Les compétitions sportives, qu’elles soient aussi emblématiques que les Jeux Olympiques, la coupe du monde de football, ou plus confidentielles, comme les tournois de curling ou de pétanque, ont besoin des médias et plus généralement de la télévision pour assurer leur notoriété ou leur rayonnement. D’ailleurs, l’Histoire retient que c’est au cours de JO de Berlin en 1936 qu’ont eu lieu les premières retransmissions télévisées de compétitions sportives ; du rayonnement à la propagande, la frontière est tenue, et, sur un tout autre plan, la frontière est également mince entre réussite sportive et dopage d’Etat.

Les médias ont toujours consacré au sport une place privilégiée ; la presse sportive spécialisée,  comme par exemple L’Equipe ou ses précurseurs, les rubriques « sport » des quotidiens nationaux ou régionaux, les retransmissions radio – qui, d’un certain âge, ne se souvient pas d’avoir rêvé en fabriquant ses propres images à l’écoute, par exemple, des Real Madrid – Stade de Reims des années 50 en Coupe d’Europe ? Jusqu’à l’émergence de la télévision, dans ces mêmes années : premiers matches de football, images du Tour de France, du Tournoi des 5 nations en rugby, en noir et blanc …

Aujourd’hui, à l’heure du divertissement et du sport spectacle, la pratique sportive à la télévision, c’est d’abord une offre importante sur les chaînes nationales et sur les chaines thématiques : pas moins de 15 chaines se disputent le droit, à coup de centaines de millions d’euros, de diffuser des compétitions sportives premium. Les chaines historiques gratuites ont su (ou tenté de) garder la retransmission des compétitions nationales et internationales les plus emblématiques.

Ainsi, selon les retransmissions sportives, le salon et le canapé se transforment en stade, en piscine, en patinoire, en circuit de F1, avec des capacités d’accueil sans commune mesure avec la taille réelle de ces édifices. Un exemple tout récent avec la finale de l’Euro 2016 de football (France-Portugal) qui s’est déroulée au Stade de France. La capacité du stade de Saint Denis est de 80 000 spectateurs, la capacité de nos salons a permis de rassembler près de 21 millions de téléspectateurs devant le match, soit un rapport de 1 à 262. Ainsi, avec ce score, la finale de l’Euro 2016 est entrée dans le Top 20 des meilleures performances des programmes à la télévision.

Les retransmissions télévisées des événements sportifs se singularisent sur bien des critères de comportement. Commentons-en quelques-uns, sur la base de l’année écoulée.

En premier, l’universalité.

L’année 2016 a été riche en termes de retransmissions sportives, qu’elles soient régulières comme le Tournoi des Six Nations, les Internationaux de tennis de Roland Garros, le Tour de France, ou moins fréquentes, telles l’Euro de football, les Jeux Olympiques d’été à Rio de Janeiro. Ces cinq compétitions sportives ont touché près de 93% de la population âgée de 4 ans ou plus, résidant en France métropolitaine, et équipée d’au moins un téléviseur, ce qui représente 54 millions d’individus. Seuls 7 % de cette population ont pu ou su passer au travers de ce maillage sportif.

Deuxième critère, la puissance, c’est-à-dire le nombre de téléspectateurs.

Au regard du Top 20 des audiences TV de 2016, 18 concernent des retransmissions de matches de football, où à chaque fois l’équipe de France est partie prenante. Cette puissance est traduite par un indicateur appelé « taux moyen d’audience », exprimé en milliers de téléspectateurs, et égal à la moyenne du nombre de téléspectateurs calculée à chaque instant de l’émission. Par exemple, le vingtième programme du Top 20 est crédité de 16,9 millions de téléspectateurs, et le premier est une demi-finale de coupe du monde de football avec 22 millions de téléspectateurs en moyenne-seconde. Par comparaison, lors d’une année que nous qualifierions de « normale », c’est-à-dire sans compétition mondiale de premier plan, le meilleur programme réalise de 10 à 12 millions de téléspectateurs.

Critère n°3 : l’appétence.

Les retransmissions sportives sur les chaines de la TNT – chaînes gratuites à couverture nationale – comptent pour 0.8% de leur offre de programmes alors qu’elles représentent 3.2 % de la consommation totale.  Sur cette base, on observe le deuxième meilleur ratio « proportion dans la vision / proportion dans l’offre » pour la retransmission d’événements sportifs. En 2016, la valeur précise de ce ratio a été de 3,8 ; pour comparaison, elle est de 4,5 pour les Journaux Télévisés, et elle est exactement de 1 – c’est-à-dire, en proportion, autant vues que programmées – pour les fictions (séries, feuilletons, téléfilms) pourtant le premier genre de programmes, en quantité, proposé et regardé à la Télévision.

Autre caractéristique intéressante : l’attractivité.

Cette attractivité est restituée par l’indicateur appelé la part d’audience, égal à la durée de vision du genre sportif divisée par la durée de la vision de la télévision en général, au cours du même moment. Pour les événements sportifs de premier plan, la part d’audience prend des valeurs que des non-spécialistes pourraient considérer comme atypiques pour une série statistique. Pour illustrer : le 10 juillet 2016, M6 a diffusé la finale de l’Euro de football. Alors que, pour l’ensemble de l’année, et sur le même créneau horaire, M6 est créditée d’une part d’audience moyenne de 13.9 %, la part d’audience de la finale France-Portugal a atteint la performance de 71.8%. Cependant, nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que pour le calcul des moyennes des performances du media TV, c’est la moyenne arithmétique qui est utilisée et non une moyenne de Windsor ou tronquée : les observations extrêmes sont une réalité, atypiques et non aberrantes, et tous les points comptent.

Une retransmission sportive est aussi, et surtout, une émotion. L’émotion au sens strict n’est pas mesurée ; par contre, ce que nous mesurons, c’est la vision en direct. Le taux de vision en direct d’un événement sportif est de 98,5 % ; les deux caractéristiques majeures du sport sont l’incertitude du résultat et l’émotion que procure cet incertain. Elles sont inhérentes au sport, et contribuent à son attractivité et sa durée de vision. Ce ressenti est bien sûr très différent lorsqu’on regarde un événement en différé, c’est-à-dire en connaissant a priori le résultat.

Et parce que les clichés ont la vie dure, et correspondent peut-être à une réalité, le sportif en canapé a un profil attendu. C’est une histoire d’hommes, car plus de 63% des téléspectateurs sont de sexe masculin, et même des hommes « mûrs » : plus d’un tiers du public, 37,3 % précisément, est constitué d’hommes de 50 ans ou plus. Les démographes nous diront si c’est un moyen, ou non, de gagner des dixièmes de points d’espérance de vie.

Enfin, en plus d’être performant sur le téléviseur, la diffusion du sport l’est aussi sur les écrans internet, comme le smartphone, la tablette ou l’écran d’ordinateur. En prenant toujours la finale de l’Euro 2016, aux 21 millions de téléspectateurs sur postes de télévision déjà mentionnés, il faut ajouter 204 000 téléspectateurs supplémentaires, soit 1 %. Cela représente 265 « Stade de France » pleins, au total, dont 2,5 sur les trois nouveaux écrans.

La télévision et le sport sont donc dans une relation gagnant-gagnant. La première a besoin du second dans ses grilles de programmes car les performances d’audience sont au rendez-vous et servent de « faire valoir », au sens noble de l’expression, notamment pour les enjeux liés aux recettes publicitaires. Et, inversement, le second s’appuie sur la première car elle est à la fois son bailleur de fonds et l’assurance, même encore aujourd’hui, d’une visibilité maximale et potentiellement universelle, car la connexion internet n’a pas encore, pour l’instant, une couverture aussi puissante. Et au-delà de cette relation commerciale, le sport et la télévision sont liés dans une histoire d’émotion, à vivre éventuellement à plusieurs.

 

Jean-Pierre Panzani
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