Dans le cadre du changement de rĂ©gime en cours, les investisseurs font face aux legs du rĂ©gime «volckerien» des quatre derniĂšres dĂ©cennies. Alors que lâinflation sâĂ©tait reportĂ©e, durant cette pĂ©riode, sur les prix des actifs, elle fait aujourdâhui son retour sur ceux des biens et services. Ce retour est alimentĂ©, avec un dĂ©calage, par le sous-investissement dans l’ancienne Ă©conomie, tandis que certains domaines de la « nouvelle » Ă©conomie (la bulle Internet en 1999, lâengouement pour la technologie entre 2015 et 2021) ont bĂ©nĂ©ficiĂ© dâun surinvestissement qui a surtout conduit Ă leur inflation financiĂšre.
Ces divergences ont rĂ©sultĂ© de la conjonction dâune demande de rendements Ă©levĂ©s des capitaux propres, qui a dĂ©couragĂ© l’investissement rĂ©el dans la plupart des secteurs, et du faible coĂ»t du capital, qui a gĂ©nĂ©rĂ© diverses formes d’excĂšs, de bulles et d’effet de levier ; il est ainsi possible que certains de ces « rĂȘves technologiques » soient construits sur du sable. Lâavenir de l’Ă©conomie au sens large continuera de rĂ©sider dans la « vieille Ă©conomie », et lâon commence Ă prendre conscience des effets de la raretĂ© de biens et services simples et vitaux. La consĂ©quence la plus Ă©vidente sera la tendance Ă une croissance plus faible et Ă une inflation plus Ă©levĂ©e : la stagflation est le principal risque associĂ© au nouveau rĂ©gime, tout comme la dĂ©sinflation caractĂ©risait le prĂ©cĂ©dent.
Les consĂ©quences seront lourdes pour les investisseurs. Lâune dâelle est lâinsoutenabilitĂ© des rendements des capitaux propres (RoE) hĂ©ritĂ©s du rĂ©gime prĂ©cĂ©dent. Il est Ă©galement peu probable que les investisseurs puissent compter sur le « gonflement » des variables Ă©conomiques nominales pour venir soutenir les valorisations actuelles des prix des actifs. La fragmentation mondiale s’accompagnera du retour des avantages de la diversification internationale. Les investisseurs devront aussi se tourner en prioritĂ© vers les actions dites « value » (ou valeurs dĂ©cotĂ©es) et des secteurs peut-ĂȘtre moins « glamour » mais fondĂ©s sur des modĂšles Ă©conomiques plus durables. Enfin, dâimportantes tensions se manifesteront probablement dans l’univers des devises, oĂč il faudra un certain temps avant de voir Ă©merger de nouveaux Ă©quilibres.
Comment le régime « actionnarial » a provoqué une distorsion majeure
De la surcapacité à la pénurie
L’environnement macroĂ©conomique et financier actuel est marquĂ© par la fin de ce que nous appellerons le rĂ©gime patrimonial actionnarial (ou « rĂ©gime actionnarial »), dont on peut symboliquement dater le dĂ©but Ă l’arrivĂ©e de Paul Volcker Ă la tĂȘte de la Fed. Il a gĂ©nĂ©rĂ© d’importantes distorsions et fragmentations en termes d’investissement et d’inflation, notamment entre la sphĂšre financiĂšre et la sphĂšre rĂ©elle, ainsi qu’entre secteurs. Le coĂ»t artificiellement bas du capital – dĂ©coulant principalement de politiques monĂ©taires beaucoup trop laxistes depuis une dizaine dâannĂ©es- a gĂ©nĂ©rĂ© un Ă©norme « effet de taux d’actualisation » sur l’allocation intertemporelle du capital, se traduisant par une prĂ©fĂ©rence indue pour certains biens et services et leurs actifs connexes (le secteur de la technologie, mais sans doute aussi lâimmobilier) au dĂ©triment des autres.
Lâabondance de monnaie a d’abord stimulĂ© la sphĂšre financiĂšre â via la vĂ©locitĂ© de la monnaie – et les prix des actifs, avant d’atteindre la sphĂšre rĂ©elle. Du fait de ce dĂ©calage, les prix des actifs ont Ă©tĂ© fortement inflatĂ©s, tandis que les pressions dĂ©flationnistes se propageaient dans l’Ă©conomie rĂ©elle pendant un certain temps. Le faible coĂ»t du capital a masquĂ© la viabilitĂ© fragile des modĂšles Ă©conomiques de secteurs surinvestis et tournĂ©s vers l’avenir. Ceci se traduira par des pressions rĂ©cessionnistes lorsque les capacitĂ©s excĂ©dentaires seront rĂ©vĂ©lĂ©es. Ă l’inverse, la sous-capacitĂ© dans d’autres secteurs a ouvert la voie Ă des problĂšmes d’offre et Ă l’inflation. Le changement de rĂ©gime en cours contribue Ă dĂ©mystifier le narratif du « trop de tout » (c’est-Ă -dire la surcapacitĂ©) alors que la raretĂ© se dĂ©voile progressivement partout, surprenant la plupart des observateurs. La stagflation trouve ainsi ses racines dans la mauvaise allocation du capital, ainsi que dans le « mal-investissement ».
Mauvaise allocation du capital
La baisse apparente du coĂ»t du capital nâa pas entraĂźnĂ© dâaugmentation des investissements : il s’agit d’une caractĂ©ristique marquante (et d’un Ă©chec notable) du rĂ©gime actuel. La structure d’allocation et la distribution des flux aux actionnaires sont les principales raisons de cette mauvaise allocation. En fait, l’accent mis sur des objectifs Ă©levĂ©s de RoE s’est accompagnĂ© d’une prĂ©fĂ©rence implicite pour les opĂ©rations financiĂšres telles que les distributions de dividendes Ă©levĂ©s, les programmes de rachats d’actions et les fusions et acquisitions (souvent financĂ©es par la dette) au dĂ©triment des dĂ©penses en capital (capex).
De plus, l’effet de taux d’actualisation dĂ©coulant des faibles coĂ»ts de financement a fortement influencĂ© la valeur actualisĂ©e nette des flux de revenus futurs des actifs. Cela a encore dĂ©tournĂ© les capitaux et les flux de trĂ©sorerie de la crĂ©ation dâactifs productifs dans les industries essentielles et du remplacement des actifs usĂ©s ou obsolĂštes. Aucune force de rĂ©Ă©quilibrage naturel ne s’est mise en place pour contrecarrer cette canalisation suboptimale du capital. On nâa notamment pas observĂ© de retour Ă la moyenne du Q de Tobin (ratio de la valorisation des actions par rapport Ă la valeur de remplacement des actifs rĂ©els de l’entreprise) alors qu’une valorisation Ă©levĂ©e devrait entraĂźner une augmentation du capital physique de l’entreprise.
Dans les entreprises, les projets soumis aux comitĂ©s de sĂ©lection finissaient souvent par ĂȘtre rejetĂ©s, malgrĂ© des taux de rendement anticipĂ©s supĂ©rieurs au coĂ»t du capital effectif, car le taux requis Ă©tait beaucoup plus Ă©levĂ© (jusqu’Ă 8 %). Ceci pouvait sâexpliquer par le coĂ»t d’opportunitĂ© de ces projets par rapport Ă des opĂ©rations financiĂšres perçues comme immĂ©diatement rentables pour les actionnaires, mĂȘme si l’aversion au risque a Ă©galement pu jouer un rĂŽle, notamment au moment de la crise de 2008,
Ce constat dâun sous-investissement global, illustrĂ© par la baisse tendancielle de l’investissement en capital fixe en pourcentage du PIB dans les pays occidentaux, n’exclut pas celui de surinvestissements et/ou de « mal-investissements » dans certains domaines, oĂč des bulles se sont formĂ©es sur fond de promesses de changements structurels (internet, tech, etc.), tandis que des besoins vitaux et simples souffraient simultanĂ©ment de lâinsuffisance et dâune inadĂ©quation des investissements. La pandĂ©mie de Covid a soudain fait apparaĂźtre au grand jour ces disparitĂ©s sectorielles dans le processus d’accumulation du capital, mĂȘme si les graines en Ă©taient dĂ©jĂ semĂ©es depuis longtemps.
Capital, salaires et rendement des actifs : un Ă©quilibre insoutenable ?
Le rĂ©gime actionnarial patrimonial sâest caractĂ©risĂ© par une compression non seulement des dĂ©penses dâinvestissement, mais aussi des salaires. La baisse de la part du travail dans les revenus a coĂŻncidĂ© avec la hausse de la part du capital et une augmentation du stock de richesse par rapport au revenu, particuliĂšrement aux Ătats-Unis Le stock de richesse a augmentĂ©, avec des rendements inchangĂ©s (relativement Ă©levĂ©s), de mĂȘme que l’offre de capital financier du fait de la substitution entre travail et capital. La baisse du taux d’intĂ©rĂȘt de rĂ©fĂ©rence et du coĂ»t du capital a jouĂ© un rĂŽle clĂ© dans la distorsion de l’allocation entre le travail et le capital comme elle l’a fait, au sein mĂȘme de ce dernier, entre le capital financier (« richesse ») et le capital productif, physique et tangible. Il est vrai que le taux de rendement rĂ©el agrĂ©gĂ© des actifs (la moyenne des rendements rĂ©els des obligations, des actions et de lâimmobilier, pondĂ©rĂ©e par la taille de chaque classe d’actifs) a Ă©tĂ© supĂ©rieur au taux de croissance du PIB rĂ©el, non seulement au cours de la derniĂšre dĂ©cennie, mais sur une pĂ©riode beaucoup plus longue (1870-2015).
Externalisation des capex et financements : le rĂŽle de la plateforme asiatico-chinoise
Dans le cadre du rĂ©gime actionnarial, le laxisme des politiques monĂ©taires et la recherche de RoE Ă©levĂ© ont jouĂ© un rĂŽle majeur dans la double compression des salaires et des investissements, mais une contribution significative est Ă©galement venue des Ă©changes internationaux, via la « plateforme chinoise ». Une partie de l’effort d’investissement a en effet Ă©tĂ© dĂ©localisĂ©e Ă travers lâextension des chaĂźnes de valeur mondiales, en particulier en Asie (et notamment en Chine) oĂč le coĂ»t du capital Ă©tait encore plus bas. L’accumulation de rĂ©serves de change par les banques centrales asiatiques, visant Ă maintenir une sous-Ă©valuation artificielle de leur devise pour soutenir un modĂšle tirĂ© par les exportations, a jouĂ© un rĂŽle dĂ©terminant dans la baisse des taux sans risque mondiaux via des achats de dette occidentale (en particulier pour financer le dĂ©ficit courant des Ătats-Unis), avant mĂȘme que les banques centrales occidentales ne lancent leur politique dâassouplissement quantitatif (QE). Ce jeu de la « poule et de l’Ćuf » a maintenu des politiques monĂ©taires accommodantes de part et dâautre, alimentant diverses formes d’expansion et d’Ă©clatement de bulles du crĂ©dit et des actifs. L’Ă©pargne a Ă©tĂ© confondue avec la monnaie et la prĂ©tendue « surabondance d’Ă©pargne » a Ă©tĂ© exagĂ©rĂ©e et instrumentalisĂ©e.
De plus, poursuivant un objectif d’accumulation d’intrants (sous forme de travail, de capital et d’investissements fixes) plutĂŽt qu’une augmentation absolue des rendements du capital, la plateforme chinoise a encore alimentĂ© les surcapacitĂ©s et exportĂ© les forces dĂ©flationnistes. Dans les pays occidentaux, cela a contribuĂ© Ă la limitation des capacitĂ©s productives (puisque d’autres faisaient le travail). Le rĂ©gime actionnarial a ainsi vu la singuliĂšre coĂŻncidence historique de la puissante plateforme chinoise dĂ©sinflationniste et de la poursuite d’objectifs financiers exigeants. La faiblesse artificielle des taux de financement a Ă©galement induit les observateurs en erreur en leur faisant croire que r* (le taux d’intĂ©rĂȘt neutre non observable qui n’accĂ©lĂšre ni ne ralentit l’activitĂ© Ă©conomique) Ă©tait bien infĂ©rieur Ă ce qu’il Ă©tait en rĂ©alitĂ©. Une justification ex post a Ă©tĂ© trouvĂ©e Ă travers le rĂ©cit exagĂ©rĂ© de la stagnation sĂ©culaire, instrumentalisĂ© pour identifier l’excĂšs d’Ă©pargne (en fait, de monnaie) comme une explication facile des taux bas et comme une caractĂ©ristique permanente et structurelle d’un systĂšme mondialisĂ© â assurant la dĂ©sinflation et un faible coĂ»t du capital â ; la suite a montrĂ© quâil nâen Ă©tait rien.
CaractĂ©ristiques du changement de rĂ©gime en cours : la fin d’une longue mais temporaire exception
Un certain nombre de caractéristiques se dessine dans le nouveau régime qui se met en place :
– Alors qu’une nouvelle rĂ©alitĂ© Ă©merge de la crise du Covid et que l’impact des stimuli budgĂ©taires cycliques s’estompe, l’hĂ©ritage du rĂ©gime actionnarial implique Ă la fois une inflation durable et une croissance potentielle faible. Le ralentissement Ă©conomique actuel reflĂšte dĂ©jĂ ce message ;
– Les espoirs de rĂ©soudre rapidement les problĂšmes d’offre grĂące Ă une accĂ©lĂ©ration des investissements paraissent optimistes. Il faudra bien plus de temps que prĂ©vu pour modifier une approche et des raisonnements qui sont profondĂ©ment ancrĂ©s dans la culture d’entreprise du rĂ©gime prĂ©cĂ©dent ;
– Le triangle d’incompatibilitĂ© (salaires, capex et rendement pour les actionnaires) dans un contexte d’inflation, de hausse des taux et de nĂ©cessitĂ© dâaugmentation des investissements rĂ©els, ne peut pas ĂȘtre gĂ©rĂ© aux niveaux passĂ©s de RoE. L’argent public apportera sans doute sa contribution via lâaugmentation des dĂ©ficits et de la dette. NĂ©anmoins, les choses doivent Ă©galement changer du cĂŽtĂ© privĂ© de l’Ă©quation ;
– La plateforme chinoise ajoutera Ă la dynamique de retournement en exerçant une moindre pression Ă la baisse sur les taux d’intĂ©rĂȘt et l’inflation. Les facteurs qui soutenaient le systĂšme s’inversent un Ă un, Ă travers l’Ă©mancipation progressive du modĂšle chinois, tant du point de vue de la structure du PIB (dĂ©placement vers la demande intĂ©rieure) que des aspects gĂ©opolitiques (tensions avec les Ătats-Unis). Le systĂšme qui touche Ă sa fin a des consĂ©quences embarrassantes pour l’Occident en termes de hausse des taux et d’inflation, de changement des politiques des banques centrales Ă©mergentes vers une moindre accumulation (lâinstrumentalisation gĂ©opolitique des rĂ©serves de change qui sâannonce suite Ă la guerre en Ukraine ajoute Ă cette tendance) et un raccourcissement des chaĂźnes de valeur en lien avec les enjeux de souverainetĂ© et de sĂ©curitĂ© ;
– La transition Ă©nergĂ©tique nĂ©cessitera des investissements qui ne proviendront pas de la plateforme chinoise. Cette transition est un macro-choc, dont l’intensitĂ© est comparable Ă celle du choc pĂ©trolier des annĂ©es 70, et elle implique une rĂ©allocation importante des ressources, de l’emploi, du capital et des transferts budgĂ©taires massifs ;
– Les cibles dĂ©jĂ optimistes de rendement des fonds propres hĂ©ritĂ©es de cette pĂ©riode n’ont pas Ă©tĂ© sĂ©rieusement rĂ©visĂ©es et seront bientĂŽt confrontĂ©es Ă un test de rĂ©alitĂ© encore plus difficile, de mĂȘme que les valorisations Ă©levĂ©es des actifs risquĂ©s dans un contexte de hausse des taux (nominaux et rĂ©els) ;
– En fin de compte, les anticipations de bĂ©nĂ©fices doivent ĂȘtre revues. L’Ăšre de la baisse des rendements financiers, de la hausse des salaires et de la hausse du coĂ»t du capital est sur le point de commencer, combinĂ©e Ă un besoin structurel et massif dâinvestissements ;
– La dynamique du rĂ©gime prĂ©cĂ©dent a fait de la politique monĂ©taire l’otage des marchĂ©s financiers, de peur qu’un resserrement agressif n’exerce une pression sur les prix des actifs, avec des retombĂ©es macroĂ©conomiques nĂ©gatives. Cela a contribuĂ© Ă la dynamique du rĂ©gime par une sorte de boucle de rĂ©troaction ;
– Ă l’heure actuelle, la politique monĂ©taire est au cĆur de tensions entre, dâune part, le soutien aux marchĂ©s financiers et la tolĂ©rance vis-Ă -vis de lâinflation, et dâautre part des forces puissantes en faveur de la constitution dâun capital plus rĂ©el ;
– Le changement de rĂ©gime en cours libĂšre des forces de fragmentation dans l’espace de la politique monĂ©taire : il existe, pour ainsi dire, autant de fonctions de rĂ©action que de pays confrontĂ©s Ă l’inflation. Le « consensus monĂ©taire » en tant qu’ensemble homogĂšne de principes (indĂ©pendance des banques centrales, modĂšles Ă objectif et outil uniques) et de rĂšgles (par exemple la rĂšgle de Taylor) a Ă©tĂ© Ă©branlĂ©. La situation Ă©volue de plus en plus vers des territoires inexplorĂ©s, initiĂ©s par le QE et diverses formes de monĂ©tisation de la dette, et un ensemble d’outils et d’objectifs qui restent Ă dĂ©finir ;
– Cette transition monĂ©taire affectera la crĂ©dibilitĂ© et entraĂźnera une Ă©lĂ©vation des primes de risque. En attendant que les manuels monĂ©taires soient rĂ©Ă©crits et qu’un nouveau consensus Ă©merge, les investisseurs se retrouvent dans un no manâs land transitoire mais dangereux ;
– Les illusions nominales peuvent masquer la rĂ©alitĂ©. Le changement de rĂ©gime actuel pousse Ă une hausse des variables nominales (dont le PIB) dans le monde occidental par le biais d’une inflation plus Ă©levĂ©e, afin d’allĂ©ger le coĂ»t de la dette. En ce sens, il y a une prĂ©fĂ©rence pour l’inflation ;
– Dans un rĂ©gime inflationniste, les variables nominales telles que la croissance, les bĂ©nĂ©fices et les revenus boursiers sont inflatĂ©es, volontairement (par la rĂ©pression financiĂšre forçant Ă des taux nominaux bas) ou pas. La conjonction dâune croissance zĂ©ro du PIB rĂ©el et dâune croissance nominale Ă 10 % influence la maniĂšre d’analyser les bĂ©nĂ©fices, mais aussi les taux de dĂ©faut de crĂ©dit : aprĂšs tout, les entreprises remboursent en termes nominaux. On peut mĂȘme caresser lâespoir que les valorisations extrĂȘmes puissent se maintenir par une inflation et une croissance nominale suffisamment Ă©levĂ©es. Il s’agit d’une dimension importante du nouveau rĂ©gime pour les investisseurs ;
– En dĂ©pit de cette possibilitĂ© d’une illusion nominale, l’histoire doit inciter les investisseurs Ă la prudence : toutes les pĂ©riodes comparables ont initialement connu un ajustement Ă la baisse des valorisations.
Conclusion et implications pour les investisseurs
Lâeffet inflationniste des contraintes pesant sur lâoffre, combinĂ© aux menaces dâĂ©clatement des bulles des prix des actifs avec des consĂ©quences dĂ©flationnistes, sont le principal hĂ©ritage du rĂ©gime actionnarial. Cela indique clairement que la stagflation est un risque majeur alors que nous entrons dans un nouveau monde. De plus, avec de moindres sources externes de capitaux financiers, la pression sur l’Ă©pargne domestique occidentale et sur les taux va s’accroĂźtre. Il en rĂ©sultera une baisse des rendements du stock de richesse et une hausse des rendements du capital physique, ainsi qu’un rĂ©Ă©quilibrage des parts relatives du capital et du travail, en faveur de ce dernier.
Pour les investisseurs, les conséquences pratiques sont trÚs importantes :
– Si les banques centrales ne se montrent pas dĂ©terminĂ©es Ă maĂźtriser l’inflation, en la laissant courir sans remonter les taux rĂ©els au niveau nĂ©cessaire, elles achĂšteront du temps, mais le rĂ©sultat final sera le mĂȘme pour les actifs risquĂ©s. Soit les acheteurs naturels d’obligations seront contraints d’absorber des obligations malgrĂ© la faiblesse des taux rĂ©els et donc de vendre des actifs risquĂ©s, soit les forces du marchĂ© finiront par dĂ©placer les courbes de taux vers le haut et par impacter les valorisations ;
– Entre l’Ă©clatement (a priori) dĂ©flationniste d’une bulle d’actifs mature et le dĂ©roulement â ââpuis l’extension â du cycle inflationniste, reste Ă savoir qui viendra en premier. Dans l’ensemble, le principal risque est celui dâune stagflation totale â rĂ©cession et inflation. Les investisseurs doivent intĂ©grer ces diffĂ©rentes options dans la construction de leur portefeuille ;
– La fragmentation mondiale s’accompagnera du retour des avantages de la diversification internationale. La disparition du consensus monĂ©taire mondial, ainsi que son corollaire, le recul du facteur unificateur du commerce international et des chaĂźnes de valeur intĂ©grĂ©es, diminueront le co-mouvement du risque mondial et la corrĂ©lation des rendements des pays ;
– D’un point de vue sectoriel, alors que les actions de croissance et du secteur de la technologie ont Ă©tĂ© les gagnantes incontestĂ©es du rĂ©gime prĂ©cĂ©dent, les actions « value » seront les gagnantes objectives du nouveau rĂ©gime. Les investisseurs devraient accorder une plus grande attention Ă la durabilitĂ© des modĂšles Ă©conomiques des entreprises et se tourner vers ceux qui, moins glamour, sont aussi plus rĂ©alistes et efficaces comparĂ©s aux stars de la technologie.
– Dans l’espace des devises, il ne faut pas s’attendre au retour de l’ancien systĂšme qui voyait les rĂ©serves des banques centrales asiatiques compenser l’insuffisance de l’Ă©pargne amĂ©ricaine. Les investisseurs doivent se prĂ©parer Ă de nombreux dĂ©salignements et tensions avant qu’un nouvel ordre, probablement moins centrĂ© sur le dollar amĂ©ricain, ne finisse par Ă©merger.
Mots-clĂ©s : rĂ©gime actionnarial – coĂ»t du capital – rentabilitĂ© des capitaux propres – chaĂźnes de valeur internationales – inflation – triangle dâincompatibilitĂ©
- La mauvaise allocation de capital aux racines de la stagflation - 22 septembre 2022
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