Qu’est-ce que la LegalTech ?

La technologie juridique, ou “LegalTech” (pour Legal technology, et parfois aussi appelée “LawTech”), est un ensemble de technologies et logiciels qui permettent d’automatiser et rationaliser les activités du droit, chez les avocats et dans les directions juridiques, comme la relecture de documents, l’amélioration des processus juridiques, les procédures d’audit et le stockage/partage d’information.

Les origines de la LegalTech

La LegalTech est apparue aux États-Unis dans les années 2000 en réponse aux défis rencontrés par l’industrie du droit, suite à la crise financière : les charges croissantes imposées aux entreprises par la régulation, la pression pour réduire le coût des procédures juridiques, l’absence de standardisation juridique, ainsi que la concurrence imposée par les nouvelles entreprises rejetant le modèle de droit traditionnel. L’avènement d’internet représentait une contrainte supplémentaire, imposant aux avocats et juristes de traiter d’immenses quantités de données et d’e-mails chaque jour.

Les services de LegalTech ont ainsi vu le jour, afin d’optimiser le travail des fonctions juridiques tout en tirant bénéfice des avancées technologiques de l’époque. Ce domaine s’est développé au fil des années pour englober, d’une part, les outils logiciels et technologiques qui simplifient et rationalisent la pratique du droit pour ses différents acteurs, et d’autre part, les outils numériques qui simplifient l’acquisition et la gestion des services juridiques pour les clients en réduisant la nécessité de consulter un avocat ou le juriste.

La LegalTech aujourd’hui

Aujourd’hui le domaine de la LegalTech est en plein essor à travers le monde. Les États-Unis comptent plus de 300 start-ups spécialisées dans les services juridiques en ligne. Les principaux acteurs américains de ce secteur sont entre autres, Rocket Lawyer, Hub Avocat, LegalZoom ou encore Lawcracy.

En France, pays de droit romain, l’apparition des services de LegalTech a été plus tardive, mais le secteur se développe à présent très rapidement. Les plateformes juridiques qui sont créées aujourd’hui proposent aux entreprises des solutions numériques fiables et des outils informatiques de pointe, à des tarifs abordables et transparents.

D’un point de vue économique, la course mondiale pour faire émerger les champions de la LegalTech bat son plein. En 2018, selon un article dans Les Echos START[1], les investissements dans la LegalTech ont atteint 25 millions d’euros en France (dont 10 millions pour Doctrine.fr), comparés à 1,6 milliard de dollars aux Etats-Unis.

Les objectifs de la LegalTech

La LegalTech a pour objectif d’utiliser la technologie et les logiciels informatiques pour permettre aux avocats de fournir des services juridiques de manière plus efficace. Cette démarche vise principalement à dématérialiser et automatiser les processus juridiques répétitifs tels que la relecture et l’audit, créer des documents de manière dynamique et offrir des solutions d’intelligence artificielle (AI) pour permettre aux avocats d’avoir accès à des modèles d’exécution plus performants et de gagner ainsi en efficacité dans leurs tâches quotidiennes.

Les différentes formes de services de la LegalTech

Données: Village de la Justice, https://www.village-justice.com/articles/Les-start-up-droit,18224.html

Aujourd’hui, la LegalTech se diversifie dans le monde entier et ses domaines d’intervention couvrent un large éventail de services. Ils comprennent, entre autres:

  • la rédaction d’actes et de documents juridiques;
  • la mise en relation Business-to-Client et Business-to-Business;
  • les échanges et le stockage sécurisés de documents/données;
  • l’aide à la résolution de litiges;
  • le big data juridique

Certains services sont conçus pour aider les cabinets d’avocats à acquérir plus de clients, d’autres les aident à mieux servir les clients actuels en leur permettant d’optimiser leur fonctionnement et à fournir des services juridiques de manière plus efficace.

LegalTech vs. RegTech

Si les entreprises de LegalTech ont pour objectif de fournir des outils juridiques pour alléger la charge administrative des entreprises, les “RegTech” (pour Regulatory technology) sont quant à elles plus spécifiques : ces technologies ont pour vocation d’aider les entreprises à adapter leurs outils aux règles juridiques et aux juridictions où elles exercent leurs activités.

Les Regtech facilitent ainsi la gestion des risques grâce à une cartographie des risques réglementaires ainsi qu’une mise à jour en temps réel des référentiels utilisés (par exemple: e-identification, signature électronique, paiements sécurisés en ligne, etc).

Les acteurs de la LegalTech

Données: Village de la Justice, https://www.village-justice.com/articles/Les-start-up-droit,18224.html

L’automatisation de l’industrie du droit et des services juridiques a donné naissance à un nouvel écosystème composé d’avocats, investisseurs, sociétés, entrepreneurs, professionnels et universitaires qui travaillent sur l’application de technologies de pointe pour optimiser la profession. Si les start-ups constituent la grande majorité des acteurs dans ce domaine en pleine croissance, les professions du droit, les acteurs traditionnels et les entreprises participent aussi aux changements des pratiques et des services rendus aux justiciables.

Les start-ups mettent en avant le gain de temps et la simplification des procédures qui découlent de leurs services, et misent sur la transparence de leur tarifs compétitifs pour se faire une place sur le marché de services juridiques. D’autres valeurs permettent aussi à ces start-ups de droit en ligne de se démarquer des acteurs traditionnels : la sécurité, la disponibilité, l’accessibilité ou encore la simplicité d’utilisation. Ces plateformes utilisent des algorithmes pour produire des documents juridiques se caractérisant par leur grande fiabilité en vue de la réalisation d’autres opérations simples, à des coûts relativement faibles. Ces portails spécialisés permettent en outre à leurs clients de bénéficier d’un accompagnement personnalisé, et souvent même d’une prise en charge intégrale des formalités à remplir.

Les utilisateurs

Données: Village de la Justice, https://www.village-justice.com/articles/Les-start-up-droit,18224.html

A l’origine principalement orientés vers les particuliers et les TPE, les services de LegalTech s’adressent aujourd’hui à presque à tous les publics. En France, les start-ups offrent leur expertise aussi bien aux professionnels qu’aux particuliers, en passant par les services juridiques d’entreprises ou de collectivités. Les avocats semblent être les clients les plus convoités par les startups de la LegalTech, devant les entreprises. Les particuliers sont quant à eux aussi la cible de certaines LegalTech, qui visent la démocratisation de l’accès au services juridiques.

Les services de LegalTech améliorent la production d’une entreprise et soulagent les inquiétudes des particuliers. Les professionnels du droit y trouvent une véritable valeur, afin de se libérer de tâches récurrentes chronophages, leur permettant ainsi de se concentrer sur des démarches plus importantes. Plus concrètement, la LegalTech permet (liste non exhaustive):

Pour les entreprises:

  • de simplifier les démarches pour une création d’entreprise en réalisant certaines tâches directement depuis les plateformes (publication d’annonces légales, déclarations aux autorités, modification des statuts, etc.)
  • de télécharger des modèles de documents administratifs (contrats d’embauche, clause de confidentialité, etc.) et des lettres types (réclamation de paiement, attestation de stage, convocation d’un salarié, etc.) et de les générer automatiquement.
  • d’automatiser la planification juridique en améliorant l’état de santé de leur structure (entretiens annuels, redéfinition des objectifs, priorisation des tâches en fonction d’un calendrier établi, etc.)
  • de simplifier les démarches juridiques, comptables et financières, souvent longues, coûteuses, fastidieuses (audit, contrats, due diligence, etc.).
  • de fluidifier l’accès aux lois, règles et droits. En recevant des réponses rapidement, les entreprises peuvent se consacrer pleinement à leur cœur de métier et au développement de leur activité.

Pour les particuliers:

  • d’accéder à des sources d’informations concernant l’achat et location de biens immobiliers
  • de mieux gérer leur situation fiscale et faire des économies en confiant leurs démarches comptables à des logiciels spécialisés
  • d’accéder rapidement aux lois, règles et droits pour avoir des réponses rapides
  • de faciliter la prise de communication, la demande de devis détaillé et la rédaction de contrats de location
  • de simplifier les procédures de divorce, de litige et d’arbitrage, à des tarifs sans dépassement d’honoraire

Pour les avocats:

  • de faciliter la CRM (Customer Relationship Management)
  • d’optimiser le développement de la clientèle présente sur Internet
  • d’accélérer la valorisation de l’information juridique et financière
  • d’avoir accès à des outils de justice prédictive
  • d’avoir accès à la génération automatisée de documents juridiques dynamiques
  • de gagner en productivité grâce au gain de temps dans les recherches, dans la production de livrables aux clients, et au knowledge interne.

L’impact de la LegalTech sur les professions juridiques

Issue de cette révolution numérique, l’automatisation de certaines tâches a eu un impact important sur les professions juridiques:

  • Un changement des études et des formations juridiques: le professionnel du droit devient un codeur et un développeur qui maîtrise à la perfection les outils digitaux
  • Une réinvention de la profession et un gain de temps considérable: Les tâches secondaires et répétitives comme la rédaction des actes ou le suivi des contrats sont automatisées afin que le professionnel du droit puisse se concentrer sur l’essentiel: le conseil juridique. Mais cette automatisation tendra à faire disparaître certaines professions « subalternes » du droit ou para-légales d’ici 15 à 20 ans.
  • Le développement de l’espace client et l’échange facilité d’informations
  • Une simplification de la législation: la démocratisation de l’accès au droit n’oblige plus les dirigeants d’entreprise à faire appel à un avocat pour rédiger des documents juridiques.
  • Une offre de service plus rapide et plus sûre grâce à la signature digitale
  • Une tarification des avocats et des conseillers juridiques revue à la baisse pour concurrencer les LegalTech.

Les services de LegalTech ne sont pas là pour remplacer l’avocat, mais pour lui permettre d’évoluer, de changer l’organisation classique des cabinets, de se consacrer à des tâches plus complexes, voire à des nouvelles activités. Car si l’on peut décharger le professionnel juridique des questions d’exécution de règles de droit validées, sur lesquelles il y a peu de matière à interprétation, il pourra consacrer plus de temps à des questions de droit complexes pour lesquelles il apporte une vraie plus-value sur l’interprétation du droit, tout en bénéficiant d’une plus grande sécurité juridique.

Les perspectives d’avenir pour la LegalTech

Le nombre d’entreprises proposant des services de Legaltech devrait augmenter dans les prochaines années, compte tenu de l’engouement qu’elles suscitent non seulement auprès des avocats et entreprises, mais également auprès des particuliers. La part de PME et ETI faisant appel aux start-ups spécialisées en Legaltech va vraisemblablement continuer de croître elle aussi, parallèlement au perfectionnement des outils numériques de traitement d’informations juridiques. Des défis importants restent encore à être relevés dans le secteur, comme par exemple la sensibilisation des futurs avocats aux bénéfices de la LegalTech ou encore l’intégration des outils spécialisés au sein-même des procédures standards des cabinets d’avocats.

Dans un contexte où le digital, le big data et le data analytics, le machine learning et l’intelligence artificielle transforment en profondeur et durablement la pratique du droit, les métiers du droit vont à l’avenir demander beaucoup plus de polyvalence et de connaissances en informatique ainsi qu’en statistiques.

Les Alumni de l’ENSAE peuvent donc profiter de cette tendance, étant donné que les start-ups fondent leur valeur ajoutée sur des services recourant au big data et à l’analyse des données.

 

Mots-clés : legaltech – regtech – automatisation – justice prédictive – conformité


 [1] TASK FORCE – 23 startups créent la French Legal Tech avec France Digitale, Julia Lemarchand | 16/07/2019, mis à jour le 17/07/2019. https://start.lesechos.fr/startups/actu-startups/23-startups-creent-la-french-legal-tech-avec-france-digitale-15603.php 

 

Arthur Renaud
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