Je coordonne et j’anime environ 60 heures de cours et travaux pratiques à l’ENSAE chaque année depuis trois ans et la création de la voie datascience. Si vous allez sur mon site, vous découvrirez que la plupart de ces heures s’appuient sur des exercices écrits sous formes de notebooks et qu’une bonne partie fonctionne par paire, un énoncé, une correction, d’autres contiennent la correction des examens, d’autres répondent à des questions d’étudiants, d’autres…
Le notebook est apparu il y a une dizaine d’années et est récemment devenu populaire sous le nom Jupyter. Un notebook Jupyter est un endroit où on écrit du texte, des formules, du code et où on garde la trace des graphiques et des sorties que ces petits bouts de code ont produits. C’est même un lieu où l’on peut insérer une carte interactive pour zoomer ou dé-zoomer à volonté. C’est un outil qui a rapidement trouvé son public. Rares sont les professeurs de mathématiques ou d’informatique qui n’ont pas de notebooks d’autant plus que les étudiants peuvent les télécharger, les exécuter, que tout le monde peut aisément les convertir en PDF, html ou présentations.
Essayez, allez sur un moteur de recherche, écrivez le nom d’un professeur, d’une université suivi de notebook et GitHub… (berkely notebook github). C’est un sacré chemin parcouru depuis les polycopiés qui sentaient l’alcool ! Ils furent les premières reproductions de support pédagogique qu’il m’a été donné de découvrir. Cela vous donne d’ailleurs une idée de mon âge. J’ai découvert l’école, j’ai vécu la transition du polycopié vers la photocopie. Un pas fou !
Et depuis je mets en ligne tout ce que je produis pour mes cours, plus d’une centaine de notebooks. Tout est accessible depuis GitHub, le lieu des projets open source, tout est compilé en plusieurs sites web.
Lorsque je crée un notebook, je ne l’ajoute pas simplement à la liste déjà existante, s’il est long, je lui ajoute un menu pour aider à la navigation. Je dois m’assurer que ce notebook fonctionne depuis plusieurs environnements Windows, Linux, je dois aussi m’assurer que je n’aurai pas trop de travail l’année prochaine pour le faire fonctionner à nouveau, et qu’il ne sera pas trop perturbé par un changement de version des librairies qu’il utilise. Je dois aussi le convertir au format html ou PDF ou présentation. Alors, quand je crée un notebook ou que je reçois celui d’un contributeur, je lui ajoute un menu, je remplace les chemins absolus vers des fichiers locaux en fichiers téléchargeables, je remplace les mots de passe s’il est besoin, je lui enlève les numéros d’exécution afin de pouvoir facilement tracer les modifications sur GitHub (diff), je l’inclus dans la suite des tests unitaires que je fais tourner une fois par semaine sur une machine virtuelle louée chez Azure – un reliquat du partenariat ENSAE – Microsoft qui a cessé cette année. Enfin, je mets à jour le site. Et voilà, après tout cela, le notebook est disponible en ligne et prêt à l’emploi.
Régulièrement, je m’assure que les tests unitaires passent et je corrige les erreurs en prévision de l’année prochaine. C’est comme cela que je peux vous convier sans trop d’inquiétude à aller télécharger un notebook et à l’utiliser. C’est comme cela que je peux aller en cours sans avoir pris le temps de regarder si un notebook fonctionne encore. Mais je triche un peu avec cette peinture idyllique. Je sais que certaines parties ne sont pas encore testées car je n’ai pas encore écrit le code qui le ferait (Spark), que d’autres ne le sont plus car elles nécessitent un cluster que je n’ai plus pour cause de partenariat interrompu. L’important est que je sache ce qui ne marche plus pour la plupart de ce que j’ai produit.
J’ai échafaudé toute cette machinerie en trois ans, écrit quelques 15.000 lignes de codes pour automatiser le test des notebooks et les incorporer au sein d’une documentation que je compile sous la forme d’un site web. Et je coupe et je redécoupe pour l’ineffable expansion de ce cours qui monopolise une machine pendant plus de deux heures avant sa mise en ligne et cinq heures pour tout tester. Alors je découpe et crée une myriade de petits points d’entrée. Mon livre sur le langage python, écrit il y a huit ans, que je transforme sous forme de site, ma thèse que je transforme négligemment au même format, les deux à trois mille lignes de codes écrites pour siphonner ma boîte mail et récupérer tous les projets qu’on m’envoie et que je dois évaluer – pas tout seul, je vous rassure-. J’ai reçu depuis le 15 décembre près de 1Go compressé de mails et pièces jointes, PDF ou notebooks car les étudiants m’envoient eux aussi des notebooks en guise de rendus. Trois ans, plus de 150 notebooks, 7000 commits sur GitHub, près de 200 étudiants, certains que je revois plusieurs fois, 15 lettres de recommandation par an, deux hackathons et deux sponsors Microsoft et EY et deux associations La Croix-Rouge et Crésus et deux nuits blanches passées avec soixante-dix étudiants passionnés et passionnants, une soutenance de projets d’étudiants dans les locaux de la Croix-Rouge, d’autres à venir cette année j’espère, des étudiants qui se sont amusés sur des projets proposés par l’association DataForGood, il y avait quasiment un étudiant dans chacun des dix projets lors de la dernière session. DataForGood a contribué à la création des sujets pour le premier hackathon et le bouche à oreille a fait le reste. Sans oublier les à-côtés, participation au premier jury des Entrepreneurs d’intérêt général ou des coding goûters, au Touquet.
Et vous savez quoi, j’ai encore faim !
J’ai envie, j’ai envie de louer un théâtre et de faire parler les données façon Shakespeare, de rénover les Chiffres et les Lettres en remplaçant la partie chiffres par un puzzle algorithmique, et d’autres choses un peu moins farfelues dont vous entendrez peut-être parler bientôt.
Bonne année !
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