Hydrogène, des innovations prometteuses à travers le monde

L’hydrogène est l’élément le plus abondant de l’univers. En revanche, il est quasi introuvable sur terre à l’état pur et est toujours lié à d’autres atomes, notamment dans l’eau, la biomasse et les ressources fossiles. L’hydrogène désigne en réalité le dihydrogène (H2), un gaz inodore et incolore. La combustion de l’hydrogène émet, à poids égal, trois fois plus d’énergie que l’essence. Comme l’électricité, il n’est pas une énergie en tant que telle, mais un vecteur énergétique, autrement dit une passerelle entre sources primaires d’énergie et usages finaux.

C’est ainsi qu’un véhicule à hydrogène fonctionne grâce à une propulsion électrique, qui tire son énergie d’une pile à combustible alimentée avec ce gaz. Les promesses d’usage sont ainsi multiples : piles à combustible donc, capables d’alimenter des véhicules électriques ou de fournir de l’électricité dans des lieux isolés, injection dans le réseau de gaz naturel ou solution de stockage de l’énergie renouvelable, etc. Ne rejetant que de l’eau, la combustion de l’hydrogène a donc la particularité d’éviter l’émission de particules de soufre et d’oxyde d’azote. De plus, alors que plusieurs heures sont nécessaires pour recharger la batterie électrique d’un véhicule, quelques minutes suffisent pour ravitailler un réservoir d’hydrogène.

L’hydrogène offre également la possibilité de stocker une grande quantité d’énergie. Une capacité de stockage déjà utilisée pour alimenter des véhicules individuels ou encore des chariots élévateurs très prisés dans les centres logistiques et qui répond déjà au défi de la décarbonation de secteurs de l’économie encore très émetteurs en gaz à effet de serre comme le fret routier sur de longues distances.

À plus long terme, l’hydrogène pourrait permettre aux transports maritimes et aériens de faire leur révolution verte. L’hydrogène a pour atout supplémentaire de faciliter le stockage de l’électricité qui n’est pas immédiatement consommée. Il offre ainsi des opportunités de valoriser les énergies renouvelables non continues, comme l’éolien et le solaire. L’électricité en surplus peut servir à produire de l’hydrogène. Et inversement, en cas de baisse de la production d’électricité, l’hydrogène peut être à nouveau transformé en électricité. Un véritable complément aux énergies renouvelables.

De l’industrie aux transports, les projets décarbonés se multiplient

En 2018, la demande mondiale d’hydrogène s’élève aux environs de 94 millions de tonnes[1] par an. La grande majorité de l’hydrogène est produite à partir de gaz naturel (71 %) et de charbon (27 %) et seulement 2 % à partir des énergies renouvelables. Les principales utilisations de cet hydrogène ont été le raffinage (38 Mt), la production d’ammoniac (31 Mt), utilisé notamment pour la production d’engrais (12 Mt, utilisé principalement comme additif pour les carburants et pour la production de matières plastiques). Cette production d’hydrogène à partir du gaz et du charbon a entraîné environ 830 Mt d’émissions de CO2, soit environ 2,2 % du total mondial lié à l’énergie.

Produire de l’hydrogène nécessite de l’extraire, via une réaction chimique, d’une ressource primaire (eau ou gaz naturel). Dès lors, l’empreinte environnementale de cette production dépend de la source impliquée, comme de l’énergie utilisée pour le fabriquer. Or, pour des raisons d’infrastructures et de coûts, l’hydrogène est aujourd’hui issu à plus de 95 % de la transformation d’énergies fossiles : cet hydrogène dit « gris » n’est ni renouvelable, ni bas carbone. Heureusement, une alternative moins polluante existe : l’hydrogène décarboné obtenu par électrolyse de l’eau. Plus respectueux de l’environnement, le procédé nécessite un courant électrique pour dissocier la molécule d’eau. Or cette source d’énergie électrique peut être de différentes natures. Lorsqu’elle est renouvelable, par exemple avec une électrolyse raccordée à un parc éolien ou photovoltaïque, l’hydrogène décarboné est alors qualifié de « vert ».

Au cours des 30 prochaines années, l’utilisation de l’hydrogène devrait augmenter considérablement, l’hydrogène décarboné remplaçant l’hydrogène dérivé des combustibles fossiles encore utilisés dans les applications existantes et se déployant dans de multiples nouvelles utilisations finales. Dans certains secteurs, son rôle précis par rapport à d’autres options de décarbonation (en particulier l’électrification directe) est intrinsèquement incertain. Toutefois, selon les scénarios du conseil de l’hydrogène la demande d’hydrogène devrait être entre 500 et 650[2] millions de tonnes par an, soit environ une multiplication par six.

Que ce soit pour l’industrie, l’agriculture, la construction ou encore dans le domaine de la mobilité, cet hydrogène « vert » pourra alimenter en énergie décarbonée des centres de production, remplacer certains procédés de fabrication utilisant actuellement des énergies fossiles ou encore offrir une véritable alternative aux moteurs traditionnels. Dans le domaine de la sidérurgie par exemple, de plus en plus d’acteurs se tournent vers des technologies moins polluantes pour réduire le poids carbone des aciers. Il en va de même pour la production d’engrais, de ciment ou encore dans le secteur de la chimie verte. En remplaçant des combustibles fossiles par de l’hydrogène décarboné, ce sont des pans entiers de nos économies qui pourront diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre, conformément aux objectifs nationaux et internationaux.

L’exemple le plus frappant est la production d’acier primaire, qui représente actuellement 7 %[3] (3Gt) des émissions mondiales de CO2. Dans ce secteur, l’hydrogène peut remplacer le charbon et le gaz comme agent réducteur afin de réduire le minerai de fer. A ce jour, un grand nombre de grands producteurs d’acier ont fixé des objectifs significatifs de réduction de leurs émissions pour 2050. On retrouve notamment Arcelor Mittal, BaoWu Steel, SSAB et ThyssenKrupp, pour lesquels l’utilisation de l’hydrogène est considérée comme essentielle dans cette perspective.

Idem pour le transport maritime qui émet environ 2[4] % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, où il est presque certain que la voie de la décarbonation va passer par des carburants à base d’hydrogène (ammoniac ou méthanol). C’est notamment le cas de Maersk, la plus grande entreprise de transport maritime du monde, qui a annoncé son objectif de réduction de ses émissions de 60 % dès 2030 et qui prend la route du méthanol pour propulser ses bateaux.

Un engagement mondial sans précédent en faveur de l’hydrogène vert

Toutes les montres semblent être synchronisées pour déployer l’hydrogène vert à grande échelle. Les engagements nationaux des gouvernements se multiplient et les projets des principaux acteurs de la chaîne de valeurs fleurissent aux quatre coins du monde.

C’est notamment depuis le début de la guerre en Ukraine que le développement de la filière hydrogène s’accélère en Europe. Dans un premier temps, la hausse des prix du gaz s’est répercutée sur les coûts de production de l’hydrogène produit à partir d’hydrocarbures et donc améliorant la compétitivité de l’hydrogène vert produit à partir d’électricité renouvelable.

Dans un second temps, cette crise énergétique sans précédent a véritablement encouragé les gouvernements à sortir de leur dépendance aux énergies fossiles et a contribué ainsi à accélérer la transition énergétique. Sans surprise, la filière hydrogène a été particulièrement dynamique cet été.

En mai, la Commission européenne a publié son plan REPowerEU[5], avec l’objectif de réduire la dépendance à l’égard des importations d’énergies russes. Un plan intégrant des objectifs de développement de l’utilisation de l’hydrogène d’ici à 2030 qui ont été multipliés par près de quatre. Mi-juillet, la Commission européenne a accordé le statut d’IPCEI (Important Project of Common European Interest) à 35 entreprises et 41 projets liés à l’hydrogène (Hy2tech) qui vont recevoir jusqu’à 5,4 milliards d’euros d’aides étatiques auxquelles s’ajoutent des sources privées qui portent le financement total à 14,2 milliards.

En août, le vaste plan d’investissement de Joe Biden sur le climat et la santé baptisé « Inflation Reduction Act » a été adopté par le Congrès américain. 370 milliards de dollars sont consacrés à l’environnement, couvrant un large éventail de technologies, allant des énergies renouvelables à l’hydrogène, en passant par les solutions de stockage et la capture de CO2, avec pour ambition une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Il prévoit notamment un crédit d’impôt de 3 dollars par kilogramme d’hydrogène vert produit, ce qui constitue un très important soutien au développement de cette filière, en la rendant compétitive face aux alternatives polluantes.  Il s’agit d’un véritable  » game changer  » pour les entreprises du secteur de l’hydrogène, leur permettant d’accéder à davantage de capitaux, d’accélérer la croissance de la filière tout en réduisant les coûts de production de l’hydrogène vert, et donc d’améliorer sa compétitivité.

À la suite de l’Inflation Réduction Act[6], la Commission européenne (CE) a donné son accord pour que les États membres de l’UE subventionnent une série de projets d’infrastructure pour l’hydrogène, regroupés sous le nom de « Hy2Use », à hauteur de 5,2 milliards d’euros. Hy2Use, qui a reçu le statut de projet important d’intérêt européen commun (IPCEI), englobe 35 projets répartis dans 13 pays de l’Union et vise à stimuler l’offre pour les applications industrielles. Parmi les projets de 29 entreprises figurent divers plans d’électrolyseurs qui totalisent 3,5 GW au total. Enfin, la Commission européenne a lancé la Banque européenne de l’hydrogène, qui prévoit des investissements d’au moins 3 milliards d’euros. Un véritable point de bascule pour la filière hydrogène dans le monde.

Un fonds d’investissement destiné à agir aujourd’hui pour une économie net zéro demain

Depuis plusieurs années, CPR AM s’engage et innove afin de proposer sur toutes les classes d’actifs des solutions d’investissement qui s’attaquent aux enjeux de la transition climatique. Avec le lancement du fonds actions internationales CPR Invest – Hydrogen, nous venons d’enrichir notre expertise Climat qui approche désormais deux milliards d’euros d’actifs sous gestion. Cette stratégie, complémentaire des solutions existantes, est dédiée au financement de l’ensemble de la filière de l’hydrogène. Déjà investissable, la chaine de valeur de l’hydrogène est destinée à jouer un rôle clé dans l’atteinte des objectifs d’une économie à zéro émissions nettes à horizon 2050. Rare solution permettant d’investir dans cette thématique d’avenir, le fonds bénéficie d’une gestion de conviction associée à une démarche d’impact.

L’utilisation de l’hydrogène n’est pas nouvelle, elle fait déjà partie intégrante de notre économie. Néanmoins, comme décrit précédemment, elle doit être verdie. Au travers de ce fonds, nous souhaitons accompagner de façon durable la transition vers la production et l’utilisation de l’hydrogène vert tout en cherchant bien sûr à bénéficier de son potentiel de croissance significatif.

Pour ce faire, le fonds se concentre sur deux dimensions clés. Premièrement, investir dans les sociétés du monde entier impliquées dans l’ensemble de l’écosystème de l’hydrogène, d’amont en aval. Deuxièmement, le faire en adoptant une approche d’investissement responsable cohérente.

Un univers présent sur l’ensemble de la chaine de valeur de l’hydrogène

En amont, cela comprend par exemple des spécialistes dans la production d’énergie verte comme le groupe portugais EDP ou la société américaine Nextera Energy. S’y retrouvent aussi des entreprises développant les technologies et composants nécessaires à la production d’hydrogène vert telles que les entreprises américaines Plug Power et Bloom Energy, spécialisée dans le développement de piles à combustible à hydrogène pour remplacer les batteries conventionnelles dans les équipements et les véhicules fonctionnant à l’électricité.

En aval, l’univers intègre les entreprises qui produisent, distribuent et bénéficient de l’utilisation de l’hydrogène. On peut citer par exemple Linde ou Air Product, sociétés respectivement allemande et  américaine présentes dans la production et la distribution d’hydrogène. Côté utilisateurs, on retrouve des  valeurs comme SSAB, producteur d’aciers spéciaux, ou des valeurs dans la mobilité plus connues du grand public comme le groupe français Alstom ou encore le constructeur automobile japonais Toyota, qui se positionne comme leader de la mobilité durable depuis plusieurs années.

Source : CPR AM, 2022*

En août, Alstom a d’ailleurs inauguré le lancement de son train Coradia iLint, à Brelervörde, en Allemagne. Premier train à hydrogène au monde, il est désormais utilisé pour le transport de passagers sur la première ligne ferroviaire 100 % hydrogène au monde. Véritable solution alternative au diesel, ce train régional peu bruyant, propulsé à l’aide de piles à combustible, émet seulement de la vapeur d’eau.

Autre fait marquant, Plug Power, spécialisé dans la fourniture d’hydrogène et de piles à combustible, vient d’annoncer la signature d’un accord pluriannuel avec Amazon. Le contrat prévoit la fourniture de près de 11 000 tonnes d’hydrogène vert à compter de 2025 afin de remplacer l’hydrogène gris actuellement utilisé par la flotte de 15 000 chariots élévateurs d’Amazon. Le contrat s’étend également à la fourniture d’électrolyseurs et de piles à combustible et crédibilise grandement la prévision de 3 milliards de dollars de ventes de Plug en 2025 contre 900 millions cette année.

En ce moment même, de plus en plus de projets sur la thématique de l’hydrogène vert voient le jour. Des projets qui ont un impact positif durable sur l’environnement et la société. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, le monde a besoin de l’hydrogène renouvelable. Il est le vecteur d’énergie qui permettra de substituer l’usage des énergies fossiles dans les secteurs où la transition est la plus complexe à réaliser.

Les récentes annonces gouvernementales aux Etats-Unis et en Europe démontrent les engagements mondiaux sans précédent pour développer la filière hydrogène. Avec un soutien politique approprié, un futur décarboné fondé sur l’hydrogène n’est donc absolument pas hors de portée.

 

Mots clés : durabilité  – investissement  – innovation  – technologie  – hydrogène  – renouvelables   – climat  – sécurité  – transition   – REPowerEU


[1] Source : Agence internationale de l’énergie (AIE), Rapport sur l’hydrogène (2021)

[2] Conseil de l’hydrogène (2021)

[3] AIE, Feuille de route technologique pour le fer et l’acier (2021)

[4] AIE, Transport Maritime (2020)

[5] Commission Européenne, REPowerEU (2022)

[6] United States, Congress (2022)

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Arnaud Demes
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