Il y a trente ans, le 14 avril 1994, la Commission de statistique des Nations Unies[1] adoptait les Principes fondamentaux de la statistique officielle[2]. Cet anniversaire a été célébré au siège des Nations Unies à New York le 26 février 2024 à l’occasion d’un Forum de Haut Niveau à la veille de l’ouverture de la 55e session de la Commission de statistique. Ce Forum a été aussi l’occasion de célébrer le 10e anniversaire du vote le 29 janvier 2014 de la résolution 68/261 de l’Assemblée Générale des Nations Unies approuvant ces principes et leur donnant ainsi un poids politique. Les Principes fondamentaux ont pour but d’aider les organismes responsables de la statistique officielle dans tous les pays à travailler dans le respect des valeurs partagées avec leurs utilisateurs.

POURQUOI LES NATIONS UNIES ONT-ELLES PRÉPARÉ CES PRINCIPES FONDAMENTAUX ?

L’adoption de ces principes en 1994 a été en fait la conclusion d’une longue réflexion qui avait démarré en 1989. Cette année 1989 a clairement été l’un des grands tournants de l’histoire de l’Europe et même de l’humanité. Les changements profonds intervenus alors dans la structure économique, sociale et politique des pays en transition d’Europe centrale et orientale, avec notamment la victoire écrasante de Solidarnosč aux premières élections législatives libres organisées en Pologne en juin, ou encore la chute du Mur de Berlin le 9 novembre, ont eu aussi d’énormes conséquences, non seulement dans l’organisation des systèmes statistiques, mais aussi et surtout dans le paradigme statistique lui-même.

Dans les démocraties modernes, il est largement admis que le libre accès aux informations statistiques est un élément important du droit des citoyens à l’information, nécessaire au fonctionnement efficace de ces démocraties. La confiance indispensable dans les statistiques officielles de toutes les catégories d’utilisateurs ne peut être atteinte que si toutes les parties prenantes, y compris les fournisseurs de données acceptent certaines règles d’éthique et de bonnes pratiques. Cela signifie aussi que les gouvernements doivent créer un environnement adéquat et fournir un cadre juridique et budgétaire équitable pour produire et diffuser des données statistiques répondant aux besoins de tous les utilisateurs et pas seulement à leurs propres besoins.

L’élaboration d’un tel ensemble de principes éthiques et de bonnes pratiques a été un processus long et difficile. Au cours des vingt années qui ont suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale (1945 – 1965), la législation statistique dans les pays occidentaux avait surtout mis l’accent sur la confidentialité et la protection des données individuelles et sur la coordination des systèmes statistiques ; mais il n’y avait pas de véritables discussions entre producteurs et utilisateurs sur le contenu des programmes statistiques, et des pressions occasionnelles exercées avaient parfois porté atteinte à l’intégrité des statistiques officielles et entravé la nécessaire autonomie professionnelle des statisticiens. Au cours des vingt-cinq années suivantes (1965 – 1989), les bureaux de statistique officielle sont progressivement passés d’une stratégie de production de statistiques basée sur l’offre à une stratégie basée sur la demande ; des Conseils nationaux de la statistique ont été créés dans plusieurs pays et les statisticiens officiels ont commencé à discuter avec leurs utilisateurs des meilleures stratégies de production et de diffusion de l’information statistique et, plus généralement, du rôle des statistiques en tant que service rendu à la société dans son ensemble. En parallèle, en réaction face aux évolutions de l’informatique, des commissions ou des médiateurs, visant à renforcer la protection de la vie privée et la confidentialité des données individuelles, ont été mis en place dans de nombreux pays européens, notamment en France avec la création de la Cnil en 1978.

Pendant toutes ces années, dans les économies planifiées, la tâche principale des statisticiens était plutôt de vérifier que les résultats économiques les plus importants étaient conformes aux exigences de l’autorité centrale de planification. Les ministères en charge des secteurs économiques recevaient des informations individuelles alors qu’aucune véritable décision n’était prise au niveau des unités de production. Ainsi, les tâches des statisticiens étaient très différentes dans les économies planifiées et dans les économies de marché.

Après la chute du mur de Berlin et l’effondrement des systèmes communistes, la transition vers une économie de marché a obligé un nombre bien plus important de personnes ayant des responsabilités économiques et sociales dans la société à prendre des décisions. De telles décisions impliquent l’utilisation d’un système d’information adéquat et, en particulier, d’informations statistiques fiables et pertinentes. Il devenait essentiel que les statisticiens gagnent la confiance du public dans les informations qu’ils doivent produire. Les statisticiens d’Europe centrale et orientale devenaient conscients du défi qu’ils avaient à relever. Ils cherchaient de nouvelles références, de nouveaux repères, qui leur serviraient de cadre pour remplir leur mission. De telles références n’étaient peut-être pas si différentes d’un point de vue strictement technique, mais totalement différentes en ce qui concerne la conception elle-même du rôle de la statistique dans la société. Ils ont reconnu que les statistiques économiques et sociales devaient être à la fois légitimes et crédibles, c’est-à-dire qu’elles devaient respecter un ensemble de valeurs :

  • Impartialité : elles doivent être produites de manière objective et indépendante, loin de toute pression venant de groupes d’intérêt politiques ou autres ;
  • Fiabilité : elles doivent refléter le plus fidèlement possible la réalité qu’ils représentent ; à cette fin, seuls des critères scientifiques devraient être utilisés pour sélectionner les sources, les méthodes et les procédures utilisées ;
  • Pertinence : elles ne doivent être compilées que si elles répondent aux besoins reconnus d’un large éventail d’utilisateurs ;
  • Transparence : les informations sur les sources, les méthodes et les procédures, ainsi que les lois, réglementations et mesures en vertu desquelles le système statistique fonctionne, doivent être rendues publiques ;
  • Respect de la confidentialité : les données individuelles collectées ne le sont que dans le but de produire des informations agrégées et doivent rester strictement confidentielles.

L’une des premières formalisations de règles éthiques fut certainement le Code of Conduct for Statisticians adopté en 1979 par l’American Statistical Association (devenu en 1989 Ethical Guidelines for Statistical Practice). Puis, l’Institut International de Statistique (ISI) a adopté, pendant sa session du centenaire tenue à Amsterdam en 1985, une Déclaration sur l’éthique professionnelle.  Mais ces deux codes étaient très généraux et, surtout, s’appliquaient non seulement aux statisticiens officiels mais aussi à la communauté statistique au sens large (statisticiens universitaires, chercheurs, statisticiens travaillant dans l’industrie, etc.) ; ils ne prenaient pas en compte trois caractéristiques spécifiques de la statistique officielle :

  • les statisticiens officiels ne travaillent pas pour un consommateur spécifique ou un petit groupe d’utilisateurs ; ils reçoivent des fonds publics pour être au service de la société dans son ensemble et contribuer dans leur domaine au droit des citoyens à l’information ;
  • le droit à la vie privée des individus entre très souvent en conflit avec le droit de la société à s’informer ;
  • les organismes responsables de la statistique officielle disposent d’une double autorité, une autorité scientifique et une autorité administrative.

Ces deux documents ne pouvaient donc répondre à eux seuls aux attentes des statisticiens des pays en transition.

DE LA DEMANDE DES PAYS EN TRANSITION À LA GLOBALISATION DES PRINCIPES FONDAMENTAUX

La réaction de la communauté statistique européenne à ces attentes a été très rapide. En février 1990, lors d’une consultation de la CSE, la Conférence[3] des Statisticiens Européens, sur les transformations économiques et politiques en Europe centrale et orientale, le chef de la délégation polonaise, Josef Olenski, proposa de préparer une Convention statistique. En juin 1990, la 38e session de la CSE décidait donc de créer un groupe de travail chargé de préparer un document sous la forme d’une résolution insistant sur les principes fondamentaux plus que sur les problèmes techniques. Ce groupe de travail, dont la Pologne et la France étaient chefs de file et auquel participaient la Bulgarie, la Roumanie, l’Espagne, la Suisse, la Turquie, Eurostat et l’ISI (Institut international de statistique) a présenté un projet de résolution adopté par la 39e session de la CSE en juin 1991. En approuvant ce document, la CSE a décidé de demander à son Bureau de le présenter pour adoption par la CEE/ONU, la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe. La 47e session de la CEE-ONU l’a chaleureusement accueilli le 15 avril 1992 et a approuvé le Principes fondamentaux de la statistique officielle dans sa décision C(47) et a recommandé aux gouvernements des États membres de la CEE de maintenir une infrastructure juridique, institutionnelle et budgétaire équitable afin de fournir l’environnement nécessaire à l’application de ces principes. La Résolution sur les principes fondamentaux est donc devenue une décision politique de la CEE/ONU et non seulement un texte adopté par les seuls statisticiens de la CSE.

Après l’approbation des Principes fondamentaux par la CEE/ONU, la 40e session de la CSE en juin 1992 a estimé que cette décision C(47) avait une portée universelle et a donc exprimé le souhait qu’elle soit transmise à la Commission de statistique de l’ONU et aux quatre autres commissions régionales[4] de l’ONU.

À ce stade, il convient de rendre hommage à William Begeer, qui était à l’époque directeur du Bureau central des statistiques des Pays-Bas et président en exercice de la Commission de statistique des Nations Unies. Il a été le porte-parole de l’idée selon laquelle les Principes fondamentaux avaient une valeur universelle bien qu’ils aient été rédigés dans le contexte très particulier de la transition des pays d’Europe centrale et orientale. Les commissions régionales des Nations Unies ont donc été contactées pour les diffuser dans tous les pays de leurs régions et obtenir leurs avis sur leur pertinence aux niveaux régional et mondial. Soixante-et-un pays ont répondu ; tous sauf deux étaient d’accord avec les dix principes, ce qui signifiait que, avec les quarante-cinq pays membres de la CEE/ONU existant en 1993, plus de cent pays membres de l’ONU y étaient favorables. Dans ces conditions, le bureau de la Commission de statistique a décidé en septembre 1993 de soumettre les Principes fondamentaux de la statistique officielle à une session spéciale, avec seulement quelques amendements au préambule afin de supprimer toute référence au seul contexte européen ; aucune modification n’a été apportée aux principes eux-mêmes qui ont donc été adoptés au niveau mondial le 14 avril 1994.

On peut intituler[5] comme suit les dix principes :

  1. Pertinence, impartialité et égalité d’accès à l’information statistique
  2. Standards professionnels, principes scientifiques et comportement professionnel
  3. Responsabilisation et transparence
  4. Prévention de l’usage abusif des statistiques
  5. Sources de la statistique officielle
  6. Confidentialité
  7. Législation
  8. Coordination nationale
  9. Utilisation de standards internationaux
  10. Coopération internationale

 

Certains de ces principes étaient déjà bien connus des statisticiens.

D’autres sont innovants, non seulement pour les pays en transition qui les avaient réclamés, mais aussi pour la communauté statistique dans son ensemble.

Le premier principe[6] insiste clairement sur la nécessité de servir toutes les catégories d’utilisateurs « sur une base impartiale » et également sur le fait que le programme de statistiques officielles doit « satisfaire au test de l’utilité pratique ». Cela signifie notamment que les statisticiens officiels n’ont pas le pouvoir de collecter un élément d’information donné simplement parce qu’ils ont choisi de le faire, ou parce qu’ils considèrent que produire de telles données serait utile à la société. Il appartient à la société elle-même, et à ses différents groupes, de décider de quelles données et informations elle a réellement besoin. Les conseils nationaux de statistique sont très utiles pour préparer de telles décisions.

Le quatrième principe[7] est également innovant. Il confère aux statisticiens la protection d’une certaine immunité administrative lorsqu’ils se réfèrent à ce principe pour savoir comment commenter l’utilisation abusive des statistiques.

Le cinquième principe[8] est un rappel à tous ceux qui doivent décider d’un programme statistique. Il reconnaît que collecter des données peut imposer une charge importante aux répondants, que cela peut être parfois considéré comme une atteinte à la vie privée et que, en conséquence, les statisticiens ne doivent collecter que les données strictement nécessaires à leurs investigations.

DES PRINCIPES FONDAMENTAUX AUX CODES DE BONNE PRATIQUE

Beaucoup de statisticiens se posent la question de savoir si les Principes fondamentaux adoptés en 1994 sont toujours d’actualité.  Mais par définition, les principes sont intangibles. Après tout, le Décalogue transmis par Dieu à Moïse sur le mont Sinaï il y a 3 500 ans est devenu une base intangible pour une grande partie de l’humanité. Mais depuis, des millions et des millions de pages ont été écrites à travers le monde pour vulgariser, expliquer et interpréter ce texte. Et, finalement, même si la question a été soulevée à deux ou trois reprises au sein de la communauté statistique, la Commission de statistique a reconnu en 2011 que les Principes étaient toujours aussi pertinents aujourd’hui qu’ils l’étaient dans le passé et qu’aucune révision de ces principes n’était nécessaire et a simplement recommandé une mise à jour du préambule, ce qui a été fait lors de sa 44e session en 2013 ; au cours de cette même session, il a été recommandé au Conseil économique et social des Nations Unies l’adoption d’un projet de résolution sur les Principes fondamentaux. Le Conseil les a approuvés dans sa résolution 2013/21 du 24 juillet 2013 et a proposé d’introduire une résolution sur la question lors de la 68e session de l’Assemblée générale des Nations Unies qui a approuvé les Principes fondamentaux de le statistique officielle dans sa résolution 68/261 du 29 janvier 2014, leur donnant ainsi au niveau mondial le même poids politique qu’au niveau européen.

Mais il est clair que, si les principes fondamentaux constituent un cadre éthique pour l’élaboration des statistiques officielles, ils ne fournissent pas par eux-mêmes d’outils pratiques pour répondre à d’éventuelles violations. Des codes de bonnes pratiques ont donc été élaborés au fil du temps pour fournir de tels outils et permettre d’apporter des réponses concrètes à de tels cas, notamment sur le plan juridique. Ces codes se réfèrent aux Principes fondamentaux adoptés dans le cadre des Nations Unies, mais proposent un guide pratique aux institutions statistiques officielles pour produire des statistiques de qualité et accroître la transparence des systèmes statistiques. Souvent, ils ont été élaborés pour résoudre certains problèmes majeurs rencontrés dans la pratique statistique, comme ce fut le cas en 2005 avec l’adoption par l’Union européenne du Code de bonnes pratiques des statistiques européennes qui est à ce jour un outil particulièrement efficace[9] : il a d’ailleurs été élaboré à la suite des problèmes posés par les statistiques monétaires et financières produites par la Grèce.

Certains codes supposent qu’il existe une autorité, nationale, voire supranationale comme dans le cas du code européen, pour mettre en œuvre des procédures visant à corriger les mauvaises pratiques, voire imposer des sanctions. Il n’est donc pas étonnant qu’ils aient vu le jour au sein de l’Union européenne puis à l’OCDE, dont le Conseil a adopté en 2015 la Recommandation concernant les bonnes pratiques statistiques. L’Union africaine a également adopté en 2009 une Charte africaine de la statistique. Il existe également de tels codes au niveau national, par exemple le Code of Practice for Statistics promulguée en 2007 par l’Autorité statistique du Royaume-Uni. Si les principes sont et doivent rester intangibles, les codes peuvent et doivent au contraire évoluer. C’est ainsi que les codes européen et britannique ont fait l’objet de révisions.

Les Principes fondamentaux constituent un point de référence pour les acteurs des écosystèmes statistiques, non seulement pour les producteurs, mais aussi pour les utilisateurs qui doivent avoir confiance dans les données qui leur sont proposées. De nombreux pays ont introduit une référence à ces principes dans leur législation. Ils ont permis de nourrir des commentaires et des discussions, et donc de mieux lutter contre des comportements ou des actions contraires à l’éthique professionnelle.

 

Mots-clés : Statistique publique – Principes fondamentaux – Éthique – Bonnes pratiques


[1] La Commission de statistique des Nations Unies est un organe subsidiaire du Conseil économique et social des Nations Unies.

[2] Les mots ‘statistique officielle’ utilisés dans les documents préparés en français par les Nations Unies sont la traduction littérale des mots ‘official statistics’ utilisés dans les documents rédigés en anglais. En français, l’utilisation de l’expression ‘statistique publique’ est préférée à celle de ‘statistique officielle’ qui pourrait laisser penser que les autorités politiques contrôlent plus ou moins la production statistique, alors qu’un consensus s’est désormais établi au sein des sociétés démocratiques autour de la notion d’indépendance scientifique et d’autonomie professionnelle du statisticien public. Toutefois, dans cet article, il a semblé préférable de retenir dans cet article le terme utilisé dans les documents des Nations Unies.

[3] La Conférence des statisticiens européens (CES) est un organisme subsidiaire à la fois de la Commission de statistique des Nations Unies et de la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE/ONU) qui a son siège à Genève. Dès sa création, les États-Unis et la Canada ont été membres de la CEE/ONU ; après l’éclatement de l’URSS fin 1992, les anciennes républiques socialistes soviétiques en sont également devenues membres.

[4] CEA : Commission économique pour l’Afrique (Addis-Abeba) ; CEPALC : Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (Santiago, Chili) ; CESAO : Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (Beyrouth) ; CESAP : Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (Bangkok)

[5] Ces intitulés ne font pas partie du texte adopté par la Commission de Statistique.

[6] La statistique officielle constitue un élément indispensable du système d’information de toute société démocratique, fournissant aux administrations publiques, au secteur économique et au public des données concernant la situation économique, démographique et sociale et la situation de l’environnement. À cette fin, des organismes responsables de la statistique officielle doivent établir les statistiques officielles selon un critère d’utilité pratique et les rendre disponibles, en toute impartialité, en vue de rendre effectif le droit d’accès des citoyens à l’information publique.

[7] Les organismes responsables de la statistique ont le droit de faire des observations sur les interprétations erronées et les usages abusifs des statistiques

[8] Les données utilisées à des fins statistiques peuvent être tirées de toutes sortes de sources, qu’il s’agisse d’enquêtes statistiques ou de fichiers administratifs. Les organismes responsables de la statistique doivent choisir leur source en tenant compte de la qualité des données qu’elle peut fournir, de leur actualité, des coûts et de la charge qui pèse sur les personnes sondées.

[9] Le code de bonnes pratiques des statistiques européennes est introduit dans le Règlement 223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2009. Il a donc force de loi dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne

Jean-Louis Bodin