Le Bitcoin a rĂ©cemment fait lâobjet dâune forte mĂ©diatisation : critiques liĂ©es Ă sa consommation dâĂ©nergie ou au risque de contribuer au blanchiment dâargent sale⊠mais aussi envolĂ©e des cours et engouement de certains investisseurs. Ceci alors que le changement de paradigme des politiques monĂ©taires mises en Ćuvre par les grandes banques centrales suscite des interrogations quant au risque de dĂ©valorisation des principales devises traditionnelles. TOBAM a lancĂ© en 2017 le premier fonds ouvert au monde investi en Bitcoin, Yves Choueifaty, son PrĂ©sident Fondateur, rĂ©pond aux questions de variances.eu pour partager ses points de vue dans ce dĂ©bat.
Quels sont les Ă©lĂ©ments qui ont dĂ©cidĂ© TOBAM, lâentreprise que tu diriges, Ă lancer dĂšs 2017 un fonds investi en Bitcoins, le seul dâailleurs dĂ©diĂ© Ă cet actif sur le marchĂ© français ?
TOBAM a Ă©tĂ© fondĂ©e il y a 15 ans avec le dĂ©sir de s’affranchir des schĂ©mas de pensĂ©e traditionnels, de penser en dehors de la boĂźte, de faire de la diversification le cĆur de portefeuille. L’acronyme TOBAM signifie âThink Out of the Box Asset Managementâ.
Cet Ă©tat dâesprit dâinnovation est alimentĂ© et repose en trĂšs grande partie sur la Recherche.
Le cĆur, le moteur de notre sociĂ©tĂ© est sa recherche, il y a 21 mathĂ©maticiens et ingĂ©nieurs impliquĂ©s dans l’effort de recherche chez TOBAM.
Nous avons une grande variĂ©tĂ© de profils, 17 nationalitĂ©s diffĂ©rentes et certains de nos salariĂ©s ont commencĂ© Ă sâintĂ©resser au Bitcoin il y a longtemps.
De jeunes « gamers » et autres « crypto » curieux de notre entreprise ont commencĂ© Ă rĂ©flĂ©chir au sujet, Ă analyser le phĂ©nomĂšne, Ă comprendre son fonctionnement. Notre credo est la diversification, et le Bitcoin est actuellement le summum de lâactif diversifiant.
En 2016, observant que la liquiditĂ© du Bitcoin semblait s’amĂ©liorer significativement annĂ©e aprĂšs annĂ©e, nous avons dĂ©cidĂ© d’allouer des ressources de recherche permanentes Ă l’Ă©criture d’une thĂšse d’investissement sur le Bitcoin, alors quâil nous semblait que le fonctionnement des monnaies avait probablement atteint ses limites.
Quels sont les diffĂ©rents moyens accessibles Ă un investisseur pour acheter du Bitcoin, et quels sont les avantages dâun fonds par rapport aux autres types dâinstruments ?
Il convient de discriminer entre investisseur particulier et investisseur institutionnel. Nous nous adressons uniquement aux investisseurs institutionnels ou professionnels et, dans ce contexte, lâoffre de vĂ©hicule peut ĂȘtre trĂšs diffĂ©rente. Les Ă©lĂ©ments importants Ă considĂ©rer sont :
– la praticitĂ© du vĂ©hicule, en dâautres termes la facilitĂ© pour un institutionnel dây accĂ©der (les plateformes par exemple ne sont pas une solution rĂ©aliste pour une caisse de retraite ou un assureur).
– la capacitĂ© du vĂ©hicule Ă rĂ©pliquer de façon prĂ©cise le cours du Bitcoin. De nombreux vĂ©hicules ont des effets de valorisation qui crĂ©ent un dĂ©calage important et donc une forte tracking error[1].
– la gestion des « forks [2]» : pour un investisseur institutionnel la gestion des nombreuses forks potentielles doit ĂȘtre intĂ©grĂ©e, câest un Ă©lĂ©ment important Ă prendre en compte.
– les risques de crĂ©dit, de contrepartie, et technologiques : il sâagit d’Ă©valuer ces risques en fonction de lâorganisation de la solution dâinvestissement.
– enfin la problĂ©matique de la fiscalitĂ© du vĂ©hicule reste un sujet important pour les institutionnels.
Tous ces Ă©lĂ©ments plaident pour le vĂ©hicule quâils connaissent le mieux, le fonds, mais lĂ aussi il faut ĂȘtre vigilant sur les diffĂ©rents Ă©lĂ©ments, les frais et la qualitĂ© de la rĂ©plication.
Quel est le mode de gestion de la stratégie de TOBAM sur le Bitcoin ?
Le vĂ©hicule que nous proposons est trĂšs simple : il sâagit dâun « Fonds Professionnel SpĂ©cialisé » (FPS) de droit français, qui rĂ©plique systĂ©matiquement en physique (pas de produits dĂ©rivĂ©s) le cours du Bitcoin. Depuis son lancement il y a 4 ans, la tracking error est de 0,6 %. Il nây a pas de surprise, les investisseurs obtiennent le Bitcoin mais via un vĂ©hicule trĂšs encadrĂ© quâils connaissent bien, un fonds.
Les cryptomonnaies sont en plein dĂ©veloppement. Quel intĂ©rĂȘt reprĂ©sentent-elles pour nos sociĂ©tĂ©s ?
La mesure nĂ©cessite un Ă©talon. LâĂ©conomie c’est la production, l’Ă©change et le stockage de biens, services, risques, contrats, valeurs. Pour que cette production, cet Ă©change ou ce stockage aient lieu, il est nĂ©cessaire d’en mesurer la valeur, donc dâavoir un Ă©talon qui en permette aussi le « transport » temporel.
Le principal Ă©cueil des Ă©talons conventionnels de mesure de la valeur, c’est l’Ă©rosion de transport temporel que reprĂ©sente l’inflation monĂ©taire. L’histoire dĂ©montre que lorsqu’une entitĂ© centralisĂ©e dispose du privilĂšge de battre monnaie, elle finit toujours par en abuser, et la monnaie Ă©choue alors Ă accomplir une de ses missions fondamentales, le transport du travail dans le temps.
Le Bitcoin possÚde de notre point de vue et par construction les qualités fondamentales qui en font, potentiellement, un étalon de mesure et de transport de la valeur: masse monétaire limitée donc non inflationniste (en Bitcoin, évidement inflationniste en euros), inaltérabilité, portabilité, divisibilité, sûreté, peu saisissable, non manipulable, échangeable, infalsifiable.
Par ailleurs je souhaite souligner quâactuellement lâĂ©cosystĂšme du Bitcoin, au-delĂ de son empreinte carbone trĂšs faible, permet dâamĂ©liorer la rentabilitĂ© des projets dâĂ©nergies renouvelables. LâĂ©conomie du Bitcoin, du fait de ses besoins Ă©nergĂ©tiques, a fait preuve dâingĂ©niositĂ© et contribue Ă lâessor sans prĂ©cĂ©dent dâĂ©nergies renouvelables moins chĂšres, les acteurs du minage du Bitcoin allant chercher les sources dâĂ©nergie lĂ oĂč câest le plus avantageux pour eux, donc auprĂšs des unitĂ©s de productions d’Ă©nergies renouvelables quand elles sont en surproduction.
Quels sont les avantages de cet actif pour un investisseur ?
Les avantages macroĂ©conomiques sont immenses : ce sont les avantages d’une monnaie bien gĂ©rĂ©eâŠ
Il faut avoir en tĂȘte que le dĂ©veloppement rapide du Bitcoin se fait dans un contexte de dĂ©monstration globale des excĂšs interventionnistes des institutions monĂ©taires depuis de nombreuses annĂ©es. La gestion de la monnaie par les banques centrales atteindra tĂŽt ou tard ses limites si cela n’est dĂ©jĂ le cas. « L’inflation ignorĂ©e » (non reflĂ©tĂ©e dans les indices habituels : vrai coĂ»t de l’immobilier, de la santĂ©, des systĂšmes d’assurance, de l’Ă©ducation et des systĂšmes publics en gĂ©nĂ©ral, perçus) est dĂ©jĂ lĂ .
Il faut relire le prix Nobel autrichien dâĂ©conomie, Friedrich Hayek. Dans son livre publiĂ© en 1976 « Pour une vraie concurrence des monnaies » (titre original « Denationalization of Money« ) il dĂ©veloppe les raisons fondamentales qui font le succĂšs du Bitcoin aujourdâhui. Cet ouvrage est trĂšs certainement une des publications les plus importantes sur les problĂ©matiques monĂ©taires. Il y explique notamment que le contrĂŽle direct ou indirect par les Etats de lâĂ©mission monĂ©taire conduit Ă des crises rĂ©currentes et Ă un accroissement de lâoffre monĂ©taire. Il y prĂ©conise, dans la lignĂ©e de sa vision Ă©conomique, lâidĂ©e dâune mise en concurrence avec des monnaies privĂ©es, ce qui permettrait d’aprĂšs lui une stabilitĂ© Ă©conomique accrue, inatteignable Ă son avis avec des banques centrales en situation de monopole. Cela est exactement ce qui se passe avec le Bitcoin.
Maintenant pour un investisseur, le Bitcoin est empiriquement un actif :
- Formidablement diversifiant, qui nâest corrĂ©lĂ© Ă aucun autre actif financier traditionnel ou alternatif Ă ce stade et constitue donc une addition trĂšs bĂ©nĂ©fique Ă un portefeuille traditionnel.
- ExtrĂȘmement liquide et « échangeable ».
- GĂ©rable traditionnellement, son risque Ă©tant de nature complĂštement conventionnelle. L’ampleur de ce risque est trĂšs Ă©levĂ©e, mais la taille du risque n’a rien Ă voir avec lâ« investissabilitĂ© ».
Sur cette idĂ©e dâĂ©talon, tu dresses en effet un parallĂšle avec lâor. Comment justifies-tu cette affirmation un peu provocatrice ?
L’Ă©conomie est une longue quĂȘte de l’Ă©talon de la valeur. Chez TOBAM, nous avons longuement Ă©tudiĂ© les caractĂ©ristiques intrinsĂšques du Bitcoin et considĂ©rons quâelles donnent Ă cette crypto-monnaie le potentiel dâĂȘtre un Ă©talon de valeur.Les caractĂ©ristiques essentielles dâun Ă©talon sont les suivantes : il doit ĂȘtre inaltĂ©rable, non fongible, difficile Ă saisir, non-manipulĂ©, non-inflationniste, et Ă©changeable.
Les trois premiers Ă©lĂ©ments (inaltĂ©rable, non fongible, et difficile Ă sâen emparer) sont assurĂ©s par la sĂ©curitĂ© de la blockchain, cette rĂ©volution technologique initiĂ©e par le Bitcoin en 2008 et depuis largement Ă©tendue Ă dâautres usages ou cryptomonnaies.
La dimension non-manipulable et non-inflationniste du Bitcoin est Ă©crite dans son algorithme : les « émissions » de Bitcoin sont en effet par construction limitĂ©es Ă 21 millions, cette limite devant ĂȘtre atteinte en 2140. Enfin la dimension Ă©changeable a incontestablement trĂšs rapidement Ă©voluĂ© ces derniĂšres annĂ©es avec la multiplication des moyens de traiter le Bitcoin. Deux pays aux extrĂ©mitĂ©s du spectre du dĂ©veloppement Ă©conomique, la Suisse et le Venezuela, acceptent mĂȘme le rĂšglement des taxes et impĂŽts en Bitcoin. Le Bitcoin a donc cours lĂ©gal.
Pour conclure, le Bitcoin possĂšde nombre des qualitĂ©s prĂȘtĂ©es Ă l’or, certains considĂšrent le Bitcoin comme « de l’or en mieux », comme une sorte dâor numĂ©rique. En rĂ©alitĂ© je ne suis pas loin de considĂ©rer lâor comme du « Bitcoin en moins bien », l’or Ă©tant en thĂ©orie, potentiellement, massivement inflationniste.
Pour toi, lâhostilitĂ© institutionnelle que rencontre le Bitcoin correspond tout Ă fait aux rĂ©actions habituelles face Ă toute innovation. Peux-tu nous en dire plus ?
Je me suis beaucoup intĂ©ressĂ© Ă la psychologie du changement. Jâai Ă©tĂ© souvent confrontĂ© dans ma carriĂšre Ă une hostilitĂ© assez typique envers certaines des innovations disruptives et cela mâa intĂ©ressĂ© de chercher Ă comprendre le schĂ©ma de ces rĂ©actions.
Elisabeth KĂŒbler-Ross, une psychologue helvĂ©tico-amĂ©ricaine, a dĂ©veloppĂ© au cours des annĂ©es 1970 une thĂ©orie sur les diffĂ©rentes Ă©tapes par lesquelles passe lâĂȘtre humain aprĂšs un deuil[3]. Les chercheurs acadĂ©miques et thĂ©oriciens du monde des affaires ont rĂ©utilisĂ© assez largement ces travaux dans le monde professionnel pour dĂ©crire les phases qui touchent lâĂȘtre humain lorsquâil est confrontĂ© Ă un changement.
Ce modĂšle dit modĂšle de KĂŒbler-Ross dĂ©crit assez prĂ©cisĂ©ment le flux de rĂ©actions et dâĂ©motions de la sociĂ©tĂ© face aux innovations : le choc, le dĂ©ni, la frustration voire la colĂšre, la dĂ©pression, lâexpĂ©rimentation, puis lâadoption du phĂ©nomĂšne.
Je considĂšre que lâacceptation du changement de paradigme que reprĂ©sente le Bitcoin se situe actuellement dans la phase de frustration/colĂšre qui engendre toute sortes de critiques plus ou moins fondĂ©es.
Quelle est ta rĂ©ponse Ă ces critiques ? Notamment en matiĂšre de niveau de risque, de manque de liquiditĂ©, de risque de blanchiment dâargent ou de forte empreinte carbone ?
Regardons point par point.
Sur le niveau de risque : le Bitcoin est sans conteste un actif financier extrĂȘmement risquĂ©, extrĂȘmement volatil. Son niveau de risque ne remet pas en cause ses qualitĂ©s intrinsĂšques, ni son utilitĂ©, en revanche cela dĂ©termine la quantitĂ© que lâon doit investir. La thĂšse dâinvestissement est toujours valable, mais il convient dâinvestir en proportion du risque que lâon peut/souhaite prendre. Si le Bitcoin est dix fois trop risquĂ© Ă vos yeux, investissez dix fois moins.
Sur le niveau de liquiditĂ© : le Bitcoin est aujourd’hui plus liquide que par exemple le titre LVMH, premiĂšre capitalisation boursiĂšre europĂ©enne.
Sur le blanchiment dâargent, son immense majoritĂ© se fait en dollars et il ne viendrait Ă lâidĂ©e de personne de remettre en cause le dollar pour autant. Est-ce quâil faut interdire l’internet parce que les terroristes l’utilisent ? Est-ce quâil faut interdire les mines de fer parce qu’on produit des armes avec⊠Les critiques liĂ©es au blanchiment dâargent sont les plus dĂ©raisonnables et celles qui sont le plus motivĂ©es par la passion, la dĂ©magogie ou l’ignorance. Les transactions en Bitcoins sont beaucoup plus traçables que celles effectuĂ©es en Euros, TOUTES les transactions en Bitcoins sont publiques, c’est d’ailleurs l’avis de Tracfin et d’Europol[4].Â
Sur le sujet des Ă©missions carbone, c’est un sujet trĂšs important pour TOBAM qui sâest engagĂ© trĂšs tĂŽt sur les enjeux de dĂ©forestation et dâempreinte carbone. Nous avons fait des recherches prĂ©cises dont les rĂ©sultats confirment ceux dâOxford et du MIT sur le sujet. Les Ă©missions annuelles du Bitcoin sont du mĂȘme ordre de grandeur que celles d’une entreprise moyenne du S&P 500, et sont de toutes façons destinĂ©es Ă baisser asymptotiquement Ă zĂ©ro du fait de la division systĂ©matique par deux, tous les 4 ans, des quantitĂ©s de Bitcoins minĂ©s (« halving« ).Â
En dĂ©finitive, tu considĂšres que le bitcoin est promis Ă un bel avenir. Mais nây a-t-il pas des scĂ©narios nĂ©gatifs pour son Ă©volution ?Â
Il existe à mes yeux deux scénarios adverses au Bitcoin.
Le Bitcoin rĂ©pond Ă un besoin : le risque de mauvaise gestion de la monnaie par les banques centrales. Le premier scĂ©nario adverse repose sur la disparition de ce besoin : il faudrait que les banques centrales se mettent Ă gĂ©rer la monnaie de maniĂšre complĂštement convaincante et qu’elles donnent moins l’impression d’une fuite en avant.
Le deuxiÚme scénario repose sur le remplacement du Bitcoin et de son rÎle par un meilleur objet monétaire. En quelque sorte, que le marché trouve mieux que le Bitcoin.
Le troisiĂšme scĂ©nario n’est pas adverse, il consisterait en fait en une victoire de la thĂšse du Bitcoin : une « interdiction » du Bitcoin par les banques centrales, qui outre son inapplicabilitĂ© et son illĂ©gitimitĂ©, serait la dĂ©monstration ultime de l’Ă©chec des banques centrales Ă convaincre.
Un certain nombre de banques centrales réfléchissent au lancement de monnaies digitales. Comment analyses-tu la concurrence entre ces projets et le Bitcoin en particulier ?
S’il sâagit d’une cryptomonnaie, fongible Ă une monnaie existante, elle concurrencerait le Bitcoin aussi bien que la monnaie en questionâŠ
S’il sâagit d’une cryptomonnaie, non-fongible Ă une monnaie existante, elle serait un aveu de l’utilitĂ© du Bitcoin âŠ
Si l’offre de cette monnaie Ă©tait limitĂ©e mais pas de façon stricte, sous la « bonne » gouvernance dâun conseil dâadministration, le risque serait grand qu’elle rĂ©invente simplement le Bitcoin⊠en moins bien.
Le Bitcoin a connu aprĂšs son lancement une correction sĂ©vĂšre, avant de voir son cours sâenvoler depuis 3 ans. Cette volatilitĂ© nâest-elle pas prĂ©occupante ?
La volatilitĂ© est simplement une bonne indication de l’Ă©norme potentiel d’apprĂ©ciation qu’il a par rapport Ă son niveau actuel. C’est quand un actif s’apprĂ©cie sans volatilitĂ© qu’il faut s’inquiĂ©ter !
Le Bitcoin est sans conteste un actif financier extrĂȘmement risquĂ©, extrĂȘmement volatil. Son niveau de risque ne remet pas en cause ses qualitĂ©s intrinsĂšques, ni son utilitĂ©, en revanche cela dĂ©termine la quantitĂ© que lâon doit y investir. Il nâest pas rationnel de disqualifier un actif du fait de sa volatilitĂ©.
Sur la correction du Bitcoin, jâai une analogie intĂ©ressante avec Amazon. Au lendemain du krach technologique en 2000 quelques annĂ©es aprĂšs son introduction en bourse, Amazon perd en quelques semaines prĂšs de 95 % de sa valeur (de 106 $ Ă 6 $), il mettra plus de 8 annĂ©es Ă retrouver son plus haut niveau. Plus de 21 annĂ©es plus tard, le cours dâAmazon est au-dessus de 3000 $.
Le Bitcoin en 2018 perd prĂšs de 85 % de sa valeur (de 20 000 $ Ă 3 000 $) ⊠quâil mettra moins de deux annĂ©es Ă retrouver. Je ne sais pas combien vaudra un BTC en 2039âŠ
AprĂšs lâenvolĂ©e des cours depuis un an, quelles anticipations pour le cours du bitcoin ? Â
Sous rĂ©serve de non-rĂ©alisation des scĂ©narios adverses citĂ©s plus haut et du fait de l’offre limitĂ©e Ă 21 000 000 de BTC le potentiel d’apprĂ©ciation est Ă©norme.
Laisse-moi finir par une « boutade » : le Bitcoin sâest apprĂ©ciĂ©, apprĂ©ciĂ©, apprĂ©ciĂ©, et il va continuer de sâapprĂ©cier, sâapprĂ©cier, sâapprĂ©cier, et Ă la fin on s’apercevra que c’est l’euro qui a fini par baisser !
Yves Choueifaty (ENSAE 1992) est Président et fondateur de TOBAM[5], société de gestion ( Actifs sous gestion de 12 milliards $) établie à Paris, Dublin, New York et Hong Kong. Il était auparavant Directeur Général de Crédit Lyonnais Asset Management.
[1] La tracking error est la variance de lâĂ©cart entre la valeur dâun portefeuille et celle de son indice de rĂ©fĂ©rence
[2] Fork : la crĂ©ation d’une nouvelle crypto-monnaie à partir d’une ancienne. Un « fork », que l’on pourrait traduire en français par « fourche » ou « embranchement » est un terme trĂšs usitĂ© en informatique qui fait rĂ©fĂ©rence Ă un logiciel crĂ©Ă© Ă partir du code source d’un autre.
[3] Source : TOBAM Ă partir des travaux de Elisabeth KĂŒbler-Ross « On death and dying » (1969)
[4] Voir par exemple https://bitcoin.fr/crypto-actifs-le-nouveau-rapport-de-tracfin/
[5] âEuropean Asset Management Firm of the Yearâ (assets under âŹ20bn) Funds Europe Awards 2020, London, âMost Sustainable Company in the Investment Industryâ, World Finance Sustainability Awards, 2019
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La consommation Ă©lectrique du Bitcoin reprĂ©sente entre 0,15% et 0,3% de la consommation Ă©nergĂ©tique mondiale selon les Ă©tudes. Autant dire que si cela correspondait Ă la consommation moyenne d’une entreprise du S&P 500, alors le S&P 500 consommerait la totalitĂ© de l’Ă©nergie mondiale, ce qui est absurde. Autant pour l’allĂ©gation « Les Ă©missions annuelles du Bitcoin sont du mĂȘme ordre de grandeur que celles dâune entreprise moyenne du S&P 500″…
De mĂȘme l’allĂ©gation selon laquelle cette consommation Ă©nergĂ©tique baisserait avec le volume d’Ă©mission du nouveaux bitcoins est fausse, et ce pour la bonne raison que la consommation Ă©nergĂ©tique de Bitcoin n’est pas liĂ©e Ă l’Ă©mission de nouveau bitcoins… Elle est liĂ©e Ă la crĂ©ation de blocs contenant les transactions effectuĂ©es. Plus prĂ©cisĂ©ment elle est liĂ©e au mĂ©canisme de Proof of Work, coeur au fonctionnement du rĂ©seau Bitcoin. Ce mĂ©canisme exige des mineurs une « preuve » qu’ils ont « travaillé » pendant environ 10 minutes, le premier mineur ayant fini le « travail » obtenant le droit d’Ă©mettre le bloc et la rĂ©munĂ©ration affĂ©rente (% de la transaction). Ce « travail » consiste littĂ©ralement Ă effectuer des multiplications, sans usage autre rĂ©ellement que de faire passer le temps. Donc non seulement cette consommation Ă©nergĂ©tique est intrinsĂšque au fonctionnement du rĂ©seau, non seulement elle n’est pas liĂ©e Ă l’Ă©mission de nouveaux bitcoins, non seulement elle ne baissera que si le volume de **transactions** diminue (et donc la valeur mĂȘme des bitcoins) mais en plus elle n’a ni sens ni finalitĂ© autre qu’elle-mĂȘme.
Je prĂ©cise que ceci est propre Ă Bitcoin et quelques autres crypto basĂ©e sur Proof of Work, mais en aucun cas Ă tous les rĂ©seaux crypto et encore moins Ă la technologie blockchain elle-mĂȘme.
Bref peinturlurer Bitcoin en parangon d’une finance raisonnĂ©e et respectueuse de l’environnement, c’est juste du greenwashing assez gonflĂ©. MĂȘme si ce discours est devenu Ă la mode ces temps-ci, il est juste totalement faux.
J’ai citĂ© mes sources (MIT et Oxford):https://www.cell.com/joule/pdf/S2542-4351(19)30255-7.pdf ou https://cbeci.org/ c’est facile Ă calculer en fait.
D’autre part compenser la trace carbone du BTC (ce que je fais) n’est pas onĂ©reux, c’est le choix de l’investisseur.
Je suis le fondateur de Wenow, TOBAM compense 300% de ses émission carbone , je compense celles de ma famille depuis 23 ans, pas sûr que je sois la personne la plus « accusable » de green washing
Dâaccord avec Matthieu Hug.
Svp ajoutez âpublicitĂ©â en haut de cet article. Rien de choquant Ă faire la pub dâun fond et dâun actif reconnu comme âextrĂȘmement volatileâ ce qui lâempĂȘche dâĂȘtre ârĂ©serve de valeurâ. Mais alors rien Ă voir avec le titre et divers passages dĂ©sinformant sur la notion Ă©conomique de âmonnaieâ sans que lâintervieweur rĂ©agisse.
Par exemple :
– mĂ©langeant âliquiditĂ© dâun actifâ et âmonnaie = liquiditĂ© â ou âmasse monetaire limitĂ©eâ et plafond Ă 21 millions dâunitĂ©s ce qui crĂ©e artificiellement de la raretĂ©,
– ou encore minimisant le coĂ»t Ă©cologique sans source crĂ©dible, etc.
Les titres Amazon ou Tesla ont un fondement Ă©conomique, eux!
Dâaccord aussi avec Marc-Olivier Strauss-Kahn.
Vu le sujet il serait utile que Variances publie cet article avec en regard un autre avis point par point (sur le principe dâaccord vs pas dâaccord).
SVP ne pas confondre « Opinion » et Publicité.
Votre rĂ©ponse est assez dĂ©cevante pour un cadre de la BdF. Je n’ai pas dit que le BTC Ă©tait une rĂ©serve de valeur, mais qu’il avait les qualitĂ©s fondamentales pour potentiellement le devenir un jour.
L’euro , lui, ne les a pas, la BCE se donnant un objectif, avouĂ©, d’inflation non nulle.
L’inflation peut ĂȘtre souhaitable (ou pas), mais un actif condamnĂ© Ă se dĂ©prĂ©cier du fait de l’action de l’Ă©metteur n’est pas une rĂ©serve de valeur.
Sur mes confusions et « mĂ©langes »: vous donnez l’impression de ne pas comprendre grand chose Ă mon article et encore moins Ă la thĂšse qui soutient le Bitcoin, et bien, un prĂȘtĂ© pour un rendu : j’avoue ne plus comprendre grand chose au Dollar et Ă l’Euro et Ă la maniĂšre dont ils sont administrĂ©s depuis 2008 (au moins)!
Bien Ă vous pour une discussion plus constructive que celle que vous entamez…
Nous vous remercions tous les trois de vos commentaires et en particulier des contre-arguments de Matthieu Hug sur la consommation dâĂ©nergie gĂ©nĂ©rĂ©e par le Bitcoin. Je rappelle Ă cette occasion que variances.eu est attachĂ© Ă la diversitĂ© des points de vue, Ă partir du moment oĂč ils sont Ă©tayĂ©s. Nous Ă©tions consicents que cet article d’Yves Choueifaty Ă©tait susceptible de susciter des rĂ©actions, mais il nous a semblĂ© intĂ©ressant de le publier car cette position favorable au Bitcoin trouve un certain Ă©cho dans la sociĂ©tĂ© et son auteur dispose dâune forte notoriĂ©tĂ© dans la gestion dâactifs française. Nous avons dĂ©jĂ publiĂ© des articles analytiques ou critiques sur le Bitcoin, et ce sera encore trĂšs prochainement le cas, dans lâobjectif dâenrichir les dĂ©bats sur ce sujet dâactualitĂ©. Et merci de votre fidĂ©litĂ©.
Eric Tazé-Bernard, responsable de la publication