Un contexte mondial marqué par un difficile équilibre entre demande, offre et enjeux environnementaux
La scène énergétique mondiale reste dominée par l’inégale répartition des ressources en énergies fossiles dont les réserves prouvées sont estimées :
- pour le pétrole à 170 Gtep[1], dont 86 % détenues par les pays de l’OPEP et de l’ex-URSS ; pour le gaz naturel à 180 Gtep, concentrées à 71,5 % au Moyen-Orient et dans l’ex-URSS ;
- pour le charbon à 475 Gtep, mieux réparties sur la planète, mais détenues à 8 % par six pays (USA, Fédération de Russie, Chine, Australie, Inde, Afrique du Sud).
Sans compter le potentiel à découvrir et la valorisation des énergies fossiles non conventionnelles, ces réserves, exploitables respectivement pendant les 40, 60 et 133 années à venir, sont suffisantes pour satisfaire les besoins en énergie primaire au-delà de 2030.
La demande mondiale en énergie primaire, estimée à 17 Gtep en 2030, en augmentation de 45 % par rapport à 2006, se compose à 81 % de sources fossiles (30 % pétrole, 29 % charbon, 22 % gaz naturel, 5 % nucléaire, 14 % énergies renouvelables).
Le monde ne manquera pas de ressources énergétiques, mais la préoccupation majeure sera de sécuriser son approvisionnement en énergie dans le respect de l’environnement, en raison :
- de la concentration des réserves dans un nombre limité de pays
- de la dissymétrie entre centres de production et de consommation
- du risque de retard dans les investissements en infrastructures de production
- de la forte volatilité des prix et de leur sensibilité aux déséquilibres des marchés à court terme
- de l’exacerbation des incertitudes financière, économique et géostratégique
- des émissions de gaz à effet de serre qui menacent l’équilibre écologique
Pour relever ces défis, il est devenu vital de :
- mettre en œuvre les technologies et les options disponibles pour développer toutes les ressources énergétiques et faire de l’exploitation de tout le potentiel d’efficacité énergétique une priorité majeure
- mobiliser, d’ici 2030, les 26 000 Mds$ nécessaires aux investissements en infrastructures énergétiques, dont 50 % dans l’électricité
- promouvoir une intégration plus profonde des marchés régionaux et internationaux et d’accélérer le transfert réel des technologies les mieux adaptées aux pays en développement
- préserver l’environnement par le déploiement des énergies et des technologies propres.
Le Royaume du Maroc : un exemple à suivre en matière de réconciliation des impératifs de développement et de préservation de l’environnement
Le secteur de l’énergie au Maroc est dominé par les énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz naturel) presque entièrement importées et qui couvrent plus de 65 % de la consommation d’énergie primaire du pays. Cette situation qui mettait le Maroc dans une position de fragilité et dépendance forte vis-à-vis de l’extérieur a amené les autorités du pays à lancer une stratégie énergétique ambitieuse visant à (i) limiter la dépendance énergétique du Royaume, (ii) sécuriser l’accès à l’énergie et (iii) répondre de manière durable aux besoins nationaux en matière d’approvisionnement énergétique. Ainsi cette stratégie a placé la sécurité d’approvisionnement, la disponibilité de l’énergie ainsi que la préservation de l’environnement en tête des priorités avec notamment des objectifs de développement de la part des énergies propres sans précédent dans le monde. De ce fait des objectifs ambitieux ont ainsi été fixés en vue de garantir la sécurité énergétique du pays et de diversifier les sources d’énergie nationales en portant à 42 % au minimum la part des énergies renouvelables (EnR) dans le mix énergétique à horizon 2020, objectif revu à la hausse, et devant porter leur part à 52 % au minimum à horizon 2030.
Des acteurs dédiés se sont vu confier, dès 2010, la mise en œuvre de cette stratégie énergétique dont Masen (Moroccan Agency for Sustainable Energy), acteur central chargé de l’atteinte de ces objectifs en tandem avec l’ONEE (Office National d’Eau et d’Electricité en charge du transport et de la distribution) et avec le concours des acteurs du secteur privé. Masen a ainsi mis en place un modèle intégré visant à instituer des écosystèmes viables et rentables pour atteindre les objectifs nationaux fixés. En plus de la production d’électricité, Masen cherche également à catalyser le développement d’un tissu économique compétitif, à encourager le développement d’une R&D appliquée et pré-opérationnelle au service de projets industriels tout en déployant une stratégie de développement local participant à l’équité territoriale et à la croissance durable des régions accueillant les projets. Le complexe Noor Ouarzazate est d’ailleurs doté d’une plateforme R&D dont l’objectif est de qualifier de nouvelles technologies solaires et de créer un réseau d’échanges entre les industriels et les institutionnels de la recherche. Cette plateforme accueille des projets de recherche et de démonstration et offre également des services aux industriels. De nombreuses actions sont également mises en œuvre avec le Cluster Solaire afin de soutenir le développement de la filière solaire et d’accompagner les industriels du secteur, notamment à travers la mise en œuvre de programmes de formation dédiés.
Dans le cadre de la vision déployée, de nombreux programmes de développement de projets EnR intégrés ont été lancés. Plusieurs projets EnR sont d’ores et déjà opérationnels à travers le Royaume ,portant la capacité totale installée à plus de 3 500 MW répartis comme suit :
- Projets solaires: 700 MW de projets solaires sont actuellement en exploitation dont la centrale Ain Beni Mathar (20 MW) et le complexe solaire Noor Ouarzazate (580 MW). La mise en exploitation du complexe Noor Ouarzazate a été concrétisée en 2018, faisant ainsi de Noor Ouarzazate le plus grand complexe solaire multi-technologies au monde. Les centrales solaires PV Noor Laâyoune I et Noor Boujdour I, d’une capacité totale cumulée de 100 MW, ont également été achevées et connectées avec succès au réseau électrique national.
- Projets éoliens: 1 207 MW de projets éoliens sont actuellement en exploitation dont les parcs éoliens d’Amougdoul (60 MW), Tanger I (140 MW), Koudia Al Baida (50 MW), Tarfaya (300 MW) et plus de 650 MW de projets privés.
- Projets hydrauliques: plus de 20 barrages répartis à travers le Royaume sont actuellement en exploitation, portant la capacité installée de source hydraulique à plus de 1 760 MW.
Dans la continuité des projets cités ci-dessus, d’autres projets EnR prévus à horizon 2020/2021 sont en cours de développement/construction :
Projets Solaires :
- Noor Tafilalet : projet PV d’une capacité totale de 120 MW réparti sur trois sites distincts, Noor Arfoud, Noor Zagoura et Noor Missour. Le projet Noor Tafilalet est en cours de construction et sa mise en service est prévue au premier trimestre 2019.
- Programme Noor PV II: 9 sites à haut potentiel ont été identifiés pour développer le programme Noor PV II, à savoir les sites de Boujdour II, Laâyoune II, Taroudant, Kelaa Sraghna, Sidi Bennour/Lkhtaba, Bejaad, Lhajeb, Guercif et Ain Beni Mathar. Ce Programme, dont la configuration des puissances par site est en cours de finalisation, sera développé en vue d’atteindre une puissance installée allant entre 800 MW et 1 000 MW à horizon 2020.
- Noor Midelt Phase I : la première phase du complexe Noor Midelt, pour laquelle l’évaluation des dossiers d’Appel d’Offres est en cours de finalisation, est composée de deux centrales hybrides CSP / PV avec stockage d’une capacité comprise entre 150 MW et 190 MW chacune pour la composante CSP. La mise en service du projet Noor Midelt Phase I est prévue pour 2021.
Projets éoliens :
- PEI 850 : le programme éolien PEI 850 est réparti sur 5 sites distincts : PEI 850 Midelt, PEI 850 Boujdour, PEI 850 Jbal Lahdid, PEI 850 Tiskrad et PEI 850 Tanger II. La mise en exploitation de l’ensemble des sites est prévue à horizon 2020.
- Repowering Koudia Al Baida : le repowering du parc éolien de Koudia Al Baida, prévu à horizon 2020, permettra de porter la capacité du parc éolien existant à 120 MW à horizon 2020.
- Projet Eolien de Taza : le Parc Eolien de Taza est un parc éolien développé en deux phases d’une capacité totale de 150 MW dont la mise en service est prévue à horizon 2020.
Concernant les projets EnR à développer à horizon 2030, la Programmation 2030 étant en cours de finalisation afin de maximiser les synergies entre les technologies EnR, d’autres projets éoliens, hydrauliques et solaires seront étudiés. Cette Programmation permettra notamment de capitaliser sur le potentiel EnR de l’ensemble des régions du Maroc et d’atteindre les objectifs nationaux fixés.
De nombreuses actions sont par ailleurs mises en œuvre par Masen dans la perspective de développer ses activités à l’international. Forte de l’expérience acquise à travers les projets développés localement, Masen a signé au cours des quatre dernières années de nombreux accords de partenariat avec des pays africains. Ainsi, plus de 10 accords d’entente ont été signés, renforçant les liens qui unissent le Maroc aux autres pays africains en matière d’énergie. De premières actions sont en cours de mise en œuvre en Zambie, au Nigéria et au Rwanda.
Masen est également engagée dans le cadre du projet SET Roadmap, feuille de route signée avec l’Allemagne, le Portugal, l’Espagne et la France pour l’échange d’électricité propre entre le Maroc et l’Europe.
Les nombreuses actions engagées en faveur des énergies renouvelables et de lutte contre le changement climatique font désormais du Royaume du Maroc un exemple reconnu à l’échelle régionale et internationale.
[1] Milliards de tonnes d’équivalent pétrole
- Stratégies énergétiques : cas du Royaume du Maroc - 22 mars 2019
Très intéressant article montrant notamment le développement du solaire et de l’éolien au Maroc. Je pense qu’il serait bon de dire comment se fait la distribution de ce type d’énergie. Est elle stockable? Non je crois.
L’article montre aussi la grande dépendance au charbon, énergie pulluante.
Quid du développement de sources d’énergie proche des utilisateurs (vilaages, petites villes ) ?
Oui, mais … la tasse de thé (à moitié pleine ..) présente une nuance au goût désagréable :
– de 2015 à 2020: les ENRs auront été les alliés objectifs du charbon pour déplacer le fuel et le gaz naturel. Où est le progrès?
Le projet de construction d’un terminal de GNL (gaz naturel liquéfié) à l’étude depuis plusieurs années n’a pas encore atteint le stade du FID, alors que la mondialisation du commerce mondial du GNL sécuriserait parfaitement l’approvisionnement du pays en complément de gaz algérien, et pourrait même s’y substituer complètement.
– en 2025, la part du charbon reviendra au niveau de 2015; peut-on parler de progrès pour le pays qui a accueilli la COP 22 en 2016 juste après la France? Le projet de GNL finira-t-il par être décidé et construit? Au rythme actuel, rien n’est moins sûr …
En 1992, à l’occasion du projet de construction du gazoduc Maghreb Europe, Gaz de France a proposé la construction d’un terminal GNL au sud du pays pour sécuriser l’approvisionnement en complément du gaz algérien prélevé sur le transit vers l’Espagne. Le charbon a gagné. Un quart de siècle est passé …. le projet GNL peine encore à sortir…. le charbon a eu la belle vie pendant tout ce temps, et ce n’est pas la fin de l’histoire..
Mais à tout âge dans la vie, il faut toujours garder espoir ….
L’effort réel pour les renouvelables est assombri par la décision à contre-courant en faveur du charbon américain. En Tunisie, on est resté « gaz ». C’est plus propre et ça stabilise la relation avec l’Algérie. La question de la dépendance au gaz algérien est un faux problème. La dépendance est autant pour le vendeur que l’acheteur. Et plus on est dépendant, moins les politiques peuvent se permettre de jouer aux zorros! et plus le commerce prospère. Tout le monde y gagne.