« On n’est peut-être pas fait pour un seul moi » écrit l’artiste-écrivain-poète-voyageur-peintre Henri Michaux dans Un certain Plume [1].

Qui d’entre nous n’a jamais ressenti vibrer, au plus profond de son être, une palette d’identités différentes ?

Parfois l’excellence de certains parcours se déploie au prix de l’inhibition inconsciente d’autres richesses de notre être. « Pourquoi ne pas penser un sujet qui soit fait de différentes lignes mélodiques, l’une pouvant doubler ou prendre la succession d’une autre ? » interroge la philosophe Claire Marin dans Rupture(s) [2].

« Bergson avance que nous sommes initialement riches d’une multiplicité intérieure, que l’on perd au fur et à mesure que l’on avance dans la vie. Et si c’était l’inverse, si la maturation était au contraire l’investissement de ces différentes personnalités ou tout au moins de différentes manières d’être » poursuit-elle.

La question nous interpelle et … si nous choisissions de vivre « une vie qui, au fur et à mesure qu’elle s’affirme, a la force d’ouvrir d’autres cases, prend le risque d’adopter d’autres formes, de déployer d’autres rythmes, d’autres manières d’être, d’explorer ses possibles. Pourquoi ne pas penser que nous développons ces capacités plutôt que d’imaginer devoir y renoncer ? » [2].

Cette vibration intérieure, certain.e.s d’entre nous la ressentent plus fortement que d’autres et choisissent, avec plus ou moins de difficultés, de vivre leur vie sur plusieurs registres. Parfois ce sera à travers l’art, l’écriture, la peinture, la musique … que se déploiera alors une ligne mélodique, différente de celle, plus classique, qu’ils ou elles embrassent par ailleurs.

Variances, dont la ligne éditoriale se veut curieuse, ouverte, exploratoire, a envie de faire connaître ces personnalités qui, engagées par ailleurs dans un parcours scientifique d’excellence, ont choisi d’exprimer la richesse de leur identité multi-facettes.

Delphine Horvilleur, rabbine et autrice, écrit dans Il n’y a pas de Ajar [3]: « Nous sommes pour toujours les enfants de nos parents, des mondes qu’ils ont construits et des univers détruits qu’ils ont pleurés, des deuils qu’ils ont eu à faire et des espoirs qu’ils ont placés dans les noms qu’ils nous ont donnés. Mais nous sommes aussi les enfants des livres que nous avons lus, les fils et les filles des textes qui nous ont construits, de leurs mots et de leurs silences. »

Convaincu.e.s que la lecture de romans autant que celle d’essais nourrit et enrichit notre capacité à exister dans le monde, Variances vous propose dans cette nouvelle rubrique, de découvrir les parcours et les romans écrits par des Alumni, qui sans renier leur formation et leurs compétences scientifiques, ont choisi de donner vie à des personnages littéraires, personnalités virtuelles qui les habitaient peut-être depuis longtemps, en silence, en démultipliant leur identité.

Pour Plumes, Béatrice Hammer et François Lequiller ont engagé une conversation avec variances, demain dans cette nouvelle rubrique d’autres Alumni continueront à nous parler de leurs romans publiés ou à venir … et peut-être vous-mêmes aurez-vous envie de contribuer à Plumes en nous faisant découvrir les histoires que vous avez écrites et publiées.

Alors n’hésitez pas, Plumes vous attend …

 

Cet article a été initialement publié le 24 novembre 2022.


Notes :

[1] Un certain Plume – Henri Michaux – Gallimard 1963

[2] Rupture(s) – Claire Marin – Éditions de l’observatoire 2019

[3] Il n’y a pas de Ajar – Delphine Horvilleur – Grasset 2022