Comment devient-on président d’Ensae Alumni à 26 ans ?
Arthur Renaud, 27 ans, diplômé de l’Ensae en juin 2014, de Sciences Po deux ans plus tard, Président de l’Association Ensae Alumni depuis cette même date, et co-fondateur d’ETAONIS, start-up spécialisée en data science lancée en juillet 2015.
Je serais tentée d’inviter Corneille et de rappeler qu’« aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années », ce serait faire fi de la modestie naturelle et rafraîchissante d’Arthur !
Arthur Renaud est un point de convergence, un « entre deux », un pont comme il aime à se définir. Il s’ancre et se déploie, trait d’union entre des mondes différents dont il veut révéler les synergies fécondes. Mais à quelles fondations originelles puise-t-il sa créativité, son caractère, son énergie, finalement ses envies multiples ?
Un grand-père vietnamien, Lê Thành Y, professeur de français à Hanoï, qui choisit la France pour terre d’exil, au tout début des années 50, pays dans lequel il deviendra professeur de vietnamien ! Une grand-mère française, Edmée, institutrice, qui donnera son patronyme (Renaud de préférence à Lê Thành) à son fils unique, Jean-Paul, le père d’Arthur. Celui-ci ne sera pas enseignant comme ses parents mais chimiste, chercheur en biologie structurale ; le père d’Arthur, un chercheur, un intellectuel au sens noble du terme, curieux, concentré sur ses recherches.
L’autre racine fondatrice d’Arthur, sa mère Christiane, septième d’une fratrie de neuf, élevée à la campagne, elle deviendra horticultrice, passionnée de fleurs et de nature, puis artiste en se consacrant à la céramique à la naissance d’Arthur, l’aîné de ses quatre enfants.
Arthur est le fruit de tous ces entre-deux, enfant d’Hanoï et de Paris, autant qu’enfant d’Alsace cette région duelle, entre-deux s’il en est. Enfant d’une artiste sensorielle, maniant la terre et les tesselles de céramique et d’un intellectuel passionné des choses de l’esprit. Arthur, pont reliant toutes ces rives, sera élevé et vivra toute son enfance près de Strasbourg, parlant le français, l’allemand mais aussi, cette langue entre-deux, l’alsacien. Il ajoutera à cette enfance mosaïque des années de piano qui mèneront le timide adolescent sur les planches pour se produire en public, mais aussi, à 16 ans, une participation réussie au concours des plaidoiries du mémorial de Caen, et, pour équilibrer l’ensemble, du basket entraîné par un coach qui le fait grandir, mon premier mentor, se souvient-il.
Son baccalauréat obtenu, c’est naturellement une prépa BL que choisit Arthur Renaud, formation trait d’union entre les sciences dures et la littérature, l’économie, les sciences humaines. Arthur y comprendra que l’enseignement et la recherche ne sont pas pour lui, rien ne l’y attire ; il ne s’inscrira pas dans la lignée paternelle et renoncera sans regret à présenter Normale Sup. Il se réjouit en revanche d’intégrer l’Ensae, lieu de convergence entre sciences exactes et sciences humaines et sociales. Dans cette singulière école d’ingénieurs, il assouvit la curiosité intellectuelle qui le constitue tout en lui ouvrant les portes de l’action, de l’efficacité entrepreneuriale. Ce ne sont pas les mathématiques fondamentales qui recueillent sa plus grande attention mais les cours d’informatique, le code, Python et autres langages, sous la houlette de Xavier Dupré et Matthieu Durut, deux Anciens qui ont enseigné à de nombreuses générations d’Alumni les subtilités informatiques et algorithmiques.
Durant ces années passées à Malakoff, Arthur voit se dessiner ce qu’il est profondément. Il comprend que, tel le Pont des Chaînes reliant Pest et Buda engendra Budapest, se dessinent progressivement les convergences fertiles de tous les lieux et envies qu’il relie depuis toujours. Ainsi l’Ensae lui donne-t-elle les clefs de la mathématique d’excellence à mettre au service d’applications concrètes ; Arthur comprend qu’il a besoin de faire, d’agir, de voir le résultat concret de ce qu’il entreprend. Très peu pour lui la recherche fondamentale qui passionne son père.
Dès son entrée à l’école, pour satisfaire son envie d’agir, il participe activement à la junior entreprise. Il se confronte aux clients, à leurs problèmes, il tisse une relation de partenariat avec eux, il leur vend des réponses, il imagine avec ses camarades des solutions qu’ils développent. Sans en avoir conscience, il monte les premières gammes du jeune entrepreneur qu’il deviendra quelques années plus tard. Il fait converger son plaisir intellectuel, les compétences qu’il acquiert pendant les cours de l’Ensae et son envie de faire, de réussir. Il s’initie ainsi à l’exigeante efficacité du business. En trois ans, cerise sur le gâteau, Arthur y gagnera 30 000 euros, de quoi se financer pendant ses années d’école et sa première année d’entrepreneuriat !
A l’Ensae, le désir d’Arthur d’agir concrètement le mène naturellement dans l’équipe du BDE dont il sera le trésorier. Un matin, une réunion entre les représentants de l’Association des Alumni et le BDE nous permet de nous rencontrer : il est le trésorier argumentant la demande de subvention du BDE auprès de l’Association que je préside à l’époque. Deux heures de discussion et de découverte mutuelle : Arthur est enthousiaste, moi aussi, il veut s’engager et rejoindre le conseil de l’Association pour devenir le trait d’union entre les étudiants et les Anciens. Révolution, jusqu’alors les Anciens sont les Anciens, et par définition l’étudiant n’est pas … Ancien ! Arthur fait bouger les lignes, le conseil des Anciens interpellé par ce jeune volontaire désireux de participer se transforme en Association et Conseil des Alumni incluant, dès lors, tou-te-s les étudiant-e-s de l’école dès le premier jour de leur première année, mastères spécialisés inclus. Merci Arthur !
Rentré en juin 2012 au Conseil de l’Association, il en sera élu président 4 ans plus tard, à 26 ans.
Mais avant cela, en deuxième année d’école, il sera le premier des rares étudiants qui répondront présents à l’opération de mentoring lancée par l’Association des Alumni en 2012. Pour Arthur, l’inspiration puisée dans les parcours des aînés est une évidence. Lui, le fils d’une horticultrice et d’un chercheur, trace son chemin, fait depuis toujours de rencontres qui sont autant d’appels à explorer pour mieux s’inventer.
La deuxième année d’école s’achève, Arthur s’apprête à partir en césure avant de revenir faire sa troisième année à l’Ensae couplée à une année à Sciences Po pour présenter l’ENA. Voie évidente dans sa tête, logique, le parcours classique. Mais la césure bouleversera ses plans en élargissant son champ des possibles comme seules les expériences et les rencontres peuvent le faire. Six mois passés à l’Ambassade de France à Washington, changement de culture, de mode de vie, des rencontres, des parcours variés, Arthur trouve dans cette expérience une respiration propice à s’interroger sur le chemin tout écrit auquel il se destinait.
Revenu en France, Philippe Février l’accueille chez MAPP pour les six derniers mois de sa césure, il y découvre la data science appliquée à l’économie de la concurrence : la donnée et l’exigence intellectuelle qu’elle nécessite, le conseil et le partage, le business et les challenges que cela signifie. Exit l’ENA, ce sera la data science dans un projet entrepreneurial personnel !
Un tour de chauffe au sein d’une petite start-up lancée par un Alumni lui permet d’apprendre les écueils de l’entrepreneuriat et les qualités nécessaires, les fameuses soft skills, pour se lancer.
Un an plus tard, doublement diplômé, Arthur lance avec Charles de Ravel d’Esclapon, Alumni 2008, rencontré chez MAPP, leur start-up ETAONIS. Tout est là, l’intérêt intellectuel du travail sur la donnée, la réalité concrète des applications qu’ils réalisent pour leurs clients, la finalité stratégique et marketing des sujets sur lesquels ETAONIS intervient. Mais aussi et surtout, Arthur conjugue chaque jour le plaisir de l’action, du faire, de l’organisation associé à ce qui lui est indispensable, le partage, le réseau, l’équipe. Celle d’ETAONIS comprend aux côtés des deux associés un mentor qui, comme les différents aînés dont Arthur a su s’inspirer pour imaginer son devenir, soutient la jeune start-up par la richesse de son expérience et la bienveillance de son regard, et sept collaborateurs data scientist, passionnés et talentueux qui, tous partagent la même envie de réussir. Il ne manque plus que quelques data scientistEs et/ou associéEs pour que l’équipe soit idéale (NDLR).
Lancer une start-up et la mener à terme sur le chemin du succès sont les ambitions et les envies d’Arthur, celles qui l’animent chaque jour, sans relâche.
Mais quelles sont donc ses soft skills ? L’enthousiasme, la curiosité et le partage.
Cette envie de partager, avec l’équipe d’ETAONIS mais aussi avec les étudiants qu’il rencontre, avec ses partenaires et ses clients, avec les aînés qui l’inspirent, est à la source de son engagement à la présidence d’Ensae Alumni. Arthur croit en la force du réseau. Fier de sa formation dont il peut mesurer l’efficacité dans sa pratique quotidienne, Arthur Renaud se consacre au réseau des Alumni pour faire rayonner l’excellence de cette formation et, sans relâche, agir pour créer des ponts entre tous, des contacts, autant d’occasions de se connaître, de se rencontrer et d’interagir pour se déployer toujours plus haut et plus loin.
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