Le 1er avril 2020, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau annonce que « chaque mois de confinement coûte environ 3 % du PIB annuel », quantifiant ainsi l’impact du Covid-19 sur l’économie française. Toutefois, face à une crise économique et sanitaire sans précédent, l’incertitude est « considérable » (G. Gopinath, économiste en chef du FMI) et réaliser des prévisions est chose ardue. En effet, la reprise de l’activité économique est fortement liée à l’évolution de la crise sanitaire. Avoir des indicateurs en temps réel, fondés sur le Big Data et l’intelligence artificielle permet de saisir l’importance du choc sur l’économie mondiale. La start-up Quantcube Technology propose de nombreux indicateurs mettant en évidence le ralentissement économique sans précédent en France et dans le monde.
Le 17 mars 2020, le Président français Emmanuel Macron a annoncé la mise en place de mesures de confinement et de distanciation sociale drastiques. Les impacts sur la production et la consommation française ont été directs.
Les salariés ne pouvant se rendre sur leur lieu de travail, la production a très fortement diminué. Tout d’abord, l’indicateur de congestion Quantcube permet de suivre le trafic routier dans de nombreuses villes. En temps normal, deux pics de congestion sont observables et correspondent aux migrations pendulaires lieu de résidence – lieu de travail. Ainsi, l’indice de congestion est de 82,56 pour un lundi classique. Depuis l’annonce du confinement, celui s’est effondré. Par exemple, le lundi 13 avril, celui-ci était de 5,92 soit une baisse de 89 %. Ensuite, la chute de l’activité peut également se lire grâce aux niveaux de pollution. Tropomi, un instrument de spectrométrie du satellite Sentinel 5P permet de suivre le niveau de dioxyde de nitrogène, dioxyde de soufre, méthane, monoxydes de carbones et aérosols. Ces gaz sont émis dans le cadre de la production manufacturière et du chauffage. Suivre leurs émissions permet d’évaluer l’intensité de la production. Depuis la fin du mois de janvier 2020, l’activité industrielle a diminué en moyenne de plus de 25 % en France et de plus de 50 % en Île-de-France. Le tableau 1 permet de comparer la pollution atmosphérique au NO2 (dioxyde d’azote) entre la période du 17 mars 2019 au 30 mars 2019 et celle du 01 avril 2020 au 15 avril 2020 : les émissions ont drastiquement diminué notamment en Île-de-France. Cela s’explique par le ralentissement économique, la diminution du trafic routier, aéroportuaire et maritime mais également par la fermeture de nombreuses usines.
Conséquence de ces mesures, de nombreux magasins ont fermé et la structure de la consommation a été modifiée. Quantcube Technology a construit des indices quotidiens qui permettent notamment de suivre la consommation de certains produits spécifiques. Suite au premier discours d’Emmanuel Macron sur la pandémie de Covid19 le 12 mars 2020, la consommation de produits de première nécessité a fortement augmenté : l’indice est passé de 32 le 12 mars 2020 à 81 le 16 mars 2020. En effet, les rumeurs d’un confinement et les premières mesures mises en place par le gouvernement italien ont amené les ménages à faire des stocks de ces biens. Deux semaines après le début du confinement, la précipitation vers ces produits s’est estompée et l’indice de consommation de biens de première nécessité est revenu à des valeurs comparables à l’année dernière. A contrario, la consommation de biens et services de loisir (figure 1) a très fortement diminué depuis l’explosion du nombre de cas en Italie. Les ménages ont décidé de reporter les voyages déjà prévus ou de les annuler, l’épidémie frappant désormais l’Europe. Par conséquent, l’indice de consommation de loisirs est passé de 46 le 23 février à 30 le 12 mars 2020, jour du premier discours d’Emmanuel Macron. Cette diminution qui s’est accentuée avec les premières mesures de distanciation sociale mises en place en France (fermetures des restaurants, bars et cinémas dès le 15 mars 2020). L’indice a alors chuté pour atteindre 12 le 1er avril.
Non seulement la pandémie a impacté la consommation et production internes françaises, mais elle a également causé la rupture des chaînes de valeur.
Face à la menace sanitaire, les partenaires commerciaux principaux de la France ont adopté des restrictions de déplacement ou des mesures de distanciation sociale. Les répercussions économiques ne se cantonnent pas à la diminution de la production interne ; le commerce international est frappé de plein fouet par le coronavirus. Or la France est un acteur majeur du commerce international (7ème importateur mondial en 2017). La rupture des chaînes de valeur peut s’observer grâce à deux indicateurs. D’une part, avec les restrictions de voyage, le trafic aérien en France a diminué de plus de 80 % (figure 2) et une grande partie des avions restent cloués au sol. Par exemple, Orly, second hub français, est fermé jusqu’à nouvel ordre depuis le 1er avril alors que le trafic habituel est de 600 vols quotidiens. Or, une part conséquente du fret aérien s’effectue via les vols long et moyen-courrier.
D’autre part, la chute du trafic maritime vers les ports français (Le Havre, Fos-Marseille), amorcée par les grèves contre la réforme des retraites, s’est accentuée. Le 17 mars 2020, jour de l’annonce du confinement en France, celle-ci était de – 25 % comparée à l’année précédente. Un mois plus tard, la diminution de l’activité dans les ports français est de – 41 % (figure 3).
Le ralentissement provoqué par la crise sanitaire est sans précédent et ouvre une période d’instabilité économique. Les effets du coronavirus sont directs avec une baisse de la consommation et de la production mais les impacts peuvent être durables car les investissements des entreprises peuvent être différés.
Dans un premier temps, les mauvaises perspectives économiques ont un impact indirect sur le marché du travail. Si le gouvernement a rapidement mis en place des mesures afin de limiter les licenciements économiques comme la généralisation du chômage partiel ou le report de paiements des cotisations sociales, la dynamique du marché du travail s’est arrêtée. Face à l’incertitude de l’évolution de la situation sanitaire (nombre de cas, durée), les entreprises éprouvent des difficultés à faire des prévisions d’activité. Par conséquent, elles décident de ne pas employer. L’indicateur Job Openings de Quantcube Technology permet de suivre en temps réel le nombre d’ouvertures de postes et la dynamique de différents secteurs d’activité. Suite au premier discours d’Emmanuel Macron le 12 mars 2020 et au ralentissement économique, l’indice Job Openings a fortement diminué. Comparé à l’année dernière, le nombre d’offres d’emploi a diminué de 32 % (figure 4).
Dans un second temps, le ralentissement économique et les tensions géopolitiques ont causé un ralentissement de l’inflation. L’indicateur de l’inflation Quantcube permet de suivre en temps réel l’évolution des prix en France. Depuis le 01 mars 2020, il a très fortement diminué, passant d’une variation annuelle de 1,45 % à 0,24 % le 15 avril 2020. Cela est principalement dû à la chute des prix du pétrole. D’une part, le ralentissement économique mondial suite au confinement progressif de la planète (province chinoise du Hubei le 24 janvier 2020, Union Européenne à partir du début du mois de mars 2020) a entraîné une diminution de la consommation de pétrole. D’autre part, l’absence d’accord entre les pays de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole et la Russie sur la réduction de la production, a également pesé. Les prix du pétrole, dont l’influence est majeure sur l’évolution globale des prix, ont donc très fortement diminué. Or, en période de désinflation voire de déflation, les ménages peuvent reporter leurs achats, anticipant des prix plus faibles. De plus, les taux d’intérêts réels sont plus élevés, augmentant de ce fait l’endettement. Les projets d’investissements peuvent être reportés ou annulés.
En conclusion, la brutalité de la crise économique causée par la pandémie de Covid19 et l’incertitude occasionnée par son caractère inédit démontrent l’importance d’indicateurs en temps réel, notamment pour la puissance publique ou les entreprises. Ces indices mettent en évidence le ralentissement sans précédent de l’activité économique en temps de paix, qu’il s’agisse de la chute de la production ou de la rupture des chaînes de valeur par l’effondrement du trafic aérien comme maritime. Ils pourront également permettre de surveiller la reprise de l’activité économique ; l’indice de congestion peut être utile pour estimer un point d’inflexion de la crise.
Mots-clés: Nowcast – Big Data – Intelligence Economique – Données Alternatives – IA
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