15 ans aprĂšs la signature du traitĂ© de Maastricht, nous vous proposons de retrouver l’article initialement publiĂ© dans le numĂ©ro 40 de Variances dans lequel Guy Abeille revient sur la naissance du cĂ©lĂšbre principe selon lequel le dĂ©ficit public de chaque Etat ne peut excĂ©der 3% du PIB.

La petite histoire des 3 % du PIB

L’attention de la rĂ©daction de Variances a rĂ©cemment Ă©tĂ© attirĂ©e par un article publiĂ© sur le site de La Tribune, dans lequel Guy Abeille dĂ©crit dans quelles circonstances le ratio de 3 % de dĂ©ficit public rapportĂ© au PIB aurait Ă©tĂ© « inventĂ© » au dĂ©but des annĂ©es 1980, au sein de la Direction du Budget du MinistĂšre des Finances. Nous avons demandĂ© Ă  cet ancien de l’Ecole de nous livrer une version simplifiĂ©e de son rĂ©cit, Ă  la fois Ă©vocation historique, rĂ©flexion sur la signification des statistiques et exercice de style [1].

Au frontispice du Pacte de StabilitĂ© et de Croissance qui lie entre eux les Etats de la zone euro figure en lettres d’or le principe que, pour chaque Etat, le dĂ©ficit public [2] rapportĂ© au PIB (pour autant que dĂ©ficit il dĂ»t y avoir) ne peut pas excĂ©der la valeur de 3 %. Par le Pacte, et en ses termes mĂȘmes, le 3 % du PIB est instituĂ© “valeur de rĂ©fĂ©rence”. Et c’est autour de lui, et de lui seul, qu’a Ă©tĂ© jusqu’ici bĂątie toute la politique des Ă©ventuelles sanctions : son franchissement conduit Ă  dĂ©clencher une solennelle “procĂ©dure pour dĂ©ficit excessif ”, qui porte avec elle toute une gradation de peines.

Aux sources de la norme

Ratio “dĂ©ficit public sur PIB” et “valeur de rĂ©fĂ©rence” Ă  3 % : qu’est-ce qui a valu Ă  cette norme son Ă©lection internationale ? Il court Ă  ce propos diverses informations, bruits ou allĂ©gations.

Certains en attribuent la paternitĂ© Ă  Jacques Attali (Ă  moins que ce ne soit l’intĂ©ressĂ© lui-mĂȘme). D’autres au Premier Ministre Pierre BĂ©rĂ©govoy qui, si l’on en croit l’économiste FrĂ©dĂ©ric Lordon [3], lors des nĂ©gociations de Maastricht “au dernier moment l’aurait sorti de sa poche”. Les plus savants rameutent Ă  eux une certaine “formule de Domar”, dont la fabuleuse simplicitĂ© peut, on le conçoit, exercer un effet de sidĂ©ration sur les esprits qui se parfument Ă  l’économie. Le gri-gri mathĂ©matoĂŻde qu’ils agitent est le suivant :

d = g x D

triplette de fascinante beautĂ©, dans laquelle d est le dĂ©ficit public sur PIB, g le taux de croissance nominal de l’économie, et D la dette publique sur PIB. Et de le lire ainsi : Domar a Ă©tabli qu’en vitesse de croisiĂšre, avec une croissance nominale de long terme Ă©gale Ă  5 %, on peut stabiliser la dette Ă  60 % du PIB en s’autorisant annĂ©e aprĂšs annĂ©e un dĂ©ficit qui n’excĂšde pas 3 % du PIB [4]. Evsey Domar, mort en 1997, fut un Ă©conomiste sĂ©rieux, professeur au MIT. En keynĂ©sien qu’il Ă©tait, il a en effet publiĂ© au sortir de la guerre, en 1944, un ouvrage thĂ©orique sur les rapports entre croissance et endettement public [5], qui sert encore de base de rĂ©flexion Ă  tous ceux qu’intĂ©resse la question du caractĂšre supportable Ă  long terme de l’endettement public. Il va de soi que ni les raisonnements de Domar, ni ceux de ses commentateurs ou de ses critiques, autrement plus complexes, et qui font notamment et Ă  juste titre entrer en ligne de compte le mode de financement de la dette, ne trouvent le moindre reflet dans cette formule caricaturale que d’aucuns lui attribuent

Tout autre, et bien plus prosaĂŻque, est l’histoire que je raconte dans un article paru fin septembre 2010. J’y narre comment, fort de l’autoritĂ© non questionnĂ©e qui s’attache Ă  l’expert, du pur circonstanciel progresse et prend substance au sein du tissu de l’appareil politico-technocratique, jusqu’à fabriquer de l’institutionnel.

De la fabrication du 3 % du PIB

La scĂšne se passe un soir de juin 1981, Ă  la Direction du Budget du MinistĂšre des Finances oĂč depuis trois ans, frais Ă©moulu de l’Ecole, je suis chargĂ© de suivre et d’analyser au mois le mois l’exĂ©cution du budget de l’Etat. Le bouleversement qu’est l’arrivĂ©e de la gauche au pouvoir vient tout juste d’avoir lieu, et s’il y a urgence pour adapter l’action budgĂ©taire Ă  la nouvelle donne, plus grande elle est encore pour prĂ©parer le budget de l’annĂ©e 1982, qui sera la premiĂšre de plein exercice pour la gauche au pouvoir. Las ! il nous revient assez vite que, dans l’effervescence de cette aube nouvelle et l’inaccoutumance des nĂ©o-ministres aux rĂšgles de gouvernement, ces derniers multiplient Ă  qui mieux mieux les visites du soir auprĂšs du PrĂ©sident pour plaider in vivo leurs besoins en crĂ©dits. Et, au vu des donnĂ©es qui s’agglomĂšrent peu Ă  peu sur mon bureau, il apparaĂźt assez vite qu’on se dirige bon train vers un dĂ©ficit du budget initial pour 1982 qui franchira le seuil des 100 milliards de francs, chiffre que les plus intrĂ©pides d’entre nous n’auraient mĂȘme en secret pas osĂ© murmurer.

C’est dans ces circonstances qu’un soir, tard, nous appelle Pierre Bilger (qui Ă  quelque temps de lĂ  s’envolera vers Alcatel pour y faire la carriĂšre que l’on sait), devenu le tout rĂ©cent n°2 de la Direction du Budget. Nous : c’est-Ă -dire moi-mĂȘme, et Roland de Villepin, camarade de promotion et rĂ©cent chef de bureau. FormĂ©s Ă  l’ENSAE, nous sommes considĂ©rĂ©s dans la faune locale comme appartenant Ă  l’espĂšce, rare au Budget, des Ă©conomistes (les autres sont des Ă©narques, ces grands albatros de l’administration gĂ©nĂ©raliste) ; et plus spĂ©cialement, car passablement mĂątinĂ©s de mathĂ©matiques, de la sous-espĂšce des Ă©conomistes manieurs de chiffres : sachant faire des additions, nous plaisante-t-on, en rĂ©fĂ©rence Ă©videmment aux « agrĂ©gĂ©s-sachant-Ă©crire ». Bilger nous informe en quelques mots du ballet budgĂ©taire Ă©lysĂ©en en cours, et il nous fait savoir que le PrĂ©sident a urgemment et personnellement demandĂ© Ă  disposer d’une rĂšgle simple, utilitaire mais marquĂ©e du chrĂȘme de l’expert, qu’il aura beau jeu de brandir Ă  la face des plus coriaces de ses visiteurs budgĂ©tivores.

Il s’agit de faire vite. Villepin et moi nous n’avons guĂšre d’idĂ©e, et Ă  vrai dire nulle thĂ©orie Ă©conomique n’est lĂ  pour nous apporter le soutien de ses constructions, ou pour mĂȘme orienter notre rĂ©flexion. Mais commande est tombĂ©e du plus haut. Nous posons donc, d’un neurone perplexe, l’animal budgĂ©taire sur la table de dissection.

Nous palpons du cĂŽtĂ© des dĂ©penses, leur volume, leur structure, avec dette, sans dette, tel regroupement, tel autre, ou leur taux d’accroissement comparĂ© Ă  celui de l’économie. Il y aurait bien moyen de dĂ©tailler Ă  la main quelques ratios consommables, mais tout cela est lourd et fleure son labeur : norme flasque, sans impact, aucune n’est frappante comme une arme de jet, propre Ă  marquer l’arrĂȘt aux meutes dĂ©pensiĂšres. Nous retournons la bĂȘte du cĂŽtĂ© des recettes : impĂŽts d’Etat sur revenu national ? Mais les impĂŽts fluctuent avec la conjoncture, plusieurs sont dĂ©calĂ©s d’un an… Surtout, nous ne pouvons Ă©chapper Ă  l’attraction des prĂ©lĂšvements obligatoires, dont la fiscalitĂ© d’Etat n’est guĂšre qu’une part : peut-on valablement se cantonner Ă  elle ? Le dĂ©bat ne manquera pas de naĂźtre, Ă  juste titre, et prendra vite le tour d’un brouhaha technique. Tout ça sera confus et sans force probante, au rebours du principe-Ă©tendard que nous avons reçu commande de faire surgir pour ostension publique. La route des recettes Ă©tant coupĂ©e, une seule voie nous reste : le dĂ©ficit.

Le dĂ©ficit, d’abord, du citoyen lambda au PrĂ©sident de format courant, c’est une notion qui parle Ă  tout le monde : ĂȘtre en dĂ©ficit, c’est ĂȘtre Ă  court d’argent ou, si l’on prĂ©fĂšre, tirer aujourd’hui un chĂšque sur demain, qui devra rembourser. Ensuite, le dĂ©ficit a depuis Keynes acquis ses lettres de noblesse Ă©conomique : il figure vaillamment dans les thĂ©ories, il est une des plus visiblement opĂ©ratoires variables des modĂšles. Lui seul, c’est Ă©vident, a la carrure et la nettetĂ© pour nous tirer d’affaire. Le dĂ©ficit ! Mais qu’en faire ? A quelle contrainte le plier pour en extraire une norme ? Le coup est vite jouĂ©.

La bouĂ©e tous usages pour sauvetage du macroĂ©conomiste en mal de rĂ©fĂ©rence, c’est le PIB : tout commence et tout s’achĂšve avec le PIB, tout ce qui est un peu gros semble pouvoir lui ĂȘtre raisonnablement rapportĂ©. Donc ce sera le ratio dĂ©ficit sur PIB. Avec du dĂ©ficit sur PIB, on croit tout de suite voir quelque chose de clair.

Un critĂšre douteux

ArrivĂ© Ă  ce point, un peu de rĂ©flexion s’impose. On commencera par noter que le dĂ©ficit est un solde, c’est-Ă -dire non pas une grandeur Ă©conomique premiĂšre, mais le rĂ©sultat d’une opĂ©ration entre deux grandeurs. Ce simple fait, trivial, emporte deux remarques. La premiĂšre, c’est qu’un mĂȘme dĂ©ficit peut ĂȘtre obtenu par diffĂ©rence entre des masses dont l’ampleur est sans comparaison : 20 milliards sont aussi bien la diffĂ©rence entre 50 et 70 milliards qu’entre 150 et 170. Or, et c’est la deuxiĂšme remarque, on conviendra qu’il ne peut ĂȘtre tout Ă  fait indiffĂ©rent Ă  la marche de l’économie que la masse des dĂ©penses et recettes publiques soit d’une certaine ampleur (moins de 35 % du PIB, comme aux USA ou au Japon) plutĂŽt que d’une autre, bien plus grande (nettement plus de 50 % comme en France ou dans les pays scandinaves). Sans mĂȘme parler du contenu de chacune des masses : ce n’est pas la mĂȘme chose d’aspirer un certain volume de recettes avec une TVA Ă  10 % et un impĂŽt sur le revenu montant jusqu’à 80 %, qu’avec une TVA Ă  20 % et un impĂŽt sur le revenu de 30 % au pire ; ou bien encore d’aligner un mĂȘme volume de dĂ©penses, mais avec 5 % de subventions d’investissement dans un cas ou 20 % dans l’autre. On voit donc que s’intĂ©resser au dĂ©ficit en soi, Ă  son montant seul, n’a qu’un sens relatif.

La deuxiĂšme observation touche Ă  la pertinence du ratio lui-mĂȘme : ne divise-t-on pas des choux par des carottes ? Car un dĂ©ficit n’est rien d’autre qu’une dette : il est le chiffre exact de ce qu’il faut tout de suite emprunter, et donc de ce qu’il faudra Ă©pargner – au fil des annĂ©es suivantes – pour rembourser ceux qui auront prĂȘtĂ©. Autrement dit, afficher un pourcentage de dĂ©ficit par rapport au PIB, c’est mettre en rapport le flux partitionnĂ©, Ă©chelonnĂ© des Ă©chĂ©ances Ă  honorer dans les annĂ©es futures avec la seule richesse produite en l’annĂ©e origine. Il y a discordance des temps. OĂč l’on saisit que le seul critĂšre pertinent est celui de la capacitĂ© de remboursement Ă  horizon donnĂ© (qui est celui de l’emprunt). CapacitĂ© qui est elle-mĂȘme fonction, non pas tant du dĂ©ficit consenti une annĂ©e donnĂ©e, que de la dette globale accumulĂ©e – cette annĂ©e-lĂ , mais aussi celles qui ont prĂ©cĂ©dĂ© et peut-ĂȘtre celles qui suivront – et de la prĂ©vision qu’en regard on peut faire des ressources futures, c’est-Ă -dire du couple croissance et rendement fiscal. Le reste n’est qu’affichage.

DerniĂšre observation enfin, plus gĂ©nĂ©rale : on conçoit bien qu’un dĂ©ficit n’a pas le mĂȘme sens Ă©conomique selon qu’il est purement ponctuel, rupture dans une sĂ©rie d’annĂ©es Ă  l’équilibre, laquelle sera rĂ©absorbĂ©e en une Ă  trois annĂ©es par la rĂ©activation mĂȘme de l’économie que ce choc qu’à l’inverse il n’est que le morne jalon d’une longue chronique de dĂ©ficits, courant les dĂ©cennies, installĂ©s, mĂ©tabolisĂ©s, devenus consubstantiels au fonctionnement mĂȘme de l’économie. OĂč l’on aura compris que fixer le projecteur sur le dĂ©ficit d’une annĂ©e donnĂ©e n’a guĂšre de sens, et que le rapporter au PIB de cette mĂȘme annĂ©e lui en fait perdre un peu plus. Le ratio dĂ©ficit sur PIB peut au mieux offrir une indication : il situe une grandeur, il soupĂšse une ampleur, il fournit Ă  bon compte une idĂ©e immĂ©diate, intuitive de la dĂ©rive. Mais en aucun cas il n’a titre Ă  servir de boussole ; il ne mesure rien ; il est jauge et non juge : il n’est pas un critĂšre.

L’envol du 3 %

PressĂ©s, en mal d’idĂ©e, mais conscients du garant de sĂ©rieux qu’apporte l’exhibition du PIB et de l’emprise que sur tout esprit un peu frottĂ© d’économie exerce sa prĂ©sence, nous fabriquons donc le ratio Ă©lĂ©mentaire « dĂ©ficit sur PIB », objet bien rond, jolie chimĂšre (au sens premier du mot). Reste Ă  le flanquer d’un taux. C’est affaire d’une seconde. Nous regardons quelle est la plus rĂ©cente prĂ©vision de PIB projetĂ©e par l’Insee pour 1982. Nous faisons entrer dans notre calculette le spectre des 100 milliards de dĂ©ficit qui bouge sur notre bureau pour le budget en prĂ©paration. Le rapport des deux n’est pas loin de donner 3 %. On sait ce qu’il en est advenu.

Le franc trĂšs vite plonge, il faut Ă©coper le vaisseau. Mitterrand dĂ©leste le budget 1982, en cours de finition (on le prĂ©sente en septembre), du dĂ©ficit de 120 milliards oĂč il se propulsait jusqu’à celui de 95 milliards qui sera annoncĂ©, soit bien visiblement moins que le seuil symbolique – chiffon
 rouge pour marchĂ©s en Ă©moi -, des 100 milliards de francs (nos 3 % du PIB). Et c’est en aoĂ»t que Fabius, pour la premiĂšre fois dans toute l’histoire de la langue publique universelle (car nul encore nulle part, serait-ce Ă  l’étranger, n’a jamais avancĂ© ce ratio), rĂ©fĂšre le dĂ©ficit au PIB.

Mais l’automne dĂ©jĂ , ses bourrasques ; et le franc balayĂ© avec les premiĂšres feuilles : il faut dĂ©valuer. Dans le combat des influences qui se joue cet automne, Delors reprend la main. Il ose parler de pause (un spectre hante la gauche, celui de Blum en fĂ©vrier 1937 demandant “une pause nĂ©cessaire dans la montĂ©e des finances publiques…”). Et il est le premier Ă  faire expressĂ©ment savoir que le dĂ©ficit ne doit plus franchir les 3 % du PIB, et cela pour l’ensemble des comptes publics (il sera bien le seul Ă  ĂȘtre aussi strict, prĂ©cis et complet). Fabius ne saurait lui abandonner cette paternitĂ©, qui est un empiĂštement et une dĂ©possession. Et d’affirmer hautement, trois semaines plus tard : ”Pour le budget, j’ai toujours posĂ© comme rĂšgle que le dĂ©ficit n’était acceptable qu’à condition de ne pas dĂ©passer un montant raisonnable, de l’ordre de 3 % du PIB”.

DĂšs lors dans les dĂ©clarations de Fabius, Delors, Mauroy
, le 3 % du PIB revient comme une antienne. DĂ©sormais bien en selle, il devient le marqueur proclamĂ©, martelĂ©, d’une “politique maĂźtrisĂ©e des finances publiques”.

Ce calcul, ce principe, il lui reste Ă  recevoir encore, par les voies les plus solennelles, l’onction du PrĂ©sident. C’est chose faite le 9 juin 1982, aprĂšs qu’on a durant tout le printemps, venus de l’ElysĂ©e, trouvĂ© dans les journaux les mots “directive donnĂ©e de 3 % du PIB”, “consigne impĂ©rative de 3 % du PIB”. Lors de sa seconde confĂ©rence de presse du septennat, le PrĂ©sident dans son intervention liminaire dĂ©clare : “Le dĂ©ficit est d’environ 3 % et il ne faut pas qu’il dĂ©passe ce pourcentage appliquĂ© au Produit intĂ©rieur brut. J’attends du gouvernement qu’il respecte ce plafond de 3 % et pas davantage.” Le processus d’acculturation est maintenant achevĂ©.

Extension du domaine du ratio

Puis un jour le traitĂ© de Maastricht parut sur le mĂ©tier. Ce 3 %, on l’avait sous la main, c’est une commoditĂ© ; en France on en usait, pensez ! chiffre d’expert ! Il passe donc Ă  l’Europe ; et de lĂ , pour un peu, il s’étendrait au monde. Sans aucun contenu, et fruit des circonstances, d’un calcul Ă  la demande montĂ© faute de mieux un soir dans un bureau, le voilĂ  paradigme : sur lui on ne s’interroge plus, il tombe sous le sens (Ă  vrai dire trĂšs en dessous), c’est un critĂšre vrai. Construction contingente du discours, autoritĂ© de la parole savante, l’évidence comme leurre ou le bocal de verre (celui dans lequel on s’agite, et parade, sans en voir les parois) : Michel Foucault aurait adorĂ©. Parfois lorsque j’entends, repris comme un mantra, le 3 % du PIB, je m’amuse de ce trois que nous avons choisi. Me revient le souvenir du numero deus impare gaudet – le nombre impair plaĂźt Ă  la divinitĂ© – qu’on trouve dans Virgile. Et la traduction qu’en donne Gide dans Paludes : le nombre deux se rĂ©jouit d’ĂȘtre impair. Et il a bien raison, ajoute Gide.

Le 3 % du PIB se rĂ©jouit d’ĂȘtre critĂšre. Et il a bien raison.

 

Une version plus courte de cet article a été précédemment publiée par le journal « La Tribune »


1 – Note de la rĂ©daction

2 – Le dĂ©ficit public est celui de l’ensemble constituĂ© de l’administration centrale, des administrations rĂ©gionales et locales, et des administrations de sĂ©curitĂ© sociale.

3 – Voir son blog

4 – Tous ces quantums auraient Ă©tĂ© choisis en observant les valeurs moyennes qui prĂ©valaient pour les Ă©conomies europĂ©ennes Ă  l’instant des nĂ©gociations de Maastricht 

5 – The Burden of the Debt and the National Income.

 

Guy Abeille
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