Assurer une œuvre d’art… voilà un exercice compliqué. Non pas que l’assurance soit complexe car il s’agit d’assurance « dommage » : protéger l’œuvre contre tout risque qui reviendrait à altérer son intégrité physique. Les clients qui ont recours à ce service sont aussi bien des institutionnels (musées, collectivités locales…), des professionnels (galeristes, maisons de vente aux enchères…) que des particuliers. Dans les équipes de l’assureur, les “souscripteurs” (souvent avec un bagage juridique et/ou assurance, complété parfois par une formation en histoire de l’art) sont en charge de calculer une prime qui va dépendre principalement des capitaux à assurer, de la nature des objets (fragile / non fragile…) et du contenu de la collection (le risque n’est pas le même pour dix tableaux à 1M€ ou un tableau à 10M€).

Rajoutons aussi quelques autres principes : le cumul des risques dans un même lieu (maisons de stockage, ports francs…), l’historique des éventuels sinistres, la connaissance du bénéficiaire de l’indemnité, le rajout des taxes, des primes obligatoires pour les catastrophes naturelles et terrorisme, et d’éventuelles extensions transport…. Et tout cela bien sûr, sous réserve que notre assuré se soit doté des bons moyens de protection, et agisse en “bon père de famille”. Nous voici parés pour émettre un contrat qui protège en tous risques le patrimoine artistique de nos clients !

Mais n’est-ce pas plus que cela l’assurance des œuvres d’art ? Quand on parle d’un actif passion par excellence, la collection d’art échappe sous certains aspects à toute logique mathématique ou actuarielle. Nous estimons que seuls 15 à 20 % des œuvres d’art sont assurées ! Les raisons ? Principalement quatre idées reçues :

  • “en assurant ma collection, je vais me faire connaître auprès de l’administration fiscale” : faux ! L’obligation pour les assureurs opérant en France d’alimenter un fichier nominatif recensant les assurés protégeant plus de 15 000 € de valeur totale a été supprimée en 2004.
  •  “assurer ma collection coûte cher”: faux ! La prime pour une collection d’art se calcule en « pour millième » et non en pourcentage des capitaux à assurer, en raison de la nature du risque (risque d’intensité plutôt que de fréquence).
  • “je suis déjà couvert grâce à ma multirisques habitation”: faux ! Les contrats classiques de multirisques habitation ne sont pas des contrats en tous risques adaptés à une collection d’œuvres d’art (le dommage accidentel n’est pas inclus par exemple, les niveaux de garantie ne sont pas appropriés…)
  •  “assurer ma collection, c’est compliqué”: faux ! Il existe des contrats à prime forfaitaire et le client est accompagné sur ces contrats haut de gamme par des spécialistes. C’est pour cela que l’apport d’historiens de l’art comme il en existe chez Axa nous paraît important pour porter un regard éclairé sur le patrimoine artistique à assurer et donner des conseils appropriés sur l’entretien, la conservation de ce patrimoine et la manière de l’assurer en tenant compte des besoins.

Le principal travail de l’assureur finalement revient à faire preuve de pédagogie et de patience, notamment devant une clientèle de particuliers haut de gamme qui sait toujours ce dont elle dispose en terme d’actifs financiers, mais qui a rarement une notion exacte de la valeur de ce qui l’entoure dans son quotidien, voire parfois n’a jamais lu son contrat d’assurance…

Il est d’autant plus important qu’une collection soit assurée avec un contrat adapté qu’environ un tiers des sinistres est dû aux dommages accidentels au domicile (tableau qui se décroche, jeunes enfants se prenant pour des joueurs de football au milieu du salon…), un autre tiers provient de dégâts des eaux (l’un des pires ennemis des œuvres d’art est le voisin du dessus), le vol et l’incendie n’arrivant finalement pas si souvent .

Nous voyons dans notre métier quelques sinistres fameux, de par les montants en jeu mais aussi de par la nature des objets qui ont été touchés ! Nous nous rappellerons longtemps cet appartement en résidence secondaire, rempli de tableaux et livres de valeur pour plusieurs millions d’euros, aux boiseries et tapisseries grandioses, qui s’est retrouvé inondé sous 400 litres d’eau provenant de la chute de deux chauffe-eau situés dans l’appartement du dessus en travaux. Et de ce tableau de Magritte, transpercé en son milieu par une boule de démolition mal calibrée qui devait détruire l’immeuble adjacent. Je pense encore à ce collectionneur de vins (car les très belles collections de vins s’assurent comme une collection d’art) dont les étiquettes de ses Romanée-Conti, bien rangées dans des caisses posées hélas à même le sol, ont été abîmées par un dégât des eaux classique suite à des pluies violentes…

Trouver le meilleur restaurateur, faire partir les œuvres dans les bons ateliers où elles seront prises en charge par les meilleurs experts, voilà aussi le travail de l’assureur lors de sinistre, et bien sûr, indemniser la perte de valeur lorsque celle-ci est avérée. Car si une indemnisation ne remplace jamais une œuvre sinistrée, surtout si elle a une valeur sentimentale, elle peut cependant permettre d’en acquérir une nouvelle.

Vivre avec l’art est un choix, souvent une passion. Qui sont ces collectionneurs, souvent très discrets ? Une étude menée par AXA ART en 2015 fait apparaître trois profils distincts :

  • “Les Passionnés”, amateurs d’art éclairés, consacrant la majeure partie de leur temps libre à visiter musées, galeries et foires, où l’art élargit leur vision du monde et leur horizon culturel et les incite à voyager, et à enrichir leur collection.
  • “Les Traditionnalistes” ayant grandi entourés d’art, issus le plus souvent de milieux où la collection est une tradition, perpétuant cet esprit à travers la peinture et l’art contemporain en général, se fiant à leur instinct et peu sensibles aux mouvements du marché.
  • “Les Investisseurs” qui voient la collection comme une opportunité financière et ont à cœur de placer correctement leur argent, ne rechignant pas à spéculer et n’hésitant pas à s’entourer d’un spécialiste pour les aider à trouver les meilleures pièces.

Leur enjeu, quelle que soit leur typologie, est finalement de préserver au mieux leur patrimoine afin de le transmettre à court, moyen ou long terme dans le meilleur état possible, et c’est là que l’assureur d’art prend toute sa place.

Sylvie Gleises
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