Le 11 avril dernier, le bus du Borussia Dortmund a été la cible de plusieurs explosions quelques heures avant le quart de finale aller de Ligue des Champions contre Monaco. Un policier et un joueur, Marc Bartra, ont été blessés mais le bilan aurait pu être beaucoup plus lourd. Après avoir évoqué diverses hypothèses, l’enquête a montré que l’auteur de cette attaque était un Germano-Russe, Sergej W., qui avait acheté 15 000 options de vente (des « puts ») sur les actions du club, financées par un prêt à la consommation. Son objectif, en attaquant le bus de l’équipe de Dortmund, était de faire chuter l’action afin de réaliser un profit financier. Selon les enquêteurs, le but de l’auteur était de blesser, voire de tuer des joueurs du Borussia. Son projet a échoué puisque l’action du club a en effet affiché un repli très limité à l’ouverture des échanges au lendemain de l’attaque (-0,4%) et a même terminé la séance en hausse (+1,7%). L’action s’est certes inscrite à la baisse les jours suivants (-4% environ) mais pas dans les proportions qui lui auraient permis d’exercer ses options de vente.

Le calcul de l’auteur de l’attaque était macabre mais tout à fait rationnel

En effet, la valeur des clubs de football professionnels, qui ne gagnent que rarement de l’argent, dépend principalement de la valeur de leurs actifs. Ces derniers comportent toujours les contrats de joueurs et parfois un stade. Même si les clubs souscrivent des polices d’assurance très complètes, il est évident que l’action du club aurait fortement chuté si des joueurs avaient perdu la vie, puisque la valeur du club aurait été directement affectée.

Sergej W. a rappelé au grand public que quelques clubs de football européens sont cotés en Bourse

Le Borussia Dortmund fait partie de l’indice Stoxx Europe Football qui ne comprend que 22 clubs (dont 5 clubs danois, 4 clubs turcs et aucun représentant de Premier League ou de Liga). L’introduction en Bourse des clubs de football a connu son apogée dans les années 1990, notamment en Angleterre, avant que n’arrivent les propriétaires richissimes prêts à dépenser à fonds perdus pour obtenir un succès sportif rapide. Historiquement, l’introduction en Bourse des clubs de football s’est faite pour deux motifs : le premier est de recruter des joueurs sur le marché des transferts, le second est de construire un stade. Dans le premier cas, on a quasiment toujours assisté à un effondrement de l’action : parier sur le succès sportif est, par définition, très risqué (à cause de la « glorieuse incertitude du sport ») et la valeur d’un contrat de joueur est forcément très incertaine et volatile (le joueur peut se blesser ou peut connaître des baisses de forme). L’expérience boursière a parfois réussi lorsque l’introduction en Bourse a permis de financer en partie la construction d’un stade.

L’Olympique Lyonnais est le seul club français à être coté en Bourse

L’introduction en Bourse de l’OL Groupe en 2007 avait pour motif la construction d’un grand stade. Très vite, les investisseurs ont perçu que cette construction allait être perturbée et retardée par des recours administratifs et l’action s’est effondrée, passant de 10,7 euros en mi-2007 à plus d’un euro à peine en 2013. Cette période est allée de pair avec des pertes financières importantes. La construction du Parc OL en octobre 2012 a donné le coup d’envoi du redressement de l’action. Depuis cette période, l’action est sur une tendance haussière nette (+147% depuis la mi-2013, à un peu plus de 2,60 euros par action), même si cette évolution est un peu heurtée. L’exemple de l’OL Groupe montre bien que la réussite en Bourse des clubs de football sur le long terme est favorisée lorsque l’opération est utilisée pour financer la construction d’un stade. Les recettes de billetterie de l’OL Groupe ont très fortement augmenté avec le nouveau stade et le groupe a pu diversifier ses activités en y organisant des événements tels que des concerts (Rihanna, Coldplay) ou d’autres événements sportifs (hockey sur glace).

Alors que les clubs français sont structurellement dans l’obligation de vendre leurs meilleurs joueurs à l’étranger afin d’assurer l’équilibre budgétaire, que la quasi-totalité d’entre eux ne sont pas propriétaires de leurs stades et que les marchés d’actions européens sont orientés à la hausse, l’introduction en Bourse pourrait s’avérer intéressante pour les clubs ne disposant pas d’un mécène multimilliardaire et souhaitant prendre une nouvelle dimension.

Bastien Drut