Durant l’étĂ©, plusieurs articles sĂ©rieux et formidablement instructifs sont parus dans Variances.eu concernant le sport. On se propose ici de construire quelques statistiques descriptives sur les records masculins et fĂ©minins en athlĂ©tisme et d’en tirer quelques conclusions.

Les deux graphiques ci-dessous prĂ©sentent d’une part le rapport entre le temps du record du monde fĂ©minin et celui des hommes sur l’ensemble des courses identiques et, d’autre part, le rapport entre le meilleur saut masculin et le record fĂ©minin. Les disciplines qui divergent (longueur de la course, lourdeur du poids, etc.) ne sont pas prises en compte.

Temps des records du monde féminins divisés par les records masculins, exprimés en pourcentages. Ainsi, le temps du record du monde féminin du marathon est supérieur de 12 % à celui des hommes.

 

Distances des records du monde féminins divisés par les records masculins, exprimées en pourcentage. Ainsi, le record du monde féminin du saut en longueur est de 16 % plus court que celui des hommes.

Quels sont les principaux enseignements de ces statistiques ?

  1. La stabilitĂ© des ratios des courses est assez remarquable : quelle que soit sa longueur, les femmes courent Ă  peu prĂšs 12 % moins vite que les hommes. Plus prĂ©cisĂ©ment, la recordwoman du monde court 12 % moins vite que son homologue masculin. Mais osons ce qu’aucun statisticien digne de ce nom n’osera : gĂ©nĂ©ralisons ces statistiques dont l’échantillon est rĂ©duit Ă  2 personnes Ă  l’ensemble de la population

  2. Quatre rapports sortent un peu de la moyenne : d’abord, trois courses peu courues (mile, 2 000 et 3 000 mĂštres) et, surtout, le 100 mĂštres, l’épreuve reine de l’athlĂ©tisme. On fait grand cas des records de Usain Bolt mais celui de Florence Griffith-Joyner, qui date de prĂšs de 30 ans, est plus impressionnant. A moins que ce point aberrant n’ait une autre origine
 A noter que le ratio concernant le 200 mĂštres avec les mĂȘmes acteurs n’est pas « aberrant » et que d’autres records masculins et fĂ©minins sont aussi trĂšs anciens
 Une analyse poussĂ©e des aberrations est nĂ©cessaire (analyse temporelle ?) Ă  moins d’annuler tous les anciens records, comme cela s’est produit en haltĂ©rophilie et comme la rumeur – dĂ©mentie depuis – en a effectivement couru cet Ă©tĂ© au moins au niveau europĂ©en.
  3. S’agissant des quatre sauts, le record masculin Ă  la perche est relativement plus haut que pour les autres disciplines. La perche fĂ©minine n’est au programme des Jeux Olympiques que depuis 2000. Lorsque son ratio se rapprochera des trois autres, le record fĂ©minin dĂ©passera les 5,20 mĂštres contre 5,06m aujourd’hui.
  4. Relativement à la taille des athlÚtes, les records masculins de sauts sont plus élevés que les féminins.

Mais, au fait, pourquoi les hommes (en tout cas les champions) ont-ils des records supĂ©rieurs Ă  ceux des femmes ? Quelques auteurs se sont penchĂ©s sur le sujet, notamment le physicien Ira Hammerman. Les hommes mesurent en moyenne 8 % de plus que les femmes et pĂšsent 20 % de plus (et encore une fois, on suppose qu’il en est de mĂȘme pour les champions). La masse musculaire reprĂ©sente 35 % du poids de l’homme moyen contre 28 % chez la femme tandis que la masse grasse est de 13 % chez les hommes contre 20 % chez les femmes (on n’entre pas ici dans le sujet : mais pourquoi les deux sexes n’ont pas les mĂȘmes caractĂ©ristiques physiques ?).

Avec ces diffĂ©rences morphologiques, mĂȘme sans tenir compte des diffĂ©rences sociales, la conclusion est « claire » : les records fĂ©minins sont meilleurs. A moins qu’un travail plus approfondi d’étudiants de l’ENSAE, qui prendrait en compte les dates diffĂ©rentes de l’établissement des records, collecterait des donnĂ©es de diverses compĂ©titions, etc., ne prouve le contraire !

Lecteur, si tu es arrivĂ© jusqu’ici, n’est-il pas dĂ©sormais utile de s’interroger sur le fond (ou demi-fond) : ce type de statistiques a-t-il un intĂ©rĂȘt ? Comparer, pour quoi faire ?

Remarques, critiques et suggestions bienvenues.

Alain Minczeles