Il n’y a pas de doute que le climat de la Terre se réchauffe depuis une cinquantaine d’années à un rythme très inhabituel. La cause de ce réchauffement est bien comprise. En fait, une absence de réchauffement serait plus que surprenante compte tenu de l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Ce constat est partagé par la quasi-totalité de la communauté des climatologues. Le réchauffement a déjà des impacts visibles. Le plus spectaculaire est probablement le recul des glaciers dans les Alpes et d’autres massifs montagneux, mais on peut argumenter que ce recul avait déjà commencé bien avant l’augmentation des températures du dernier demi-siècle. Il y a donc une part de variabilité naturelle. On sait, grâce aux mesures par satellites, que les calottes glaciaires (Groenland et probablement aussi l’Antarctique) perdent de la masse chaque année. Cette perte de masse contribue à l’élévation du niveau des mers qui est de l’ordre de 3 mm/an et la vitesse de cette hausse est en augmentation. Le niveau des mers peut être vu comme un reflet de la température de la Terre. En effet, l’augmentation des températures conduit à une hausse du niveau marin par dilatation de l’eau, fonte des glaciers de montagne et fonte des calottes glaciaires. Les spécialistes du domaine estiment que chacun de ces trois processus contribue pour environ un tiers.

La hausse des températures est donc avérée et il est quasi-certain qu’elle est liée à l’augmentation de la concentration en gaz à effet de serre. Cette quasi-certitude, évaluée par le GIEC sur la base de la littérature scientifique, n’est pas déduite d’une corrélation temporelle entre ces deux observations, mais bien d’une compréhension scientifique des mécanismes de l’effet de serre. La signature de l’effet de serre comme cause du réchauffement à la surface de la Terre se manifeste aussi par le refroidissement de la stratosphère qui est observé, comme attendu.

Le climat, ce n’est pas que la température. D’autres paramètres, et en particulier la distribution des précipitations, sont fondamentaux pour les sociétés humaines. Du fait de la grande variabilité spatiale et temporelle des précipitations, il est difficile de détecter une tendance et de distinguer ce qui pourrait être une variabilité naturelle d’une cause anthropique. Sur ce sujet, les scientifiques et le GIEC, qui fait la synthèse de leurs travaux, restent très prudents.

Les « phénomènes extrêmes »

Il en est de même des phénomènes dits « extrêmes » : canicules, sécheresse, cyclones ou pluies intenses. Par définition, les phénomènes extrêmes sont rares et il faut donc attendre longtemps pour pouvoir établir s’ils deviennent plus fréquents. Ainsi, le lien entre réchauffement climatique et cyclones reste mal établi. On sait que les cyclones se développent sur des eaux chaudes. Il est donc raisonnable de penser que des eaux plus chaudes conduisent à des cyclones plus nombreux et/ou plus intenses, mais la température de l’eau n’est pas le seul paramètre qui contrôle l’émergence d’un cyclone.

Le changement climatique change la distribution statistique des variables météorologiques. C’est très clair pour la température. La moyenne des températures est à la hausse, mais on observe aussi une augmentation de la variabilité. Des températures caniculaires (dont la définition n’est pas la même à Londres et à Madrid) deviennent donc plus fréquentes. On ne peut pas affirmer qu’une canicule donnée est une conséquence du réchauffement climatique. On peut éventuellement dire que ce type d’événement arrivait une fois tous les cent ans au début du 20e siècle, et plutôt une fois tous les dix ans maintenant. Ces questions d’attribution sont l’objet de nombreux travaux en climatologie.

Les modèles mathématiques et la simulation

Au-delà des changements observés aujourd’hui, et qui ont des conséquences sur la biosphère (date d’éclosion des feuilles, distribution des populations d’insectes…), il faut évaluer les changements climatiques à venir. Pour cela, il est nécessaire d’utiliser des modèles de climat dans lesquels les scientifiques mettent en équation les processus tels qu’ils sont compris. Ce sont nécessairement des approximations et la validité des modèles ne peut pas être démontrée. Une certaine confiance dans un modèle peut néanmoins être obtenue en testant sa capacité à simuler le climat d’aujourd’hui, mais aussi un changement climatique important comme celui que la Terre a connu entre -20 000 et -10 000 ans, à la fin de la dernière période glaciaire. Par ailleurs, il existe de nombreux modèles de climat dans le monde, développés de manière indépendante, et les prédictions de ces modèles sont comparées. Lorsqu’une grande majorité de modèles sont en accord sur un point particulier, la prédiction de ce point peut être considérée comme fiable. À l’inverse, lorsque les modèles sont en désaccord, la prédiction n’est pas fiable. C’est cette comparaison inter-modèle qui permet de prévoir un assèchement du pourtour du bassin méditerranéen de manière fiable, alors que l’évolution des précipitations sur le Nord de l’Europe ne l’est pas.

Une question parmi les plus débattues actuellement concerne la stabilité des calottes de glace en réponse au réchauffement. Cette question est importante puisque leur déstabilisation aurait des conséquences importantes sur le niveau des mers. Dans son dernier rapport, le GIEC est prudent en annonçant une montée du niveau des mers nettement inférieure à un mètre à la fin du 21e siècle, tout en reconnaissant qu’il existe des prédictions bien plus élevées qu’il n’est pas possible d’écarter. Depuis ce rapport, plusieurs résultats scientifiques indiquent que le GIEC a probablement pêché par prudence, et que la montée du niveau des mers pourrait être plus rapide qu’annoncée [1 , 2].

Sur cette question du niveau des mers, il faut rappeler que sa hausse continuera bien après le 21e siècle et ce même si on arrive à limiter la hausse des températures à 2°C, objectif annoncé dans l’accord de la COP21. Une hausse à long terme de plusieurs mètres du niveau marin est pratiquement déjà « écrite » avec des conséquences que devront gérer nos descendants.

Quelques arguments soulevés dans la controverse

La réalité du consensus scientifique sur la question du changement climatique est régulièrement contestée.

La température moyenne de la Terre serait un concept dénué de sens

Remarquons que cet argument était beaucoup utilisé jusqu’au début du siècle mais nettement moins lorsque les mesures permettaient aux mêmes d’affirmer que le réchauffement climatique s’était « arrêté en 1998 ». Du fait d’un événement El Niño particulièrement fort en 1998 la tendance à la hausse des températures était masquée par la variabilité naturelle jusqu’en 2013, permettant de parler de « pause » ou « arrêt » du changement climatique. Le réchauffement est depuis clairement reparti à la hausse puisque les records de température annuelle ont été battus en 2014, puis en 2015 (et la température de début 2016 est encore hors norme). Il est donc probable que l’argument qu’une température moyenne n’a pas de sens va revenir. En fait, la variabilité naturelle des températures a pu masquer un temps la tendance à la hausse de la température atmosphérique, ce qui n’est en rien contraire à la compréhension que nous avons du climat. Par ailleurs, les mesures faites par un réseau de sondes océaniques, démontrent que la température des océans a continué à s’élever pendant la fameuse « pause »  du réchauffement atmosphérique.

La vapeur d’eau est-elle bien prise en compte dans le calcul de l’effet de serre ?

L’utilisation des combustibles fossiles (pétrole, charbon, gaz dit naturel) conduit à des émissions de CO2 mais aussi de vapeur d’eau. Il est donc naturel de se demander pourquoi on ne parle pratiquement pas de l’impact des émissions humaines de vapeur d’eau. En fait, la concentration de vapeur d’eau dans l’atmosphère est essentiellement contrôlée par sa température. Si on essaye de mettre plus de vapeur d’eau dans l’atmosphère, celle-ci est rapidement éliminée par précipitation. Le temps moyen de résidence d’une molécule d’eau dans l’atmosphère est d’environ 10 jours. Ainsi, ce sont des processus naturels et très rapides qui contrôlent la concentration atmosphérique en vapeur d’eau et les émissions directes de vapeur d’eau par les activités humaines ont une influence très faible. Le cycle du carbone opère de manière très différente du cycle de l’eau, et c’est pourquoi la concentration de CO2 dans l’atmosphère augmente rapidement du fait des activités humaines.

L’effet de serre  est généré par l’absorption du rayonnement infrarouge par un certain nombre de molécules atmosphériques. Notons tout d’abord que les molécules à deux atomes comme par exemple l’oxygène (O2) ou l’azote (N2), qui constituent 99% de l’atmosphère, n’absorbent pratiquement pas le rayonnement infrarouge et ne contribuent donc pas à l’effet de serre. A l’inverse, d’autres molécules, et en particulier la vapeur d’eau (H2O), le dioxyde de carbone (CO2), le protoxyde d’azote (N2O) et le méthane (CH4), absorbent et émettent du rayonnement infrarouge. Ces molécules participent donc à l’effet de serre.

Cette absorption/émission du rayonnement infrarouge dans l’atmosphère est parfaitement comprise. On peut mesurer en laboratoire l’intensité de l’absorption de différents gaz en fonction de la température et de la pression. Il existe des modèles qui calculent la propagation du rayonnement infrarouge dans l’atmosphère et ces modèles sont en accord quasi-parfait avec les mesures. Ils sont d’ailleurs utilisés tous les jours pour estimer les profils verticaux de température et de vapeur dans l’atmosphère à partir des mesures de rayonnement faites par satellite. L’absorption par la vapeur d’eau, le dioxyde de carbone ou les autres gaz est donc parfaitement connue et quantifiée.

La vapeur d’eau est le troisième gaz le plus abondant dans l’atmosphère et le premier gaz à effet de serre. C’est ce qui est clairement démontré à partir des mesures et des modèles de transfert radiatif évoqués plus haut. Cependant, ces mêmes modèles montrent que la contribution du dioxyde de carbone est loin d’être négligeable malgré sa concentration plus faible. En effet, le CO2 absorbe le rayonnement infrarouge à des longueurs d’onde différentes de celles de la vapeur d’eau. Par ailleurs, la concentration de la vapeur d’eau dans l’atmosphère est très variable et décroît rapidement lorsqu’on s’élève en altitude. Ainsi, en altitude, l’absorption du CO2 est dominante et vient modifier le bilan radiatif de la planète.

Contrairement à ce qui est parfois dit, l’effet de serre n’est pas saturé et continue à augmenter lorsque les concentrations des différents gaz cités plus haut augmentent.

La vapeur d’eau n’est pas le moteur du réchauffement climatique, mais elle y participe par un effet amplificateur. En effet, l’augmentation des concentrations des gaz tels que CO2 et CH4 conduit à une amplification de l’effet de serre, et donc une élévation des températures. Or, dans une atmosphère plus chaude, il peut y avoir plus de vapeur d’eau. L’élévation des températures conduit donc à une augmentation des concentrations de vapeur d’eau atmosphérique. Puisque la vapeur d’eau absorbe le rayonnement infrarouge, on a alors un renforcement de l’effet de serre, qui conduit à une augmentation supplémentaire des températures.

Cet effet est bien compris ; il est pris en compte dans les modèles de climat qui montrent qu’il conduit à une augmentation importante des températures en plus de ce qui est déjà attendu sans cette rétroaction.

La hausse des températures et l’augmentation de la concentration en CO2

L’antériorité de la hausse des températures sur celle de la concentration en CO2 (dans les relevés déduits des carottes de glaces qui nous renseignent sur les climats du dernier million d’années) est un argument souvent avancé par ceux qui contestent le consensus scientifique. La datation précise des courbes de températures et de concentration en CO2 faite par analyse des carottes de glace et des bulles d’air incluses, est difficile à établir. Cette difficulté peut être mise à profit pour sélectionner certains résultats qui vont dans le sens souhaité.  Les résultats récents indiquent une évolution assez synchrone du CO2 et de la température lors des transitions entre période glaciaire et période chaude. Quoi qu’il en soit, le moteur des changements climatiques sur le dernier million d’année n’est pas le même que celui sur le dernier siècle. Il est bien compris que c’est l’orbite de la Terre qui a conduit dans le passé à des variations de température qui ont pu être amplifiées par les rétroactions du CO2 (la hausse des températures conduit à une hausse du CO2 qui conduit à une hausse supplémentaire de la température). Les climatologues n’annoncent pas une hausse des températures sur la base d’une corrélation observée avec le CO2 dans le passé, mais bien sur la base d’une compréhension des mécanismes physiques qui lient les deux.

Le rôle du soleil

Le rôle du soleil a également beaucoup été mis en avant et certains ont affirmé que sa contribution avait été sous-estimée, voire même négligée, par les climatologues [3]. Il est bien évident que le soleil et les variations de sa puissance ont une influence sur le climat. Depuis que l’on peut mesurer précisément le rayonnement solaire (une quarantaine d’années), il semble que les variations de la puissance solaire sont bien inférieures à un pour mille [4]. Ces variations ne peuvent pas expliquer la hausse des températures observées et le GIEC conclut donc, sur la base du consensus scientifique, que le soleil a eu une contribution négligeable au changement climatique.

Il reste possible d’invoquer des processus encore inconnus qui amplifient l’impact du soleil. Mais nous savons bien qu’il est impossible de démontrer qu’un processus n’existe pas, surtout lorsqu’il n’est pas clairement formulé. Un mécanisme d’amplification proposé impliquerait la génération de particules dans l’atmosphère qui pourrait avoir une influence sur la génération des nuages. Ce mécanisme avait été initialement proposé suite à une apparente corrélation entre couverture nuageuse et rayonnement solaire [5]. Cette corrélation a depuis été infirmée [6]. À nouveau, même s’il est impossible de démontrer que le soleil n’a pas d’impact significatif sur le réchauffement climatique récent, rien ne permet d’attribuer le changement climatique récent à une influence solaire.

Ne resterait-il aucune incertitude ?

Le climat reste toutefois mal compris sur de nombreux aspects. L’impact du changement climatique sur les précipitations et les événements extrêmes (cyclones) reste très incertain. On connaît mal comment les nuages ou la végétation vont réagir au changement climatique, alors que cette réaction peut amplifier ou au contraire atténuer le réchauffement. De même, il y a de grandes incertitudes sur la stabilité des calottes glaciaires (Groenland, Antarctique) en réponse à un réchauffement rapide. Mais un certain nombre de processus, à commencer par l’effet de serre et son lien avec la température de l’atmosphère, sont parfaitement compris. Il n’y a quasiment pas de doute sur le fait que la hausse rapide des températures que nous observons sur le dernier demi-siècle est une conséquence de l’augmentation du CO2 et autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

 

Connaît-on bien l’impact des nuages sur le climat ?

Chacun peut ressentir l’impact des nuages sur le climat. Cet impact est double. D’une part les nuages réfléchissent une partie du rayonnement solaire vers l’espace (effet dit “Parasol”), ce qui limite l’énergie apportée à la Terre. On peut observer cet effet lors du passage d’un nuage par une belle journée d’été qui fait rapidement diminuer la température. Par ailleurs, les nuages participent à l’effet de serre en absorbant et en réémettant du rayonnement infrarouge. Chacun sait que les nuits claires sont plus fraîches que les nuits nuageuses ce qui est une conséquence directe de l’effet de serre des nuages. Ainsi, les nuages ont deux effets opposés, refroidissant et réchauffant, sur le climat de la Terre. Les mesures par satellites indiquent que, en moyenne, les nuages refroidissent le climat. Mais ce n’est pas le cas de tous les types de nuages puisque l’effet de serre domine pour les nuages fins et élevés (cirrus).

Certains pensent qu’un climat plus chaud entraîne plus d’évaporation et donc plus de nuages. D’autres pensent au contraire qu’un climat plus chaud est nécessairement plus sec, et donc que l’on doit s’attendre à moins de nuages. Dans la mesure où on pense que l’humidité relative (c’est-à-dire le rapport entre la quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère et la quantité à saturation nécessaire à la formation d’un nuage) de l’atmosphère est peu sensible au changement climatique, il n’y a pas d’arguments simples pour dire si le changement climatique conduira à plus ou moins de nuages, ni si ces nuages seront plus ou moins hauts. De plus, chaque type de nuages peut répondre différemment au changement climatique.

Les nuages sont bien sûr pris en compte dans les modèles climatiques, de même que leurs effets réchauffant et refroidissant. Ils sont néanmoins responsables de la principale incertitude pour la prévision du climat futur. Les simulations climatiques divergent en effet sur la réponse de la couverture nuageuse au changement climatique.

On comprend donc bien l’impact des nuages sur le climat d’aujourd’hui, mais il reste des incertitudes importantes sur ce qu’est la rétroaction entre nuages et climat et si celle-ci renforce ou au contraire limite le réchauffement climatique.

Article modifié, initialement publié dans le revue « Sciences et Pseudo Sciences« 

Références

[1] Robert M. DeConto, David Pollard, “Contribution of Antarctica to past and future sea-level rise”, Nature 531, 591–597, Mars 2016. doi:10.1038/nature17145

[2] James Hansen et al., “Ice melt, sea level rise and superstorms: evidence from paleoclimate data, climate modeling, and modern observations that 2 °C global warming could be dangerous”, Atmos. Chem. Phys., 16, 3761-3812, 2016. doi:10.5194/acp-16-3761-2016

[3] Vincent Courtillot et Jean-Louis Le Mouël, « Et le Soleil dans tout cela ? », Science et pseudo-sciences n° 291, juillet 2010.

[4] Édouard Bard, « Influence du soleil sur le climat », Conférence prononcée le 2 décembre 2010 dans le cadre du partenariat entre le Collège de France et le Collège Belgique. http://lettre-cdf.revues.org/1210?lang=en

[5] Marsh, N. D. et H. Svensmark, “Low cloud properties influenced by cosmic rays”. Phys. Rev. Lett., 85, 5004–5007. 2000.

[6] Agee, E. M., K. Kiefer et E. Cornett, “Relationship of lower troposphere cloud cover and cosmic rays: An updated perspective”, 2012. J. Clim. 25, 1057–1060.

François-Marie Bréon
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