La protection des réfugiés et apatrides est confiée en France à l’Office Français des réfugiés et apatrides (OFPRA), établissement public créé par la loi du 25 juillet 1952, votée en application de la Convention de Genève de 1951[1] sur le statut des réfugiés dans le monde de l’après-guerre. A sa fondation, l’OFPRA comprenait une entité administrative et une entité juridictionnelle, appelée « Commission de recours des réfugiés ». Par une loi de 2007, cette commission a pris le nom de Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA), et a été rattachée au Conseil d’Etat par un décret du 1er janvier 2009. Depuis cette date, les demandes d’asile restent formulées auprès de l’OFPRA, qui peut décider d’accorder l’asile ou au contraire, de le refuser. Dans ce cas, le requérant peut alors faire appel de ce refus auprès de la CNDA, qui entend le requérant, puis décide soit de valider le refus de l’asile prononcé par l’OFPRA, soit au contraire, d’accorder l’asile au requérant.

L’application du droit d’asile

La croissance de la demande d’asile et sa diversité ont mené la CNDA à élargir le droit d’asile en fonction de l’évolution des persécutions menées contre divers groupes ou minorités[2]. Au fil des ans, le profil des demandeurs d’asile et leurs origines se sont diversifiés, simultanément à la mondialisation, la croissance des voyages et des migrations, la multiplication des tensions et guerres civiles entraînant des exodes, et un accroissement du nombre des familles divisées entre émigrés et membres de la famille demeurés au pays. La variété des motifs et de l’histoire personnelle des demandeurs a mené la CNDA à élargir la protection à des personnes et parfois à des groupes de plus en plus variés,  dont les personnes persécutées pour des raisons d’orientation sexuelle.

Cette évolution a naturellement mené la CNDA à renforcer ses moyens, notamment en multipliant le nombre d’assesseurs, et à élargir progressivement le champ de la protection. La Cour a été ainsi amenée à se pencher sur la situation intérieure d’un nombre croissant de pays d’origine et de groupes et minorités persécutés. Les services de la Cour tiennent à la disposition des juges et des assesseurs une masse d’informations qui permettent de construire progressivement une jurisprudence élargie à de nombreux pays.

La Cour est organisée en chambres dirigées par des magistrats. Ce sont eux qui président les audiences. Aux chambres sont rattachés des assesseurs, qui siègent aux audiences aux côtés des magistrats, et participent à la délibération qui suit l’audience. Les assesseurs sont des cadres non magistrats, recrutés parmi des volontaires venus de l’administration française (Ministère des affaires étrangères notamment) et par des volontaires venus du Haut-Commissariat aux réfugiés.

Le nombre des chambres a régulièrement augmenté avec la croissance de la demande d’asile. Les séances des chambres sont publiques. Les délibérations se tiennent à huis-clos deux fois par jour à l’issue des audiences.

Les séances de la CNDA sont, comme dans d’autres tribunaux, ouvertes au public. Les proches des requérants viennent fréquemment assister à la séance mais ne peuvent intervenir dans les débats. La plupart des requérants n’ont pas d’avocat, soit par défaut de connaissance du fonctionnement de la Cour, soit tout simplement par manque de moyens.

L’examen d’un recours commence par un exposé du rapporteur, agent de la CNDA, qui retrace l’histoire et la situation du requérant, les raisons pour lesquelles il demande l’asile en France, les circonstances de sa venue. Le rapporteur fait part aux juges et au requérant des raisons ayant motivé le refus d’octroi de l’asile par l’OFPRA. Le président prend alors la direction des débats, donnant la parole successivement au requérant et à son avocat, ainsi qu’aux deux assesseurs, qui peuvent questionner eux-mêmes le requérant. Ces débats sont souvent longs lorsque le requérant ne comprend pas suffisamment le français, auquel cas l’interprète traduit au fur et à mesure les questions et réponses.

Naturellement, le requérant et son avocat prennent la parole les derniers, à l’invitation du président.

Les délibérations de la Cour, bien sûr à huis clos, commencent après le départ du dernier requérant, le plus souvent en fin de journée, parfois en deux temps (matin et soir).

Les débats peuvent être serrés, mais le plus souvent, la majorité se dessine vite.

Quelques réflexions sur la pratique du droit d’asile

Je retiens de mon expérience de près de cinq ans à la CNDA (2015-2020) l’impression forte que le droit d’asile est essentiel dans les relations internationales et pour la santé de notre démocratie. La rencontre avec les demandeurs d’asile, la détresse et l’espoir de la plupart d’entre eux sont le fondement du droit d’asile. Certes, le discernement qu’il faut naturellement appliquer pour refuser l’asile à des demandeurs insincères exige attention et réalisme. Il m’est sans doute arrivé de me tromper, mais je serais plus triste de l’avoir fait en refusant l’asile à tort plutôt que l’inverse.

Quelles sont les raisons le plus souvent invoquées à l’appui de la demande d’asile ?

La violence dirigée, ou tolérée par les autorités, frappant des minorités ethniques, religieuses et parfois politiques dans des pays où l’état de droit est absent ou fragile, constitue une raison fréquente de fuite du pays et de demande d’une protection au nom du droit d’asile et des textes qui le garantissent. Les flux migratoires motivés par ces raisons se dirigent naturellement vers les pays européens, en particulier les pays de l’Union Européenne.

Les raisons invoquées par les demandeurs peuvent être la violence aveugle prévalant dans leur pays, sur une base ethnique ou politique, dans des pays aussi différents que le Burkina-Faso, le Soudan, le Sri-Lanka … Des persécutions spécifiques peuvent être invoquées par les requérants, liées à leur ethnie, à leur homosexualité, à des pratiques violentes ou inhumaines telles que l’excision, à des violences intra-familiales sans recours dans leur région d’origine ou leur pays, ou tout simplement à leur appartenance à une minorité ethnique ou religieuse mal tolérée et persécutée par les autorités ou la majorité de la population locale.

L’octroi de la protection

Lorsque la CNDA décide d’accorder la protection au demandeur d’asile, elle peut accorder soit le statut de réfugié, soit la protection subsidiaire. Le statut de réfugié défini par la Convention de Genève du 28 juillet 1951, est attribué à des personnes persécutées pour des raisons de race, de religion, de nationalité, ou l’appartenance à certains groupes sociaux. La protection subsidiaire est accordée aux personnes exposées personnellement dans leur pays aux risques de diverses violences pouvant aller jusqu’à la peine de mort. La distinction n’est pas toujours évidente ; le statut de réfugié offre une protection plus complète et plus durable, la protection subsidiaire accorde une protection en réponse à des risques parfois plus immédiats et moins généraux, mais souvent tout aussi redoutables.

Lorsqu’un réfugié obtient l’asile, il ne peut plus retourner dans son pays, sous peine de se voir retirer son statut de réfugié.

A un moment où les migrations deviennent dans de nombreux pays européens un enjeu social et politique de plus en plus important, le travail de l’OFPRA et de la CNDA est essentiel pour que la France puisse maintenir et renforcer une politique d’immigration raisonnée, stable et humaine.

 

Mots-clés : CNDA – Droit d’asile – Immigration

[1] Cette convention internationale définit le terme de réfugié, énonce les droits des personnes déracinées et les obligations juridiques des Etats pour assurer leur protection. C’est le texte de base de la coopération internationale en matière d’asile. Voir le site https:/www.unhcr.org

[2] On trouvera des indications détaillées dans le site « Vie Publique » sur le rôle de la CNDA. L’origine de l’élargissement du domaine des droits d’asile est assez empirique, ce qui a permis d’accroître le champ d’intervention de l’OFPRA et de la CNDA au fil des ans et de la multiplication des atteintes aux Droits de l’Homme. La référence reste la Convention de Genève et ce sont plutôt la pratique et la jurisprudence qui ont intégré de nouveaux motifs d’intervention.

Patrick Roussel
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