Impact des nouvelles technologies

L’apparition du web 2.0 a contribué au développement des échanges, des modes de communication et des rencontres entre internautes. Depuis une quinzaine d’années, le développement et la commercialisation des produits et des services à moindre coût ont pu se réaliser sur Internet grâce aux évolutions du numérique. Selon les acteurs de la net économie, le consommateur est le grand bénéficiaire de la « sharing economy »[1] tandis que certaines organisations considèrent que ce sont les plateformes qui contribuent à sa disruption. L’économie collaborative pourrait se résumer par  gagner plus et/ou dépenser moins d’argent en achetant des produits et des services. Depuis la crise financière de 2008, les mouvements collaboratifs aux États-Unis et en France ont connu un engouement significatif. Dans cette économie collaborative, on partage aussi bien sa voiture, ses objets, son lieu de travail ou encore son logement. Selon le cabinet PwC  le chiffre d’affaires des plateformes collaboratives devrait atteindre 83 Mds € d’ici 2025 en Europe, contre 4 Mds € en 2016. La croissance annuelle de l’économie collaborative dans le monde sera à deux chiffres dans les dix prochaines années. Les NATU[2] tels que Airbnb ou Uber recrutent les meilleurs scientifiques utilisant les derniers outils technologiques disponibles. Ces entreprises américaines ont des points similaires comme le mentionne Tom Slee[3] : « Chacune repose sur des plateformes informatiques, des sites web, et des applications mobiles pour relier consommateurs et fournisseurs et prélever une part des profits. Le logiciel gère également les paiements, et chacune offre un système d’évaluation qui, selon elles, résout les problèmes de sélection et de contrôle de sorte que des étrangers puissent se faire mutuellement confiance ».    Cette stratégie leur permet de devenir des leaders mondiaux dans leurs catégories respectives en mettant en place des stratégies locales « marketplace » avec des finalités économiques mondiales. En effet, tout client de la plateforme californienne devait pouvoir se loger localement partout dans le monde quelle que soit sa zone géographique. Le slogan « Un jour tu viens chez moi, un jour je viens chez toi » résume ainsi la réciprocité de l’économie du partage. Bénéficiant d’une forte notoriété auprès des nouvelles générations, Airbnb fait partie des nouvelles marques les plus influentes du monde. Dans ces conditions, comment les seniors ne seraient-ils pas séduits à l’idée de confier leurs logements à la plateforme américaine ? En France en 2016, 16% des hôtes avaient plus de 60 ans.

Impact des propriétaires

Il y a une quinzaine d’années, les propriétaires louaient généralement leurs logements (même meublés) sur de longues durées. Depuis la généralisation des plateformes, de plus en plus de propriétaires ont proposé leur logement sur Internet afin de le louer sur des durées de plus en plus courtes pour améliorer la rentabilité locative de leurs actifs tout au long de l’année. Dès sa création, Airbnb a toujours encouragé les propriétaires à maximiser l’utilisation de leurs logements tout en percevant des loyers variables en fonction de l’offre et de la demande. Les propriétaires permettent aux vacanciers de se loger moins cher qu’à l’hôtel. Airbnb a su attirer sur sa plateforme des biens classiques autant qu’atypiques comme un château, une maison dans les arbres, un mobil home luxueux, une tente sur un site paradisiaque ou un bateau… On peut donc trouver sur le site des logements en ville, à la campagne, à la montagne ou à la mer.

Jusqu’à présent, les zones urbaines étaient l’ADN d’Airbnb, mais, aujourd’hui, les zones rurales connaissent la croissance la plus rapide.

Ainsi, 400 000 touristes ont opté pour la montagne en 2016. Enfin, les propriétaires et les locataires ont découvert que cette communauté leur permettait d’obtenir des revenus immédiats tout en choisissant la date et la durée de la mise en location de leurs appartements ou maisons.

Impact sur la France

Au 1er janvier 2017, la plateforme revendiquait plus de 400.000 annonces pour la France, soit deux fois plus que l’année précédente. 80% des hébergements étaient situés en dehors de Paris. Selon les calculs réalisés par le cabinet Asterès, l’impact économique d’Airbnb en France a été évalué à 6,5 Mds € en 2016 contre 2,5 Mds €  en 2015. Cet impact économique positif s’explique par l’engouement des Français pour la plate-forme, qui a attiré́ 8,3 millions de voyageurs en 2016, contre 4,7 millions l’année précédente. La part des Français représente 59% des flux d’Airbnb. La France est restée son deuxième marché derrière les États-Unis. Cette demande devrait se poursuivre en 2017 si aucun événement ne vient perturber les trois derniers mois de l’année. En 2016, les hébergements en Ile-de-France ont été loués en moyenne trente-cinq jours par an contre 25 jours pour le reste de la France. Ce chiffre devrait être encore plus élevé en 2017. Dans la capitale française, 87,3% des annonces concernent la location de logement entier, 11,6% une pièce du logement et 1,1% une chambre à partager. Face à des touristes désirant de plus en plus un excellent rapport prix- hébergement,  il n’est pas surprenant que Paris soit devenue en 2016 la première ville du monde sur la plateforme avec 50 000 logements  devant Londres (47 000 logements) et New-York (46 000 logements). La même année, 15% des voyageurs d’Airbnb ont trouvé un hébergement dans des communes françaises ne disposant pas d’hôtels, argument supplémentaire pour la plateforme de se développer en France.

Impact immobilier

De plus en plus d’habitants des centres-villes comme Barcelone ou Lisbonne, par exemple, s’inquiètent de leur gentrification. En effet, les zones résidentielles où les locations meublées sont de plus en plus nombreuses, impactent le marché immobilier. Aussi, les classes moyennes locales trouvent de moins en moins d’appartements accessibles dans ces localisations où les locations meublées fleurissent. Accusés de concurrence déloyale par le secteur hôtelier, les maires des villes françaises comme Paris ou Bordeaux considèrent que l’essor des plates-formes de location a contribué à créer une pénurie de logements à la location nue et à favoriser l’augmentation des prix immobiliers. Dans ces conditions, comment ne pas s’interroger : Airbnb influence-t-il significativement le marché du logement locatif dans les zones urbaines tendues ? Le marché immobilier résidentiel est régulé par l’offre et la demande. Ainsi, s’il y a moins d’offres de locations nues face à une demande soutenue, la valeur locative des biens immobiliers augmente. Il est donc logique que la valeur vénale suive une courbe haussière, avec à la clé une augmentation des prix immobiliers dans les zones géographiques concernées.

Impact sociétal

En réponse au succès de la plateforme dans les capitales mondiales, l’activité d’Airbnb est de plus en plus extrêmement réglementée dans des villes telles que Berlin, Barcelone, Paris ou encore New-York. Si Airbnb et d’autres plateformes laissent actuellement à l’hébergeur la responsabilité de se conformer aux lois et règlementations locales, de nombreuses voix (mairies, représentants de l’hôtellerie et de l’État) prônent une harmonisation des règlementations qui permette aux propriétaires la pratique d’une activité transparente, déclarée et imposable. Afin de limiter le nombre de logements meublés destinés aux plateformes, le législateur a légiféré au printemps dernier. En effet, le décret du 30 avril 2017 offre désormais aux grandes villes la possibilité de contraindre les loueurs de logements utilisant des plateformes telles que Airbnb à se déclarer en mairie.

L’objectif est de permettre aux communes de plus de 200.000 habitants et à celles de la petite couronne parisienne de créer un numéro d’enregistrement pour les meublés d’une location de courte durée, afin de pouvoir vérifier qu’ils n’excèdent pas la durée limite légale de location de 120 jours par an. Au-delà de cette durée, le régime du loueur en meublé professionnel s’applique au bailleur. Dans l’immeuble où se trouve le bien, le règlement de copropriété ne doit pas avoir de clause d’habitation bourgeoise et le local doit avoir une destination commerciale. En son absence, le propriétaire s’expose à d’éventuelles poursuites judiciaires de la commune où le bien est localisé.

Pour conclure

Airbnb est aujourd’hui victime de son succès dans les grandes métropoles françaises et internationales. Le 20 mars 2017, la plateforme disposait de plus de 3 millions d’hébergements dans 65 000 villes du monde. L’entité valait 31 Mds $ en juin 2017 soit plus de deux fois la valeur du groupe Accor Hotels.

Sans la performance des smartphones, des progrès technologiques, de la gestion du big data et de l’Internet, la plateforme californienne n’aurait jamais pu industrialiser son modèle économique dans le monde en quelques années.

Au départ, Airbnb ne s’intéressait qu’aux touristes, tandis qu’aujourd’hui, la plateforme cible également les voyageurs professionnels.

Cette clientèle à haute contribution génère de plus en plus de profitabilité pour la plateforme. Les cinq destinations de la clientèle d’affaires d’Airbnb en Europe sont Londres, Paris, Cannes, Berlin et Munich. Les générations actuelles qui démarrent de plus en plus tard dans la vie professionnelle adhèrent au concept d’être locataire de tout et propriétaire de rien. Ce mode d’utilisation correspond bien à leur mode de vie basé sur l’infidélité aux marques, l’impatience et la flexibilité. Liberté, prix, et concurrence font partie des mots clés préférés de cette nouvelle génération. Comme tous les sites de partage, le potentiel des économies d’échelles mondiales est si important que des entités telles que Airbnb peuvent rejoindre et même dépasser les grandes chaînes hôtelières mondiales en seulement quelques années. Pour conclure, citons Jeremy Rifkin[4] : « Certes, les hôtels continueront à recevoir les réservations, mais la migration de millions de jeunes vers Airbnb et Couchsurfing réduit déjà leur marché. Comment une chaîne hôtelière gigantesque, avec ses coûts fixes élevés, pourrait-elle concurrencer des millions d’espaces privés partageables à des coûts marginaux faibles ? … ».


[1] – Économie du partage

[2] – Netflix – Airbnb – Tesla – Uber

[3] – Tom Slee. Ce qui est à toi est à moi. Lux éditeur. 2016.

[4] – Jeremy Rifkin. La nouvelle société du coût marginal zéro. Les Liens qui libèrent. 2014.

Nicolas Tarnaud
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