formes d’écoute numérique sont amalgamées.
  9. Enfin, et peut-être le plus important, les radios doivent rechercher des nouveaux modèles d’affaire, moins dépendants de la publicité. Plusieurs DAB-natifs se montrent particulièrement innovants en la matière, par exemple en produisant des podcasts à la demande, en proposant du brand content, en nouant des partenariats durables avec des entreprises, en développant des accords de marque. À la condition qu’il préserve l’indépendance éditoriale, ce jeu est « gagnant-gagnant » : la radio pouvant tabler sur un financement stable, et les entreprises partenaires construire une image accordée avec les valeurs portées par la radio.
  10. L’innovation devrait également porter sur les services numériques associés qui complètent la bande son. Ceux-ci se limitent encore le plus souvent à un affichage textuel assez similaire à celui du système RDS en FM. Or un facteur important de différenciation du DAB+ est la faculté d’enrichir ce canal parallèle, en y diffusant également des images, fixes ou légèrement animées, s’affichant sur l’écran du récepteur ou de l’ordinateur de bord… dans le respect des règles de sécurité routière.

Un tabou et une métaphore

Simplement évoquer une extinction à terme de la FM en France, ou pire annoncer une date prochaine de bascule de la FM vers le DAB+, suscite généralement un tollé de protestations. La charge symbolique liée aux radios libres et à la libération de la bande FM en 1981 y est certainement pour beaucoup mais elle n’explique pas tout. Même si la plupart des acteurs forment désormais des anticipations positives sur l’avenir du DAB+, ce qui n’était pas le cas avant 2017, la FM demeure encore le cœur battant de la radiodiffusion : malgré la pénurie des fréquences, beaucoup d’opérateurs persistent à s’accrocher à ce modèle, sur lequel ils ont historiquement construit leurs bassins d’audience et leurs marchés publicitaires. Ils continuent de réclamer à l’Arcom la recherche coûteuse et infructueuse de nouvelles fréquences FM et le lancement d’ultimes appels FM, vain combat d’arrière-garde.

Inéluctablement, la FM finira par disparaître un jour. L’évolution technologique est en effet similaire à l’évolution biologique. De même que naissent, croissent puis s’éteignent des espèces animales, de même naissent, croissent et s’éteignent des espèces technologiques, sans que l’apparition d’une nouvelle espèce provoque nécessairement la disparition immédiate d’une ancienne. Dans les années 1980, l’émergence de l’espèce FM s’est accompagnée d’un déclin de l’espèce AM, qui n’a pourtant disparu que quarante ans plus tard, avec la fin des grandes ondes. Aujourd’hui, dans les années 2020, émerge l’espèce DAB+ sans que cesse brutalement la FM, qui demeurera vraisemblablement présente de manière résiduelle durant une décennie ou deux : en Norvège, seul pays européen ayant officiellement effectué la bascule FM/DAB+,  la FM subsiste néanmoins dans les zones les plus isolées.

La perspective n’est donc pas de « tuer » la FM, mais plutôt d’en dégager les esprits, afin de les tourner résolument vers le DAB+ ! Comme le dit si bien John Maynard Keynes, « le plus difficile n’est pas d’adopter les idées nouvelles, mais de renoncer aux idées anciennes ».

Propos final

Le DAB+ est un grand chantier industriel national à fort impact sociétal, mobilisant un grand nombre d’acteurs. À ce titre, il exige organisation, unité, détermination. Le milieu du gué est aujourd’hui très nettement franchi, mais le courant demeure toujours turbulent.

Filant la métaphore biologique, de même que toute forme de vie est le double fruit du hasard et de la nécessité, la percée du DAB+, comme celle de toute nouvelle technologie, résulte de la conjonction d’une opportunité et d’une volonté :

  • d’une part, l’opportunité de disposer d’un moyen technique efficace pour numériser la radiodiffusion, à défaut de quoi celle-ci ne pourrait survivre de façon pérenne dans le monde numérique ;
  • d’autre part, la volonté farouche des opérateurs de radio de conserver la radiodiffusion, afin d’échapper en partie à l’hégémonie des grandes plateformes sur internet, où ils font face à la concurrence forte et asymétrique des GAFAM.

Glissant de la biologie à l’espace, la fenêtre de tir de la fusée DAB+ n’était certes pas ouverte indéfiniment, notamment du fait de l’arrivée de la 5G, mais elle aura été saisie juste à temps et, revenant à la biologie, le gène DAB+ a ainsi pu s’exprimer… une chance qui n’est pas donnée à tous les gènes !

Comme la plupart des grands chantiers, le DAB+ est aussi une formidable aventure collective dans laquelle la qualité et la force des relations humaines tiennent une place essentielle. À cet égard, je voudrais chaleureusement rendre hommage :

  • aux deux présidents du CSA qui m’ont successivement accordé leur confiance pour piloter les opérations entre 2017 et 2021 ;
  • à mon prédécesseur à la présidence du groupe de travail radio, dont l’enthousiasme sans faille pour le DAB+, malgré une situation de départ pourtant mal engagée, m’a stimulé à dresser une stratégie de développement viable ;
  • à mon successeur qui, à l’issue de la phase des nœuds et des arcs, poursuit sans relâche celle de la densification du territoire ;
  • aux directeurs et aux équipes de la Direction des radios et de l’audio numérique au CSA, puis à l’Arcom, sans le remarquable engagement desquels rien n’aurait été possible ;
  • au président du WorlDAB Forum et à son représentant en France, qui m’ont utilement conseillé et éclairé sur la progression internationale ;
  • au président de l’Association R+, dont le projet, bien qu’il n’ait en définitive pas vu le jour, m’a fortement inspiré et guidé tout au long du parcours ;
  • aux dirigeants la Lettre Pro de la Radio et du podcast, qui m’ont maintes fois invité à mieux faire connaître les actions du CSA ;
  • au responsable du site DABplus.fr, qui recense et documente avec précision l’ensemble des déploiements zone par zone ;
  • aux diffuseurs techniques TDF et Towercast, qui installent les émetteurs et gèrent la vie du réseau dans des conditions de terrain souvent difficiles ;
  • et, bien-sûr, à tous les opérateurs de radio qui se sont lancés dans l’aventure en supportant tous les risques afférents à l’entreprise, et avec lesquels le dialogue, bilatéral ou via les groupements professionnels (Bureau  de la radio, SIRTI, CNRA, SNRL) a toujours été enrichissant, même si parfois vif !
  • à l’un d’eux en particulier, qui se rappellera sans doute comment, lors d’un déjeuner asiatique agrémenté d’une sauce passablement épicée (un euphémisme), le plan des nœuds et des arcs a germé entre nems et nouilles sautées…

Un grand merci à tous et que l’aventure continue !

 

Mots-clés : DAB+ – Radio – Radio numérique terrestre – RNT – CSA – Arcom – Multiplex – WorldDAB Forum


Références en ligne

https://www.arcom.fr/actualites/deploiement-en-france-de-la-radio-numerique-terrestredab#:~:text=Au%20terme%20de%20ces%20d%C3%A9marrages,par%20le%20DAB%2B%20d%C3%A9but%202024.

https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9ploiement_du_DAB%2B_en_France

https://www.dabplus.fr/

https://www.worlddab.org/resources/infographic

Nicolas Curien