Le mot « risque » serait, selon le Wiktionnaire, issu du latin resecum (« ce qui coupe ») ou resecare (« couper »), et son acception aurait progressivement dĂ©signĂ© le « rocher escarpĂ© », l’ « Ă©cueil » pour ensuite prendre en certains cas le sens du « risque encouru par une marchandise transportĂ©e par bateau ». Et son apparition dans les langues europĂ©ennes daterait du XVIĂšme siĂšcle, peu avant que des mathĂ©maticiens du XVIIĂšme siĂšcle n’en recherchent les propriĂ©tĂ©s comme Huygens ou Pascal. Le terme « risque » aujourd’hui peut tantĂŽt dĂ©signer la probabilitĂ© d’occurrence d’un dommage ou d’un Ă©vĂ©nement non souhaitĂ© et il est alors subi, tantĂŽt ĂȘtre usitĂ© pour dĂ©signer activement la prise d’un risque et il est alors affrontĂ©.

L’apparition relativement tardive du terme « risque » laisse bien entendre qu’il est le fruit de progrĂšs ayant conduit Ă  la maĂźtrise de certains cas de « fortune », d’ « alĂ©as » ou de « bonaventure », voire d’innovation capacitantes, c’est-Ă -dire qui permettent un nouveau paradigme [1]. Par exemple, la rĂ©futation scientifique par Redi de la gĂ©nĂ©ration spontanĂ©e Ă  la fin du XVIIĂšme siĂšcle a permis une transition du fatalisme vers la gestion du risque pour ce qui concerne l’apparition de vers dans la viande. D’autres exemples pourraient ĂȘtre citĂ©s, mais il est clair que le cadre scientifique et psychologique conditionne la capacitĂ© Ă  apprĂ©hender certains risques. De la fable de l’astronome qui se laisse tomber dans un puits [2] au Cygne noir de Taleb, on retient que l’exercice de la gestion des risques impose une certaine humilitĂ©.

La progression du concept de « risque » est ainsi le pendant de progrĂšs humains et techniques, qui ont parfois conduit Ă  l’occulter par excĂšs de confiance en ces progrĂšs. La prise de conscience des limites du progrĂšs, par des incidents et des crises, ont conduit Ă  une maturation lente et rĂ©guliĂšre des politiques et dispositifs de gestion des risques. Ainsi les dĂ©partements dĂ©diĂ©s aux risques des sociĂ©tĂ©s financiĂšres se disaient autrefois de « maĂźtrise des risques », voire de « contrĂŽle des risques », et sont devenus plus modestement de « gestion des risques ».

Et cette gestion des risques accompagne dorĂ©navant systĂ©matiquement le dĂ©cideur, quel qu’il soit, lequel recherche les dangers auxquels une dĂ©cision expose pour la mettre en balance des rĂ©sultats espĂ©rĂ©s de cette dĂ©cision. En cela, l’émergence des techniques et de l’enseignement moderne du management ont favorisĂ© l’expansion des techniques d’évaluation et de gestion du risque. Il est logique aprĂšs tout que la prise d’une dĂ©cision se fasse en tentant d’en apprĂ©hender les consĂ©quences et notamment celles qui ne sont pas souhaitables. Les crises financiĂšres et industrielles du siĂšcle dernier ont conduit Ă  la dĂ©finition progressive de normes en matiĂšre de gestion des risques dont les canons les plus rĂ©cents sont sanctuarisĂ©s par les travaux du COSO et son Enterprise Risk Management Framework [3] dont la diffusion a Ă©tĂ© favorisĂ©e par la loi Sarbanes-Oxley aux États-Unis, ou la loi de sĂ©curitĂ© financiĂšre et la loi Bachelot sur les risques industriels de 2003 en France.

Les alumni de l’ENSAE reçoivent justement une formation qui leur permet d’éclairer les risques par une culture d’ingĂ©nieur, des raisonnements Ă©conomiques, ainsi que des techniques quantitatives, aboutissant Ă  une capacitĂ© Ă  identifier des risques, les valoriser, les probabiliser, etc. D’autres techniques, issues par exemple de la psychologie permettent d’envisager sous d’autres angles les risques. Citons par exemple le « Facteur humain » qui dĂ©crit les mĂ©canismes par lesquels l’homme peut ĂȘtre Ă  l’origine d’incidents. Ces techniques, quantitatives ou non, et leur mise en oeuvre par des experts permettent notamment d’envisager une certaine gestion des risques.

Au fil des articles qui composeront ce dossier autour des risques, vous constaterez que nous avons choisi pour vous des intervenants d’horizons complĂ©mentaires, afin de tenter d’apprĂ©hender de façons croisĂ©es et pour des applications diverses cette notion de « risque ». Nous vous en souhaitons une bonne lecture et vous remercions par avance pour les apports que vous pourrez rĂ©aliser en contribuant Ă  ce dossier !


[1] L’informatique moderne est une technologie capacitante car elle permet de rĂ©aliser des calculs qui seraient inenvisageables sans elle.
[2] https://fr.wikisource.org/wiki/Fables_de_La_Fontaine_(%C3%A9d._Barbin)/1/L%E2%80%99Astrologue_qui_se_laisse_tomber_dans_un_puits
[3] https://www.coso.org/Pages/erm-integratedframework.aspx