Cet article est une reprise de celui publié sur le site de FIPECO le 2 avril 2024.
LâInsee vient de publier les principaux rĂ©sultats du compte provisoire des administrations publiques pour 2023. Ce compte est prĂ©sentĂ© dans une « nouvelle base », ce qui signifie que des changements mĂ©thodologiques y ont Ă©tĂ© apportĂ©s pour en amĂ©liorer la fiabilitĂ©. Leur impact est variable dâune annĂ©e Ă lâautre mais ils semblent avoir plutĂŽt pour effet de rehausser lĂ©gĂšrement Ă la fois les dĂ©penses, les recettes et le dĂ©ficit publics.
Les ratios exprimĂ©s en pourcentage du PIB ne tiennent pas compte de lâimpact de ce changement de base sur le PIB. En outre, les ratios relatifs Ă lâannĂ©e 2023 sont calculĂ©s en utilisant le PIB de 2023 qui rĂ©sulte des comptes trimestriels. Les comptes nationaux annuels complets en nouvelle base, pour 2023 et les annĂ©es antĂ©rieures, seront disponibles fin mai et pourront permettre dâaffiner lâanalyse des finances publiques.
Le dĂ©ficit public est passĂ© de 4,8 % du PIB en 2022 Ă 5,5 % en 2023. Il est Ă peu prĂšs Ă©gal au dĂ©ficit de lâEtat. Le dĂ©ficit des administrations publiques locales (0,35 % du PIB) est plus que compensĂ© par lâexcĂ©dent des administrations de sĂ©curitĂ© sociale (0,45 % du PIB). Hors CADES, ces derniĂšres sont toutefois en dĂ©ficit.
La croissance des prĂ©lĂšvements obligatoires (PO) est de seulement 2,5 % en 2023, Ă lĂ©gislation constante, alors que la croissance du PIB nominal est de 6,2 %. Si lâĂ©lasticitĂ© des prĂ©lĂšvements obligatoires au PIB est ainsi trĂšs faible en 2023, elle Ă©tait trĂšs Ă©levĂ©e en 2022 et il y a une forme de normalisation en 2023. Le taux des PO avait atteint un record en 2022, ce qui Ă©tait une anomalie aprĂšs des annĂ©es de fortes baisses dâimpĂŽts. Il diminue en 2023 et revient Ă un niveau plus structurel.
Le principal objectif de la politique budgĂ©taire actuelle devrait ĂȘtre de respecter la trajectoire des dĂ©penses publiques fixĂ©e par la loi de programmation des finances publiques. Celle-ci fixait la croissance des dĂ©penses Ă 3,4 % en valeur pour 2023 et elle est finalement de 3,7 %. Il y a donc un excĂšs de dĂ©penses dâenviron 4 Md⏠en 2023 quâil faut compenser par des Ă©conomies supplĂ©mentaires en 2024.
La croissance des dĂ©penses publiques en 2023 est relativement modĂ©rĂ©e compte-tenu de lâinflation, et leur rapport au PIB a baissĂ©, en raison de la disparition progressive des dĂ©penses exceptionnelles liĂ©es aux crises de 2020 Ă 2022. La progression des dĂ©penses « ordinaires » est de 5,4 % en valeur et 0,6 % en volume, ce qui reste modĂ©rĂ© mais cette modĂ©ration tient pour partie Ă une baisse non reconductible de la charge des intĂ©rĂȘts de la dette publique.
Cette derniĂšre augmente en effet de 147 Md⏠en 2023 et reste au-dessus de 110 % du PIB en fin dâannĂ©e.
A) Le déficit public
Le dĂ©ficit public est remontĂ© de 4,8 % du PIB en 2022 Ă 5,5 % en 2023. Comme le montre le graphique ci-dessous, il sâinscrit sur une tendance croissante depuis plus de 40 ans.
Le dĂ©ficit public de 2023 (154 MdâŹ) correspond Ă peu prĂšs Ă celui des administrations publiques centrales, Ă savoir lâEtat et les organismes publics non marchands sous son contrĂŽle (157 MdâŹ).
Les administrations publiques locales enregistrent un dĂ©ficit de 10 Md⏠(0,35 % du PIB), en hausse par rapport Ă 2022 (moins de 0,1 % du PIB). Elles nâont pas connu de dĂ©ficit aussi important en pourcentage du PIB depuis 2013. Ce dĂ©ficit est imputable pour moitiĂ© aux collectivitĂ©s territoriales et pour moitiĂ© aux organismes tels que la sociĂ©tĂ© du Grand Paris et Ile-de-France MobilitĂ©s.
Le dĂ©ficit des administrations publiques locales est plus que compensĂ© par lâexcĂ©dent des administrations de sĂ©curitĂ© sociale (13 MdâŹ), en hausse par rapport Ă 2022. Cet excĂ©dent est imputable Ă la CADES (18,0 MdâŹ), dont les recettes (CSG, CRDSâŠ) sont structurellement supĂ©rieures Ă ses dĂ©penses (charge dâintĂ©rĂȘts), ce qui lui permet de rembourser progressivement la dette sociale. Hors CADES, les administrations de sĂ©curitĂ© sociale enregistrent un dĂ©ficit qui passe de 10 Md⏠en 2022 Ă 5 Md⏠en 2023.
B) Les recettes publiques
Les recettes publiques augmentent de seulement 2,0 % en 2023, contre 6,2 % pour le PIB en valeur. Les prélÚvements obligatoires (impÎts et cotisations sociales) en sont la principale composante.
Les prélÚvements obligatoires (PO) augmentent de 2,2 % et le taux des PO, qui les rapporte au PIB, diminue ainsi nettement, de 45,2 % en 2022 à 43,5 % en 2023.
Les modifications de la lĂ©gislation fiscale et sociale contribuent Ă rĂ©duire les PO de 4,0 Md⏠en 2023 selon le rapport Ă©conomique, social et financier annexĂ© au projet de loi de finances pour 2024. Si on retient ce montant, la croissance des PO Ă lĂ©gislation constante sâĂ©tablit Ă 2,5 %, ce qui correspond Ă une Ă©lasticitĂ© au PIB nominal de 0,4[1].
Cette Ă©lasticitĂ© pourrait ĂȘtre revue Ă la hausse si le PIB annuel qui sera publiĂ© fin mai par lâInsee sâavĂ©rait plus faible que son estimation provisoire tirĂ©e des comptes nationaux trimestriels, mais il est peu probable quâelle soit beaucoup plus forte.
LâĂ©lasticitĂ© des PO au PIB est proche de lâunitĂ© sur longue pĂ©riode (1,06 de 1990 Ă 2023) mais, comme le montre le graphique suivant, elle varie beaucoup dâune annĂ©e Ă lâautre. Sous la rĂ©serve ci-dessus, son niveau est trĂšs bas en 2023, sans ĂȘtre inĂ©dit, mais son niveau de 2022 (1,5) Ă©tait particuliĂšrement Ă©levĂ©. On peut dire quâil y a une sorte de correction en 2023 aprĂšs un niveau anormalement Ă©levĂ© des prĂ©lĂšvements obligatoires en 2022. Leur taux avait atteint un niveau record en 2022, ce qui Ă©tait une anomalie compte-tenu des trĂšs importantes baisses dâimpĂŽts des annĂ©es prĂ©cĂ©dentes (plus de 50 Md⏠de 2018 Ă 2022) et il y a en 2023 une forme de retour Ă la normale.
Si lâĂ©lasticitĂ© des PO au PIB avait Ă©tĂ© de 1,0 Ă la fois en 2022 et en 2023, hypothĂšse conventionnelle visant Ă illustrer lâimpact de la volatilitĂ© de cette Ă©lasticitĂ©, le montant des PO aurait Ă©tĂ© infĂ©rieur de 28 Md⏠en 2022 et le dĂ©ficit public aurait Ă©tĂ© Ă©gal Ă 5,8 % du PIB ; le montant des PO aurait Ă©tĂ© supĂ©rieur de 16 Md⏠en 2023 et le dĂ©ficit public aurait Ă©tĂ© limitĂ© Ă 4,9 % du PIB, ce qui resterait nĂ©anmoins un niveau trĂšs Ă©levĂ©.
Ce sont surtout les impĂŽts, et bien moins les cotisations, qui marquent le pas en 2023 : ils nâaugmentent en effet quasiment pas (0,3 %). La croissance des recettes de TVA (2,8 % aprĂšs 7,6 % en 2022) est plus faible que celle de son assiette (consommation et investissement en logement des mĂ©nages pour lâessentiel), ce qui appelle des analyses plus approfondies. Les droits de mutation Ă titre onĂ©reux sur les transactions immobiliĂšres diminuent de 22 % (- 5 MdâŹ) en 2023 alors quâils ont augmentĂ© de 24 % en 2021 et de 5 % en 2022, ce qui correspond aux Ă©volutions du marchĂ© de lâimmobilier.
Le produit de lâimpĂŽt sur les sociĂ©tĂ©s est toujours trĂšs volatil (le bĂ©nĂ©fice fiscal est lui-mĂȘme volatil et cette volatilitĂ© est amplifiĂ©e par le mode de paiement des acomptes et du solde). AprĂšs une annĂ©e 2022 exceptionnelle (+ 25 % hors crĂ©dits dâimpĂŽt), il chute de 12 % en 2023.
LâimpĂŽt sur le revenu ne sâaccroĂźt que de 0,9 % en 2023, aprĂšs une progression de 12 % en 2022, en raison notamment de la faible progression des revenus rĂ©els et de lâindexation du barĂšme sur les prix.
C) Les dépenses publiques
Les nouvelles rĂšgles budgĂ©taires imposent aux pays membres de lâUnion europĂ©enne de respecter un objectif dâĂ©volution des dĂ©penses publiques. Si le traitĂ© nâa pas Ă©tĂ© modifiĂ© et oblige toujours de ramener le dĂ©ficit public au-dessous de 3,0 % du PIB, cet objectif peut ĂȘtre atteint plus tard si la croissance est moins bonne que prĂ©vu. En outre, il nâest pas Ă©conomiquement pertinent de mener une politique budgĂ©taire trop contracyclique en maintenant le mĂȘme objectif de dĂ©ficit dans un climat conjoncturel dĂ©gradĂ©.
Il est donc primordial de respecter les objectifs dâĂ©volution des dĂ©penses publiques fixĂ©s dans la loi de programmation des finances publiques pour les annĂ©es 2023 Ă 2027. La croissance des dĂ©penses publiques hors crĂ©dits dâimpĂŽt quâelle a fixĂ© pour 2023 Ă©tait de + 3,4 % en valeur et â 1,3 % en volume (dĂ©flatĂ©e par lâindice des prix Ă la consommation hors tabac).
Or la croissance des dĂ©penses publiques hors crĂ©dits dâimpĂŽt en 2023 est en fait de + 3,7 % en valeur et de â 1,1 % en volume. Par rapport aux engagements de la loi de programmation, il y a donc un excĂšs de dĂ©penses dâenviron 4 Md⏠quâil faut compenser en 2024 par des Ă©conomies supplĂ©mentaires par rapport Ă celles prĂ©vues par la loi de programmation.
Selon le dernier rapport public annuel de la Cour des comptes, les dĂ©penses exceptionnelles mises en Ćuvre pour soutenir les mĂ©nages et les entreprises dans le contexte des crises sanitaires et Ă©nergĂ©tiques se sont Ă©levĂ©es Ă 58 Md⏠en 2022 et 34 Md⏠en 2023. Cette estimation sera sans doute rĂ©visĂ©e mais, si on sây tient, les autres dĂ©penses progressent en 2023 de 5,4 % en valeur et de 0,6 % en volume. Cette croissance en volume est relativement faible au regard de leur progression au cours des 15 derniĂšres annĂ©es (de lâordre de 1,0 %) et cohĂ©rente avec lâĂ©volution prĂ©vue par la loi de programmation pour les annĂ©es 2024 Ă 2027 (0,6 %).
Elle est cependant tirĂ©e vers le bas par la diminution de la charge des intĂ©rĂȘts de la dette publique et ce ne sera sans doute pas le cas dans les prochaines annĂ©es. Cette charge dâintĂ©rĂȘts est en effet passĂ©e de 52,7 Md⏠en 2022 Ă 50,1 Md⏠en 2023. Cette baisse rĂ©sulte du mode de comptabilisation de la charge dâindexation des obligations du trĂ©sor indexĂ©es sur lâinflation. Cette charge diminue en effet lorsque le glissement annuel des prix diminue, ce qui a Ă©tĂ© le cas en 2023. Dans les prochaines annĂ©es et sauf remontĂ©e de lâinflation, lâimpact de la hausse des taux sur les emprunts Ă©mis depuis 2021 et de lâaugmentation du montant de la dette sera plus important et fera augmenter la charge dâintĂ©rĂȘts.
Les transferts et subventions nâaugmentent que de 0,3 % en 2023, ce qui reflĂšte la disparition progressive des mesures exceptionnelles de soutien des mĂ©nages et entreprises. Les dĂ©penses de fonctionnement progressent de 6,0 %, dont 9,4 % pour les achats courants de biens et services et 4,6 % pour les rĂ©munĂ©rations. La croissance des prestations sociales est de 3,3 %. Les investissements (formation brute de capital fixe) augmentent de 8,5 %, sous lâeffet dâune accĂ©lĂ©ration des dĂ©penses dâĂ©quipement des collectivitĂ©s territoriales (11,9 %).
Au total, la croissance des dépenses publiques (3,7 %) est inférieure à celle du PIB nominal (6,2 %), ce qui se traduit par une baisse du rapport des dépenses publiques au PIB, de 58,8 % en 2022 à 57,3 % en 2023. Ce ratio revient au niveau des années 2013-2014.
D) La dette publique
La dette publique au sens du traitĂ© de Maastricht augmente de 147 Md⏠en 2023, soit Ă peu prĂšs le montant du dĂ©ficit, pour atteindre 3 101 Md⏠à la fin de lâannĂ©e. Elle passe ainsi de 111,9 % du PIB fin 2022 Ă 110,6 % fin 2023 alors que la loi de programmation des finances publiques prĂ©voyait quâelle revienne Ă 109,7 % du PIB. Elle reste ainsi nettement au-dessus de son niveau dâavant la crise de 2020.
La dette des administrations publiques centrales augmente de 149 Md⏠pour atteindre 2 587 MdâŹ, soit 92 % du PIB. La dette des administration publiques locales sâaccroĂźt de 6 Md⏠(un peu moins de la moitiĂ© pour les collectivitĂ©s territoriales et le solde pour les organismes tels que la sociĂ©tĂ© du Grand Paris) et atteint 250 MdâŹ, soit 9 % du PIB. Celle des administrations de sĂ©curitĂ© sociale diminue de 7 Md⏠pour revenir Ă 264 MdâŹ, soit 9 % du PIB.
Certaines administrations publiques ont puisé dans leur trésorerie pour limiter leur endettement en 2023. En conséquence, la dette publique nette des actifs financiers liquides augmente de 187 Md⏠en 2023 et passe de 101,7 % du PIB fin 2022 à 102,4 % du PIB fin 2023.
[1] Rapport de la croissance du produit des prélÚvements obligatoires à la croissance du PIB nominal.
- Les finances publiques et l’action pour le climat - 21 octobre 2024
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