Le grand public connaĂźt mal le GIEC et son fonctionnement. Un certain nombre d’opposants Ă  ses conclusions en profitent pour affirmer que c’est un organe politique qui est loin de la science, ou que le consensus se fait au vote et que le choix majoritaire devient alors une « vĂ©rité » qui oublie les opinions minoritaires [1,2,3].

Des mesures continues de la composition atmosphĂ©rique ont commencĂ© vers la fin des annĂ©es 50, au pĂŽle sud et sur une Ăźle de l’archipel HawaĂŻ. La communautĂ© scientifique a ainsi pu prendre conscience de l’impact des activitĂ©s humaines sur le taux de CO2 dans l’atmosphĂšre. La contribution de ce gaz Ă  l’effet de serre atmosphĂ©rique Ă©tait bien connue et un nombre croissant de climatologues a alors alertĂ© sur le potentiel d’un changement climatique significatif en lien avec l’augmentation du CO2 atmosphĂ©rique. Notons que cette prĂ©diction d’un changement climatique consĂ©cutif Ă  l’exploitation du charbon et aux Ă©missions de CO2 qui y sont associĂ©s avait Ă©tĂ© faite dĂ©s la fin du 19e siĂšcle par Svante Arrhenius qui recevra plus tard le prix Nobel de chimie pour d’autres travaux. En rĂ©ponse Ă  ces alertes de la communautĂ© scientifique, plusieurs Etats ont poussĂ© l’Organisation des Nations Unies Ă  mettre en place en 1988 le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC, IPCC en Anglais) avec mission d’analyser la science du changement climatique anthropique et de ses impacts, et d’envisager des stratĂ©gies d’adaptation et d’attĂ©nuation. Depuis cette date, le GIEC a produit 5 rapports d’évaluation, ainsi que des « rapports spĂ©ciaux » plus focalisĂ©s, le dernier Ă©tant paru en 2014.

Le GIEC est composĂ© de trois groupes qui Ă©tablissent des rapports indĂ©pendants qui sont suivis d’une synthĂšse. L’objet du premier groupe est de rĂ©diger un rapport sur les sciences du climat. Le groupe 2 se focalise sur les impacts du changement climatique, alors que le groupe 3 rapporte sur les stratĂ©gies d’adaptation et d’attĂ©nuation.

Les travaux du groupe 1 sont les plus mĂ©diatisĂ©s et aussi ceux qui sont le centre des attaques. RĂ©tablissons quelques vĂ©ritĂ©s. Le groupe 1 est rĂ©digĂ© par environ 250 scientifiques dont les employeurs acceptent qu’ils consacrent une partie de leur temps Ă  cette tĂąche. Ils sont sĂ©lectionnĂ©s par le bureau du GIEC sur la base de critĂšres scientifiques Ă  partir d’une liste proposĂ©e par les Etats. Ils ne reçoivent aucune rĂ©munĂ©ration supplĂ©mentaire pour ce travail.

Le GIEC ne fait pas de recherche. Il Ă©value la connaissance scientifique sur la base des articles publiĂ©s et Ă©tablit un rapport qui synthĂ©tise cette connaissance et les incertitudes. Il n’y a pas de « modĂšle du GIEC » ou de « chercheurs du GIEC ». Cependant, la communautĂ© scientifique des climatologues se positionne par rapport aux rapports du GIEC et leurs Ă©chĂ©ances. Ainsi, une inter-comparaison des diffĂ©rents modĂšles de climat existant dans le monde est organisĂ©e et ses rĂ©sultats sont utilisĂ©s pour les rapports du GIEC.

Les rapports complets rĂ©digĂ©s par les trois groupes sont bien sĂ»r publics mais inaccessibles Ă  l’immense majoritĂ© du fait de leur longueur (plusieurs milliers de pages) et du niveau de langage. Chaque groupe rĂ©dige donc un « RĂ©sumĂ© pour les dĂ©cideurs » d’une trentaine de pages, dans un langage qui doit ĂȘtre accessible. Ces rĂ©sumĂ©s doivent ĂȘtre approuvĂ©s, phrase par phrase, par les reprĂ©sentants des gouvernements. Ce processus impliquant les dĂ©cideurs est souvent utilisĂ© pour affirmer que le message du GIEC est politique et non pas scientifique [1]. En fait, les modifications demandĂ©es sur la base du texte proposĂ© par les scientifiques portent essentiellement sur la forme, et le texte qui est finalement approuvĂ© par les Etats en reste trĂšs proche. MĂȘme si le texte du rĂ©sumĂ© doit ĂȘtre approuvĂ© par les reprĂ©sentants des Etats, il doit aussi ĂȘtre en accord avec le rapport complet et ce sont les scientifiques qui ont le dernier mot.

Contrairement Ă  ce qui est souvent Ă©crit, le GIEC fait Ă©tat des avis divergents.  Par exemple, sur le niveau des mers Ă  la fin du siĂšcle, on lira « De nombreuses projections du niveau moyen des mers par des modĂšles semi-empiriques fournissent des chiffres supĂ©rieurs Ă  ceux des modĂšles basĂ©s sur des processus (jusqu’à deux fois plus importants), mais il n’existe pas de consensus au sein de la communautĂ© scientifique concernant leur fiabilitĂ© et le degrĂ© de confiance dans leurs projections est donc faible ». Par ailleurs, chacune de ses assertions est complĂ©tĂ©e par une Ă©valuation de la confiance associĂ©e. Celle-ci est Ă©valuĂ©e de maniĂšre nĂ©cessairement subjective sur la base de la quantitĂ© et de la qualitĂ© des informations disponibles et sur la convergence de ces informations. Par exemple, dans le dernier rapport du groupe 1 du GIEC, on lira qu’ « il est quasiment certain qu’à l’échelle mondiale, la troposphĂšre s’est rĂ©chauffĂ©e depuis le milieu du 20e siĂšcle » mais que « le degrĂ© de confiance concernant la variation de la moyenne mondiale des prĂ©cipitations sur les rĂ©gions continentales depuis 1901 est faible avant 1951 et moyen aprĂšs cette date ». De mĂȘme, « il est extrĂȘmement probable que plus de la moitiĂ© de l’augmentation observĂ©e de la tempĂ©rature moyenne Ă  la surface du globe entre 1951 et 2010 est due Ă  l’augmentation anthropique des concentrations de gaz Ă  effet de serre et Ă  d’autres forçages anthropiques conjuguĂ©s ». À l’inverse, « le degrĂ© de confiance dans la comprĂ©hension scientifique de la lĂ©gĂšre augmentation observĂ©e de l’étendue de la banquise en Antarctique est faible, en raison des explications scientifiques incomplĂštes et contradictoires des causes de ce changement et du faible degrĂ© de confiance concernant les estimations de la variabilitĂ© naturelle interne dans cette rĂ©gion ». Ces exemples montrent bien que le GIEC n’est pas toujours affirmatif et rapporte bien l’existence d’incertitudes lorsque nĂ©cessaire.

La rĂ©daction des rapports du GIEC est un processus itĂ©ratif et ouvert. Ainsi, il y a trois versions successives du rapport. Les deux premiĂšres sont largement diffusĂ©es Ă  une communautĂ© ouverte qui peut les critiquer. Les auteurs du rapport doivent rĂ©pondre Ă  chacune des critiques, souvent en l’acceptant et en proposant une nouvelle formulation qui en tienne compte, et les rĂ©ponses sont publiques. Ce processus permet d’arriver Ă  un document de trĂšs haute qualitĂ© scientifique. Certes, il y a eu des ratĂ©s, comme la trop fameuse histoire des glaciers de l’Himalaya dont la disparition Ă©tait annoncĂ©e avant le milieu du 21e siĂšcle. C’est lĂ  une Ă©norme bourde qui a Ă©tĂ© reconnue par le GIEC, mais qui peut ĂȘtre jugĂ©e mineure : une phrase dans un rapport de plusieurs centaines de pages et qui n’était pas reprise dans le rĂ©sumĂ© pour les dĂ©cideurs.

 

Références

[1] Claude AllÚgre, « Il faut supprimer le GIEC », 23 février 2010, www.slate.fr/story/17689/giec-allegre-climat-rechauffement-polemique-scandale

[2] Claude Allùgre, L’imposture climatique, Plon 2010.

[3] François Gervais, L’innocence du Carbone : l’effet de serre remis en question, Albin Michel 2013.

François-Marie Bréon
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