Les Jeux de Paris sont peu coûteux en comparaison des éditions précédentes

 Comparer le coût total d’organisation des différents Jeux Olympiques est difficile. Les chercheurs ayant travaillé sur le sujet pointent le manque de données disponibles, notamment l’absence d’évaluation des coûts avant ou après les Jeux pour certaines éditions[1]. De plus, trois facteurs compliquent la comparaison du coût total d’organisation d’une édition des Jeux.

Premièrement, le coût total d’organisation des JO varie fortement selon le périmètre retenu. Il n’est pas aisé de savoir précisément quelles dépenses doivent être considérées. Par exemple, une ligne de métro construite pour les Jeux, mais qui l’aurait probablement été quelques années plus tard, doit-elle être retenue dans le coût de leur organisation ? Le choix du périmètre retenu conduit à de très importants écarts de coûts. Par exemple, pour Flyvbjerg et al. (2021)[2], les Jeux d’Athènes ont coûté 2,9 milliards de dollars (environ 2,7 milliards d’euros), contre 11,1 milliards d’euros pour Andreff (2015)[3], l’écart provenant principalement de la prise en compte ou non des dépenses d’infrastructures.

Deuxièmement, les comparaisons doivent s’effectuer sur la base d’une année identique. Une même unité monétaire n’a pas la même valeur dans le temps. Les comparaisons doivent ainsi s’effectuer en ramenant l’ensemble du coût des différentes éditions sur une année commune en prenant en compte l’évolution moyenne des prix.

Troisièmement, l’ampleur de l’évènement diffère dans le temps. A Séoul en 1988, 237 épreuves étaient au programme olympique, il y en aura 329 à Paris. Ainsi, comparer le coût d’organisation de l’évènement doit prendre en compte le fait qu’il a tendance à croître en taille dans le temps, donc que le coût d’organisation tend mécaniquement à augmenter (ainsi que les retombées économiques et médiatiques potentielles).

Le coût total des Jeux de Paris est estimé à 11,8 milliards deuros

Les JO de Paris devraient coûter 11,8 milliards d’euros d’après nos  estimations. Ce total se divise en trois principales catégories :

Le Cojo : 4,4 milliards d’euros. L’organisation des JO en tant que telle est gérée par le Comité d’organisation des Jeux Olympiques (Cojo). Le budget du Cojo est estimé début 2024 à 4,4 milliards d’euros[4].

La Solideo : 4,4 milliards d’euros. Les JO nécessitent la construction d’infrastructures (transport, stades, village olympique) qui sont financées par la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), dont le budget total est estimé à 4,4 milliards d’euros[5].

D’autres coûts probables : 3 milliards d’euros. En effet, les jeux nécessiteront des dépenses supplémentaires, notamment pour la sécurité (heures supplémentaires des policiers par exemple) ou pour combler d’éventuels dépassements de budget qui reviendraient à la charge de l’État. Ces montants, très difficiles à évaluer a priori, sont estimés par Asterès à 3 milliards d’euros, ce qui semble plutôt correspondre à un montant maximal[6].

Les Jeux de Paris seraient nettement moins chers que la moyenne des précédentes éditions

D’après nos estimations et malgré la difficulté des comparaisons, une comparaison approfondie du coût des éditions passées amène à conclure que l’organisation des JO de Paris devrait coûter moins cher que la plupart des éditions de ces dernières décennies. Nous avons pris comme base de départ les données de Wladimir Andreff[7] car elles intègrent les dépenses d’infrastructures. Puis, nous avons ramené les valeurs monétaires en euros de 2024 et ajusté le budget en fonction du nombre d’épreuves.

D’après les données de Wladimir Andreff, le coût moyen d’organisation des 9 dernières éditions (depuis Séoul en 1988) a été, en brut, sans autre correction, de 14,4 milliards d’euros (9,3 milliards d’euros en enlevant Pékin et Rio, dont les coûts étaient particulièrement élevés). Le coût estimé des Jeux de Paris, de 11,8 milliards d’euros, se situerait donc en dessous du coût moyen des précédentes éditions.

Dépenses totales (Mds € 2014, W Andreff)

 

Les données de Wladimir Andreff sont exprimées en euros de 2014. De manière à les comparer de façon pertinente avec le coût attendu des Jeux de Paris, il convient de les convertir en euros de 2024 (à l’aide de l’inflation moyenne en zone euro, données WEO). Ainsi, le coût des éditions passées est accru de 28 % et leur coût moyen atteint 18,5 milliards d’euros (11,9 milliards d’euros en enlevant Pékin et Rio), soit plus que le coût attendu de 11,8 milliards d’euros des Jeux de Paris, qui seraient les Jeux les moins coûteux derrière Atlanta et Sydney.

Dépenses totales (Mds € 2024, Asterès d’après W Andreff et WEO)

 

De façon à estimer l’efficacité de l’organisation, il convient enfin de pondérer le coût d’organisation des Jeux avec l’évolution du nombre d’épreuves, qui n’a cessé d’augmenter. Nous avons estimé le coût des éditions passées en supposant qu’elles auraient comporté le même nombre d’épreuves que Paris 2024 (en faisant l’hypothèse d’un coût identique pour chaque épreuve et d’une évolution proportionnelle du coût en fonction du nombre d’épreuves). Ainsi, le coût moyen des neuf éditions passées atteint 20,5 milliards d’euros (13,5 milliards d’euros en enlevant Pékin et Rio), près du double du coût attendu de Paris 2024 (11,8 milliards d’euros). Le Jeux d’Atlanta sont, depuis 1988, ceux qui ont été les moins chers à organiser, suivis de Sydney et Paris.

Dépenses totales si même nombre d’épreuves qu’à Paris 2024
(Mds € 2024, Asterès d’après W Andreff et WEO)

Les Jeux de Paris seraient globalement neutres pour les finances publiques 

Les dépenses totales liées à l’organisation des JO de Paris atteindraient donc 11,8 milliards d’euros, dont 5,2 milliards d’euros d’argent public. Nous avons divisé le coût des Jeux (les dépenses du Cojo, de la Solideo et les « autres dépenses » présentées précédemment) selon que les dépenses sont financées par des ressources publiques ou privées.

Le budget du Cojo (l’organisation des Jeux en tant que telle) ne nécessite pas d’argent public. Le budget du Cojo, estimé début 2024 à 4,4 milliards d’euros, est financé à 96 % par des fonds privés (billetterie, sponsors, dotation du CIO)[8]. Ainsi le bouclage du budget du Cojo ne nécessiterait pratiquement aucun argent public.

Le budget total de la Solideo serait de 4,4 milliards d’euros[9]. Une partie sera financée par les recettes des constructions réalisées (vente des appartements du village olympique par exemple) et une partie par de l’argent public. Nous estimons que la moitié des dépenses de la Solideo, soit 2,2 milliards d’euros, serait à la charge de l’État ou des collectivités locales[10].

Les Jeux nécessiteront des dépenses supplémentaires, notamment pour la sécurité (heures supplémentaires des policiers par exemple) ou pour combler d’éventuels dépassements de budget qui reviendraient à la charge de l’État. Ces montants, très difficiles à évaluer a priori, sont estimés à 3 milliards d’euros, ce qui semble plutôt correspondre à un montant maximal[11].

 

Estimation budget total JO Paris (Mds €)

Les dépenses totales nécessaires à l’organisation Jeux de Paris génèreront 5,3 milliards d’euros de recettes publiques

Les dépenses totales nécessaires à la tenue des Jeux Olympiques de Paris entraîneraient une hausse de recettes fiscales et sociales de 5,3 milliards d’euros d’après le Modèle d’Impact d’Asterès (modèle MIA, voir encadré), soit un montant équivalent aux dépenses publiques liées à l’évènement. Les dépenses liées à l’organisation des Jeux génèreraient 137 000 emplois, 12 milliards d’euros de valeur ajoutée et 5,3 milliards d’euros de recettes fiscales et sociales (1,7 milliard d’euros de TVA, 2,6 milliards d’euros de cotisations salariales et patronales, 0,2 milliard d’euros d’impôt sur le revenu, 0,2 milliard d’euros d’impôt sur les sociétés et 0,6 milliard d’euros d’autres impôts). Ainsi, les recettes publiques générées par les dépenses engagées pour l’organisation des Jeux seraient globalement équivalentes aux dépenses publiques réalisées.

Présentation du Modèle d’impact d’Asterès (MIA)

Le Modèle MIA permet d’estimer l’ensemble des effets d’entraînement d’une variation de la demande adressée à l’économie française. MIA permet de mesurer à la fois les effets directs (impact sur les entreprises concernées) mais aussi l’ensemble des effets indirects, induits et en chaîne sur une durée de 4 ans.

Par exemple, les dépenses liées à l’organisation des Jeux Olympiques entraînent une hausse de la demande adressée à l’économie française. Cela implique également une hausse de la consommation des salariés des entreprises bénéficiant d’une demande accrue et une augmentation des achats des entreprises auprès de leurs fournisseurs, deux effets qui se répercuteront ensuite sur d’autres entreprises, et ainsi de suite. MIA estime l’ensemble de ces effets d’entraînement « en cascade » sur l’économie française sur une durée de 4 années (après quoi les effets de l’impulsion initiale deviennent insignifiants).

Pour la présente modélisation, nous avons fait l’hypothèse que les dépenses d’organisation (Cojo) seront réparties de façon égale entre douze activités de services (par exemple le transport, les télécoms, les activités administratives…). Les dépenses d’infrastructure (Solideo) ont toutes été modélisées comme étant dépensées dans le secteur de la construction. Concernant les 3 milliards d’euros de dépenses supplémentaires probables, nous les avons modélisées comme une hausse de rémunération (prime pour les policiers par exemple).

 

Les recettes totales sont probablement sous-estimées

L’estimation réalisée précédemment ne prend en compte que l’impact économique des dépenses réalisées pour l’organisation de l’évènement et conduit probablement à minorer les recettes publiques, pour un montant qu’il est difficile d’estimer. Quatre types de stimulations économiques (trois positives et une négative) n’ont pas été pris en compte du fait de la difficulté à les chiffrer.

Premièrement, les JO ont un effet globalement positif sur le tourisme, donc sur les recettes fiscales. L’organisation d’un grand évènement international attire mécaniquement des touristes. Cependant, chiffrer précisément l’effet des Jeux sur le tourisme et les recettes fiscales qui en découlerait est complexe car certains touristes peuvent ne pas venir dans la ville organisatrice justement à cause de l’évènement, de crainte de payer plus cher les services (hôtels, restaurants) ou de voir les transports saturés.

Deuxièmement, les JO ont un impact sur l’image et l’attractivité de la ville. Un évènement planétaire attire l’attention sur une ville et un pays et peut, à terme, être source d’attractivité (entreprises, étudiants, touristes), donc de recettes fiscales. Cet effet est difficile à chiffrer car il implique la perception, consciente ou non, qu’a le public d’une ville ou d’un pays. De plus, cet effet dépend grandement de la réussite ou non de l’organisation, il est donc encore plus délicat de l’estimer a priori.

Troisièmement, les infrastructures construites stimulent durablement l’activité économique. Dans l’impact budgétaire total des infrastructures construites pour les Jeux (financées par la Solideo), il faudrait prendre en compte leurs effets positifs à long terme. En effet, les équipements construits pourront permettre l’organisation d’autres évènements, source d’attractivité future (tourisme, image de la région) et donc de recettes fiscales.

Enfin, les JO peuvent perturber le fonctionnement de certaines entreprises et donc limiter les recettes fiscales. L’afflux du public et les contraintes en matière de sécurité peuvent impacter la vie économique locale (blocage de circulation, recours massif au télétravail par exemple). Cette perte d’activité serait négative pour les finances publiques. Cependant, ces pertes d’activité et de recettes fiscales, qui ne concerneraient que la quinzaine olympique, sont probablement inférieures aux effets positifs non-chiffrés mentionnés précédemment.

 

Mots-clés : Sport – Jeux Olympiques – Finances publiques


[1] Bent Flyvbjerg, Alexander Budzier et Daniel Lunn, “Regression to the tail: Why the Olympics blow up”, Oxford University, https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/0308518X20958724

[2] Bent Flyvbjerg, Alexander Budzier et Daniel Lunn, “Regression to the tail: Why the Olympics blow up”, Oxford University, https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/0308518X20958724

[3] Wladimir Andreff, “Les dépassements de coût des Jeux Olympiques: Paris doit-elle candidater à n’importe quel prix? », Quel Sport?, n°27, https://shs.hal.science/halshs-01279888/document

[4] https://www.paris2024.org/fr/financement-des-jeux/

[5] https://www.lefigaro.fr/flash-eco/budget-des-ouvrages-jo-le-surcout-de-l-inflation-estime-a-140-millions-d-euros-20221216

[6] https://www.senat.fr/rap/l22-115-331/l22-115-3310.html

[7] https://shs.hal.science/halshs-01279888/document ; pour les Jeux de Tokyo : https://www.caminteresse.fr/societe/organiser-des-jeux-olympiques-combien-ca-coute-combien-ca-rapporte-184409/

[8] https://www.paris2024.org/fr/financement-des-jeux/

[9] https://www.lefigaro.fr/flash-eco/budget-des-ouvrages-jo-le-surcout-de-l-inflation-estime-a-140-millions-d-euros-20221216

[10] https://www.ouvrages-olympiques.fr/fr/missions/financement

[11] https://www.senat.fr/rap/l22-115-331/l22-115-3310.html

Sylvain Bersinger