Au CES (« Customer Electronics Show« ), le grand raout mondial des start-up, Ă Las Vegas, en 2018, on dĂ©nombrait 274 start-up françaises prĂ©sentes pour 280 start-up amĂ©ricaines. MalgrĂ© un chauvinisme de bon aloi aprĂšs la victoire de l’Ă©quipe de France Ă la Coupe du Monde de football cette annĂ©e, on ne peut croire que les start-up françaises reprĂ©sentĂ©es Ă cet Ă©vĂ©nement soient aussi avancĂ©es et financĂ©es que leurs rivales amĂ©ricaines. La forte prĂ©sence de start-up françaises Ă cet Ă©vĂ©nement tient surtout Ă l’action vigoureuse de la French Tech, des grands groupes français et des rĂ©gions françaises, qui ont payĂ© de leur poche la plupart des frais de dĂ©placement des start-up Ă Las Vegas. Cette situation n’est pas nĂ©cessairement un mal et on peut se fĂ©liciter certainement de telles actions de communication qui rendent nos jeunes pousses plus visibles Ă l’international. Ce phĂ©nomĂšne rĂ©vĂšle pourtant une intĂ©ressante caractĂ©ristique des start-up françaises.
Les mises en relation entre start-up et grands groupes sont lâaffaire de tous : les commerciaux des startups, les services Innovation des grands groupes et des intermĂ©diaires-tiers qui en font leur spĂ©cialitĂ©
MalgrĂ© la difficultĂ© Ă surmonter la barriĂšre des dĂ©partements Achats des entreprises, certaines start-up parviennent Ă entrer en relation, plus ou moins durable et solide, avec des grands groupes. En particulier, un grand nombre de start-up mĂ©connues du grand public prospĂšrent dans le domaine du B2B. Souvent, les directions de l’Innovation des grands groupes appellent de leurs voeux ces relations afin d’insuffler un esprit entrepreneurial au sein de leurs organisations, de faciliter l’intĂ©gration de nouvelles technologies dans leurs processus de production et Ă©ventuellement, de repĂ©rer ainsi des start-up dans lesquelles investir car jugĂ©es stratĂ©giques pour leur dĂ©veloppement futur.
De nombreux acteurs se sont d’ailleurs positionnĂ©s sur le crĂ©neau de la mise en relation des grands groupes et des start-up, la difficultĂ© pour ceux-lĂ Ă©tant d’identifier les acteurs pouvant rĂ©pondre Ă leurs besoins. Pour organiser ces mises en relation, ces acteurs fonctionnent pour beaucoup via des canaux Ă©vĂ©nementiels. Ces Ă©vĂ©nements sont soit des Ă©vĂ©nĂ©ments gĂ©nĂ©ralistes Ă forte audience, soit des Ă©vĂ©nements, en plus petit comitĂ©, les hackathons.
- Les Ă©vĂ©nements Ă forte audience, comme le CES ou l’Ă©vĂ©nement Vivatechnologies, organisĂ© par les Echos et le groupe LVMH, permettent non seulement de faire dĂ©couvrir au grand public les produits et les services crĂ©Ă©s par nos start-up, mais sont devenus des moments de rencontres privilĂ©giĂ©s prisĂ©s par les personnels des grands groupes. Ces derniers organisent des tournĂ©es lors de ces grands Ă©vĂ©nements et y tissent des relations qui se transforment parfois en collaboration, sur des sujets trĂšs divers, de la « Data Visualisation » au dĂ©pĂŽt de ruches sur les toits des locaux des entreprises !
- Les hackathons sont, pour leur part, des Ă©vĂ©nements dont les grands groupes ont l’initiative. Ils les utilisent pour trouver des partenaires sur des thĂ©matiques qu’ils souhaitent faire Ă©merger dans leur organisation. Ces Ă©vĂ©nements durent souvent 48h et ont parfois lieu le week-end : ils sont conçus comme des concours entre les diffĂ©rentes Ă©quipes prĂ©sentes, qui s’affrontent pour proposer les prototypes les plus aboutis, dans un temps imparti. Le « prix » remportĂ© par les vainqueurs est parfois une rĂ©compense en monnaie sonnante et trĂ©buchante et, le plus souvent, une opportunitĂ© favorisĂ©e de collaboration avec le grand groupe organisateur, dont les services facilitent alors les aspects administratifs du partenariat. D’aucuns voient parfois dans ce genre d’Ă©vĂ©nements une façon pour les grands groupes de bĂ©nĂ©ficier du travail des start-up Ă moindre prix. Cependant, les opportunitĂ©s crĂ©Ă©es lors de ce genre d’Ă©vĂ©nements et le nombre de rĂ©alisations concrĂštes gĂ©nĂ©rĂ©es par ces hackathons confirment le bien-fondĂ© de l’organisation de ce genre de manifestations.
Travailler avec un grand groupe est une belle opportunitĂ© pour les start-up si elles parviennent Ă poursuivre leur dĂ©veloppement avec dâautres clients
 NĂ©anmoins, il ne faut pas s’imaginer que l’idylle entre les Goliaths et les Davids soit toujours profitable Ă tous les acteurs. Evidemment, certaines jeunes pousses Ă©chouent, toujours par manque de cash et souvent Ă cause d’une mĂ©sentente au sein de l’Ă©quipe des fondateurs ou encore d’une trop faible adaptation de leur offre aux demandes des clients (dans le jargon actuel, un mauvais product market fit).
Qu’il y ait des Ă©checs de structures est inhĂ©rent Ă l’aventure entrepreneuriale et c’est bien pour cela que les rĂ©ussites sont aussi Ă©clatantes. En revanche, ces Ă©checs sont parfois gĂ©nĂ©rĂ©s par un contexte particulier : le dĂ©sĂ©quilibre des forces en prĂ©sence entre les grands groupes et les jeunes pousses amĂšne parfois ces derniĂšres Ă se focaliser davantage sur le besoin ponctuel d’un client que sur le dĂ©veloppement de leurs propres produits. En effet, souvent la tentation est grande de rĂ©aliser une mission rentable sur le court terme, mais moins stratĂ©gique sur le long terme. A cet Ă©gard, les start-up financĂ©es par des fonds de capital-risque sont moins exposĂ©es Ă ces problĂšmes : elles disposent de moyens qui leur permettent de rester focalisĂ©es sur la ligne de dĂ©veloppement qu’elles se sont fixĂ©e. Par ailleurs, les capitaux-risqueurs ne cherchent pas Ă financer les entreprises qui ne seraient pas concentrĂ©es sur le dĂ©veloppement d’un produit associĂ© Ă une proposition de valeur bien prĂ©cise. En effet, leur expĂ©rience leur a appris que ce sont les seules start-up qui se revendent avec un multiple Ă©levĂ© de valorisation.
Enfin, les meilleures collaborations semblent ĂȘtre celles qui permettent Ă la fois de rĂ©soudre les problĂšmes des grands groupes et de dĂ©velopper les produits des start-up. En effet, la nature et l’inertie des grands groupes font que les collaborations fructueuses avec une start-up peuvent grandir et se maintenir dans la durĂ©e, soutenues par des demandes croissantes de la part du grand groupe. Pour peu que ces demandes aillent dans le sens du dĂ©veloppement de produits capables de rĂ©pondre Ă des problĂ©matiques chez un grand nombre de clients, les start-up peuvent alors trouver d’intĂ©ressants relais de croissance et envisager le dĂ©ploiement de nouvelles ressources pour accĂ©lĂ©rer leur dĂ©veloppement.
La vie des start-up n’est pas un long fleuve tranquille : il leur faut non seulement trouver de quoi garantir leur survie (« Cash is King« ) mais aussi, ne pas laisser des prĂ©occupations court-termistes rĂ©duire l’ambition et les promesses de ces jeunes pousses. Grands groupes et start-up peuvent avoir des intĂ©rĂȘts communs et il faut parier sur la spĂ©cificitĂ© française de la relation entre eux, qui dans certaines conditions, peut favoriser l’Ă©mergence de nouvelles championnes et de nouveaux champions !
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