Une idée fait son chemin dans le débat économique : si la France avait le taux d’emploi de l’Allemagne ou des Pays-Bas, elle serait beaucoup plus prospère et ses finances publiques iraient beaucoup mieux.  Cette hypothèse découle de la décomposition du PIB entre travail et productivité d’une part, et de la relation quasi-proportionnelle entre le PIB et les recettes publiques d’autre part. Une note de Rexecode publiée début mars essaie de quantifier cet effet[1].

Le chemin qui va de la hausse du taux d’emploi à celle du PIB est moins linéaire qu’il ne paraît à première vue. En premier lieu, plus que l’emploi lui-même, c’est le volume d’heures travaillées qui détermine la création de richesses. Or les taux d’emploi plus élevés qu’en France, observés en Allemagne ou aux Pays-Bas, s’accompagnent de volumes d’heures travaillées moyens par emploi (salarié ou indépendant) plus faibles qu’en France, en raison d’un recours plus important au temps partiel dans ces pays. Au total, le nombre d’heures travaillées par actif en âge de travailler, c’est-à-dire âgé de 15 à 74 ans, pourrait augmenter de 6 % si la France égalisait avec la moyenne Européenne, et de 9 % avec l’Allemagne ou la Suède. C’est significatif, mais bien moindre que ce que l’égalisation du taux d’emploi laisserait penser. L’analyse faite par le Conseil d’Analyse Economique dans une note également sortie début mars 2025 arrive à un ordre de grandeur comparable pour le déficit de quantité de travail[2].

Deuxième étape du raisonnement, la hausse du nombre d’heures travaillées se fera probablement à productivité moindre. Plusieurs raisons justifient cette perte de productivité, notamment le recours à des personnes moins qualifiées, moins expérimentées ou éloignées du marché du travail. Ce phénomène de composition de la main d’œuvre est une des explications données au fort ralentissement de la productivité observé sur la période récente[3]. Compte-tenu de ce second effet, travailler collectivement autant que d’autres pays européens comme l’Allemagne ou la Suède augmenterait notre PIB de 3 % à 5 %. Une note de la DG Trésor pour le COR aboutissait à des hausses moindres[4].

Avec des si …  Le taux d’emploi ne se décrète pas et les leviers activer pour l’augmenter peuvent avoir des incidences différentes sur les finances publiques. Repousser l’âge effectif de la retraite est un levier efficace et efficient, d’autant plus que le gros de l’écart d’emploi entre la France et ses voisins se situe entre 60 et 64 ans. Le rapport coût-bénéfice des autres politiques paraît moins évident, compte tenu des montants déjà mobilisés, de l’ordre de 180 milliards d’euros en 2022, et des piètres résultats obtenus jusqu’à présent. A moins de repenser notre modèle social, en s’inspirant de ce qui a marché à l’étranger.

En tout état de cause, si la hausse de la quantité de travail aidait à résorber notre déficit public qui tutoie désormais les 6 % du PIB, elle ne nous exonèrerait sans doute pas d’un effort massif sur la dépense publique.

 


[1] https://www.rexecode.fr/competitivite-croissance/reperes-de-politique-economique/augmenter-la-quantite-de-travail-en-france-enjeux-et-leviers

[2] Voir la note du CAE : https://www.cae-eco.fr/objectif-plein-emploi-pourquoi-et-comment

[3] Voir la note de l’Insee : https://blog.insee.fr/la-productivite-du-travail-fr-depuis-la-crise-sanitaire/

[4] Voir la note intitulée : Quels seraient les effets sur les finances sociales d’un alignement du taux d’emploi français sur celui de l’Allemagne ? https://www.strategie.gouv.fr/files/2025-01/20240807_annexe_emploi_fr_all_vf.pdf#page7


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Olivier Redoules