La (fin de) vie en EHPAD, une perspective inéluctable ?

On propose ici une introduction à trois articles récemment parus, traitant de la dépendance. Ce sujet n’attire guère l’attention en temps ordinaire. Moins d’1 % des résidents en France habitent une « institution », EHPAD (établissement d’« hébergement pour personnes âgées dépendantes »). Il y a assez peu d’analyses de la situation de ces personnes. La crise sanitaire qui sévit en France depuis début 2020 a changé la donne : une mortalité particulièrement élevée parmi les personnes très âges ne pouvait être correctement estimée sans la prise en compte des résidents en EHPAD, à rebours de nombreuses statistiques qui « négligent » cette population et ne sont établies que pour les personnes résident en ménage ordinaire.

Un cadrage : comprendre la mesure et les définitions de la dépendance

L’article de référence est : https://blog.insee.fr/handicap-et-autonomie-des-enjeux-dinclusion-y-compris-dans-les-statistiques/

Celui présente les concepts essentiels, qui sont complexes. Il n’y a pas de définition simple de la dépendance (ou, à rebours de l’autonomie). Il faut au contraire s’attacher à voir des notions comme la vulnérabilité, les limitations d’activités, le recours aux aides, humaines, financières, prothèses, la dépendance, comme un gradient de situations[1].  « Aucun homme[2] n’est une île (…) » et nul ne peut se proclamer totalement indépendant ou autonome. Une multi dimensionnalité caractérise aussi la description de ces situations. Toutefois, cet article présente un indicateur clé car pertinent et simple à mesurer, le « GALI ».

Mesurer pour maintenir les liens (?)

« Mesurer pour comprendre » : l’enjeu est l’inclusion sociale des personnes fortement dépendantes. On a vu la fragilité de nos sociétés, incapables de seulement maintenir des contacts familiaux avec nos anciens, surtout nos anciennes, les plus isolées et isolés et les conséquences dramatiques qui s’en suivies,durant les derniers mois.

Un vieillissement de la population spectaculaire

L’article https://www.insee.fr/fr/statistiques/3645986%3Fsommaire%3D3646226%26q%3Dvieillissement est une synthèse assez récente (parue fin 2018) sur la population des seniors. Le vieillissement de la population française est avéré. Nonagénaire, centenaires sont de plus en plus nombreux. Les « supercentenaires (plus de 105 ans, plus de 110 ans, …) deviennent objet de statistiques plutôt que de chroniques dans la presse locale : l’effet Calment cesse d’être une exception. Numériquement, on estimait à moins de 3 millions les octogénaires en 1870, ils seront sans doute près de 22 millions en 2070 (puissions nous en être encore …). Ce vieillissement tient bien sur beaucoup plus à l’augmentation de l’espérance de vie que celle de la population.

Le maintien à domicile limite le recours aux EHPAD

En parallèle, des politiques constantes de maintien au domicile ou dans des structures intermédiaires n’ont cessé de faire reculer l’âge « pivot » que l’on définit ici comme celui où la moitié de la population est hébergée en EHPAD : il est proche de 100 ans, avec une différence marquée pour les femmes, bien plus nombreuses à ces âges que les hommes (qui vivent davantage au domicile du fait de la présence d’une conjointe relativement plus jeune….). Toutefois la cohabitation intergénérationnelle est en baisse.

Mais est-ce pérenne ?

Le troisième article invoqué (https://blog.ipp.eu/2020/12/02/construire-1-000-ehpad-dici-2030-ou-repenser-la-prise-en-charge-des-personnes-agees-dependantes ) offre une prospective a relativement court terme (2030). Le vieillissement va se poursuivre. Aucune analyse sur l’impact de la crise sanitaire actuelle n’est disponible, mais celui-ci ne sera pas négligeable sur la population des EHPAD, particulièrement frappée par la Covid. La prospective se base sur les données démographiques, notamment les projections de populations classées en « GIR 1-2 », c’est à dire particulièrement dépendantes. On y souligne l’impact de l’isolement, n’avoir ni conjointe (le plus souvent) ni descendantes (ou descendant) est un facteur d’institutionnalisation avéré.

Vieillir chez soi n’a pas de prix, mais un coût …

Quelques chiffres issus de l’étude citée[3] montrent bien des enjeux qui sont pressants (2030, c’est tout de suite) : aider une personne très dépendante, c’est 32 heures par semaine, souvent à charge d’une conjointe (à la retraite, pas grave, elle a que ça à faire), d’une descendante (parfois encore active) ou d’un personnel d’Ehpad. Un besoin d’environ 1 milliard d’heures ou de 700 000 personnes aidantes à temps plein. Notons aussi que la perspective d’aller en EHPAD est redoutée par la majorité des Français …

Quel sera le « modèle » de prise en charge des personnes très dépendantes, dans les prochaines années ? Ces trois articles offrent les termes utiles à la réflexion.


[1]Voir également, https://www.pantheonsorbonne.fr/ufr/idup/publications/revue-populations-vulnerables/n-3-personnes-agees-et-vulnerabilites/

[2]John Donne

[3]Pour aller plus loin, lire https://www.cairn.info/revue-regards-2020-1-page-127.htm