GAREAT[1] (www.gareat.com) est un GIE à but non lucratif créé le 1er janvier 2002 par la profession de l’assurance avec le concours de l’État français. Instrument essentiel du marché de l’assurance, il permet depuis lors, la couverture par les assureurs des dommages matériels et des pertes d’exploitation consécutives, subis par des biens assurés en France, et résultant d’actes de terrorisme subis sur le territoire français, même en cas d’attentat trouvant son origine à l’étranger, et quel que soit le moyen utilisé, qu’il s’agisse d’attaque NBCR[2] ou de cyber-terrorisme. Il est foncièrement mû par les principes de mutualisation des risques et d’absence d’anti-sélection, de simplicité de fonctionnement car applicable à l’ensemble des acteurs du marché, et de flexi-sécurité par l’alliance d’une gouvernance proactive de ses membres en prise directe avec les besoins des assurés, et de programmes de réassurance au premier euro, illimités et pluriannuels.

GAREAT est avant tout le fruit de la conjonction d’une disposition du Code des assurances français sans équivalent dans le monde, et de l’émergence de l’hyper-terrorisme. Dans le contexte de la vague d’attentats du milieu des années 1980, et sous l’impulsion de ses nombreuses victimes, la Loi du 9 septembre 1986 est en effet venue mettre en place le premier dispositif légal de couverture du terrorisme en France. Ce texte prévoyait en premier lieu un volet corporel avec la mise en place du FGTI[3], alimenté par un prélèvement sur les contrats d’assurance de biens. Avec la création d’un article L126-2 du Code des assurances, s’y ajoutait un volet d’assurance dommages, au travers d’une extension légale des garanties préexistantes, aux dégâts causés par des attentats ou des actes de terrorisme, affectant les biens et pertes assurés en incendie/explosion. Plus qu’une obligation d’assurance comme il peut en exister en automobile, il faut plutôt voir ici une obligation d’assurer : en effet, l’obligation ne pèse pas sur l’assuré, qui reste libre d’auto-assurer ses biens pour l’ensemble des risques auxquels ils sont exposés (incendies, inondations, …), mais bien sur l’assureur qui ne peut refuser ou limiter sa garantie quand bien même les dommages subis par les biens assurés résulteraient d’un attentat ou d’un acte de terrorisme.

L’attentat du WTC du 11 septembre 2001, suivi 10 jours plus tard par l’explosion du site AZF dont les causes et circonstances continuent d’alimenter certaines chroniques, est par la suite venu cristalliser le scénario d’un acte hyper-terroriste surpassant les prévisions du marché, et provoquer un brutal affaissement des capacités de réassurance sur ce péril, en particulier pour les enjeux majeurs (sites nucléaires, complexes industriels, quartiers d’affaires, …). Cette soudaine contraction mondiale de l’offre de réassurance confrontait en France, du fait de cette obligation d’assurer, le marché de l’assurance à une situation d’urgence absolue. En effet, à quelques mois de l’échéance du 1er janvier 2002, assureurs, réassureurs, mais aussi assurés, se trouvaient dans l’obligation de faire émerger une solution innovante pour suppléer durablement et suffisamment l’absence de réassurance privée en la matière, sous peine d’une disparition pure et simple de l’offre d’assurance dommages pour les entreprises implantées en France : incendie/explosion, mais aussi tempêtes et Cat’ Nat’ légalement liées, etc. C’est dans ce contexte de crise qu’un partenariat public-privé associant les assureurs, les réassureurs privés, et l’Etat, s’est noué à partir de 2002 de façon à donner de la capacité au marché des Grands Risques[4]. Il s’agissait alors de tous les grands ensembles immobiliers, centres commerciaux, gares et aéroports, sites industriels ou plateformes logistiques, … de plus de 6M€, seuil relevé à 20M€ depuis 2010, la solution de place s’ajustant ainsi au mieux aux évolutions de capacité en terrorisme des réassureurs de marché.

La loi du 23 Janvier 2006 a depuis modifié l’article L126-2 précité : d’abord pour permettre la couverture des dommages subis par des biens assurés et résultant d’actes de terrorisme subis sur le territoire, y compris lorsque l’origine est située en dehors de France ; mais également pour prendre en compte tout le champ des modes opératoires susceptibles d’être mis en œuvre par des terroristes. Ces deux évolutions étaient clairement inspirées de la crainte d’une dissémination d’agents NBCR à l’échelle européenne. Dès 2005, GAREAT avait anticipé cette évolution et créé à la demande du marché français, à côté de son mécanisme de réassurance des Grands Risques, un second dispositif consacré aux risques Petits et Moyens (ceux inférieurs à 6M€ en 2005, puis inférieurs à 20M€ à partir de 2010), répondant ainsi à un nouveau besoin de réassurance face au risque d’accumulation de sinistres affectant des contrats de masse (habitation, automobile, professionnels, …) par effet domino, tel que pourrait en produire un événement NBCR.

GAREAT est un pool de co-réassurance. Structure B to B au service de ses adhérents assureurs, il n’a aucune relation directe avec les assurés, et n’est pas partie aux conventions négociées entre eux, ni à la fixation des conditions tarifaires. Ses clients et membres sont ainsi exclusivement des compagnies d’assurance françaises ou étrangères (captives incluses) provenant de 17 pays, et habilitées à opérer en France au titre de la Liberté d’Etablissement ou de la Libre Prestation de Services. A ce jour, environ 230 sociétés adhérent à la Section des Grands Risques, et 100 à la Section des Risques Petits et Moyens. Chacune d’elles est engagée sur les charges du GIE (rétention, coûts de réassurance publique et privée, frais généraux, …), solidairement avec les autres adhérents, à hauteur de sa quote-part dans le volume annuel total des primes de réassurance cédées à GAREAT au titre de chaque section. En contrepartie de son adhésion à l’une et/ou l’autre de ces sections, chaque membre bénéficie pour les affaires qu’il lui cède, d’un programme de réassurance au premier euro et illimité mis en place par GAREAT.

La structure de réassurance des deux sections, permettant ainsi de réassurer la totalité du risque accepté par un assureur, est actuellement assez similaire : elle combine une part de rétention du risque par les assureurs adhérents, un programme de réassurance privée et enfin une intervention de la CCR apportant au marché la garantie illimitée de l’Etat, dont les dernières conditions ont été renégociées pour la période 2013-2017. Des discussions sont donc actuellement en cours entre la Direction Générale du Trésor, les représentants de la profession et GAREAT, concernant les conditions de son renouvellement à compter du 1er janvier 2018. Corrélativement, les conditions de placement des programmes de réassurance sous-jacents à partir de 2018 vont faire l’objet de discussions à partir de ce 3ème trimestre.

A ce jour, les sinistres en cours ou clos par GAREAT depuis sa création, selon un rythme très variable d’une année sur l’autre compte tenu de la nature particulière du risque considéré, sont évalués à environ 35M€, le plus important d’entre eux s’élevant à près de 8M€ (destruction d’un site par engin incendiaire). A l’origine de ces sinistres on trouve le plus souvent des organisations terroristes reconnues ou des mouvements d’activistes.

Le périmètre d’intervention de GAREAT est relativement bien circonscrit par le code pénal, notamment ses articles 412-1 définissant l’attentat, ainsi que 421-1 et 2 définissant les actes de terrorisme.

Un attentat vise à mettre en péril les institutions de la République ou à porter atteinte à l’intégrité du territoire national. Ces situations peuvent couvrir des situations très différentes qui peuvent s’apparenter à du vandalisme gratuit, ou à des actes malveillants de personnes animées d’intention crapuleuses voire mafieuses, ou encore à des actions de revendication sociales ou régionales. C’est pourquoi GAREAT a mis en place une Commission des Sinistres qui examine les dossiers qui lui sont déclarés par ses adhérents et qui formule un avis sur la qualification de l’événement et sa recevabilité, la décision finale concernant l’indemnisation de l’assureur restant du ressort du Conseil d’Administration de GAREAT.

Le terrorisme vise quant à lui des actes individuels ou collectifs ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur. En ce qui concerne ces derniers, il y a donc rarement d’ambiguïté en termes de qualification ; on pense tous aux événements survenus en France et à l’étranger ces dernières années. Certains événements terroristes d’ampleur pourraient évidemment avoir un potentiel d’indemnisation très important, comme un événement hyper-terroriste du type WTC[5] ou une attaque de type NBCR[6]. L’expérience à l’étranger montre d’ailleurs que cette thématique expose de forts enjeux, humains mais également en termes de dommages aux biens et de continuité d’activité : attentats au gaz sarin au Japon, dissémination d’anthrax aux USA en 2001[7], … Pour pouvoir faire face à un événement d’ampleur exceptionnelle, GAREAT a donc mis en place une procédure spécifique qui lui permettrait d’appréhender au mieux un tel sinistre : elle permettrait d’enregistrer, surveiller et quantifier les dossiers en temps réel par section ; de mesurer également en temps réel leur impact sur la rétention des adhérents ; ainsi que d’activer les programmes de réassurance afin de rembourser les assureurs adhérents au plus vite. Noter qu’en cas d’événement d’ampleur exceptionnelle, la CCR et l’Etat seraient parties prenantes à tous les niveaux de décision concernant les sinistres. En prévision d’un tel événement, GAREAT s’est en outre préparé à coordonner ses moyens avec ceux de ses adhérents, et développer la communication externe avec toutes les parties concernées, notamment par la mise en œuvre d’un test de crise.

Pour financer ses coûts de réassurance et ses sinistres, GAREAT collecte auprès de ses adhérents des cotisations correspondant à un pourcentage fixe des primes négociées librement par les assureurs avec leurs clients. En fonction de la taille (20 à 50M€ ; plus de 50M€) ou de la typologie des risques (risques spécifiques) GAREAT applique donc des taux fixes de réassurance sur les primes dommage de chacune des polices Grands Risques cédées à GAREAT, taux qui n’ont pas été modifiés en l’absence d’événements d’ampleur exceptionnelle depuis l’origine de GAREAT. En ce qui concerne les Risques Petits et Moyens, un dispositif similaire est appliqué non plus police à police mais sur l’encaissement annuel des cédantes par grandes branches d’assurance (auto, risques de particuliers, risques professionnels). Dans tous les cas, le principe reste la mutualisation des risques et une tarification des affaires quasiment forfaitaire sur la base d’un barème objectif, et non une démarche de souscription différenciante tenant compte de l’exposition réelle des enjeux, de leurs moyens de prévention/protection ou de leurs antécédents.

Le terrorisme est un des risques les plus volatils qui soient tant du point de vue de sa fréquence que de sa gravité ; c’est d’autant plus vrai s’agissant d’un portefeuille de risques d’entreprises exposé à la survenance de sinistres graves soit unitairement soit du fait de concentrations de risques. Un aspect particulièrement décisif de l’équilibre financier de GAREAT, est donc de mutualiser le plus largement possible les risques réassurés, de façon à pouvoir mettre en perspective une assiette de prime cohérente avec le coût de ce risque non conventionnel accepté par GAREAT. C’est pour pouvoir disposer de l’agrégation d’un maximum de risques hétérogènes en probabilités d’occurrence et en coûts moyens prévisibles, que chaque adhérent prend donc l’engagement de céder indistinctement l’intégralité de ses affaires qui entrent dans le périmètre de GAREAT.

Au-delà cette approche classique de mutualisation du risque, il est aujourd’hui indispensable pour un acteur tel que GAREAT de pouvoir quantifier au mieux les dommages susceptibles de frapper les risques de son portefeuille et d’en valoriser les impacts pour lui, ses membres, et ses réassureurs privés et publics. C’est la raison pour laquelle GAREAT pilote un ensemble de projets destinés à faire progresser sa connaissance des risques qu’il réassure, et modéliser ses expositions face à différents scénarios de sinistres (mode d’attaque, localisation, …), en référence aux attentats déjà survenus dans le monde et pris en compte par les modèles existants, mais également en les enrichissant de ses propres données d’entrée (valeurs d’assurance, …). GAREAT travaille donc actuellement avec différents partenaires (courtiers de réassurance, consultants, …) de façon à disposer des éléments d’information optimaux tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif sur les affaires cédées, et caractériser au mieux ses expositions principales ainsi que ses cumuls de risques, au regard de divers scénarios d’actes terroristes. Les outils de modélisation progressent et se développent rapidement ; ils permettent ainsi à GAREAT d’avoir, exercice après exercice, une vision affinée de l’impact financier éventuel d’un attentat qui affecterait une zone urbaine ou un complexe industriel, et donc de la meilleure solution à mettre en place pour assurer la résilience du marché.

Compte-tenu de la logique qui préside au fonctionnement de GAREAT, l’actualité récente ne l’a pas significativement impacté. Cet organisme a en effet été conçu pour réassurer ses membres en cas de dommages matériels et pertes d’exploitation affectant des Grands Risques notamment industriels, logistiques ou commerciaux, alors que les dernières attaques commises en France et en Europe ont principalement visé des personnes et des commerces de proximité. Toutefois, GAREAT a bien été mobilisé sur certains dossiers découlant de ces attaques et pris en charge par certains de ses adhérents.

Comme les autres, GAREAT a vu récemment le terrorisme étendre de façon opportuniste ses modes opératoires, mais sans que celui-ci ait pour autant fondamentalement changé de nature. Le terrorisme reste un risque pétri de facteur humain : malveillant, opportuniste et adaptable, avec des auteurs d’attentats tentant toujours évidemment de frapper le maximum de personnes, de biens et d’activités, et bien sûr le plus gravement possible. Aussi, l’actualité récente a mis en évidence que les terroristes adaptent leur méthodologie aux obstacles endogènes ou exogènes qu’ils rencontrent. Les mesures prises à la suite des attaques récentes pour endiguer la capacité de communication et d’approvisionnement en armes et explosifs des filières terroristes, les ont donc certainement conduits à réorienter leurs attaques vers des modes opératoires moins sophistiqués que le recours à des véhicules piégés ou le détournement d’avions de lignes. Ces «soft targets» présentes dans l’espace public s’avérèrent de surcroît plus difficiles à protéger que des biens et activités. Face au défi que représentent ces formes récentes d’attentats visant prioritairement des personnes et relevant du FGTI, GAREAT représente plus que jamais une composante fondamentale du dispositif d’assurance terrorisme du marché français, et notamment le vecteur essentiel de résilience de son économie face au risque de survenance d’actes bien préparés et autrement plus destructeurs pour des sites industriels, commerciaux, des édifices publics ou des quartiers d’affaires. Il est en effet impossible et illusoire de tenter de prédire la forme de la prochaine attaque ; les méthodologies et les cibles sont extrêmement diverses et ne sont pas exclusives l’une de l’autre, ainsi que l’ont prouvé les derniers événements survenus à Manchester, à Londres et en Catalogne. Ces cibles sont d’autant plus innombrables qu’à côté des cibles stratégiques que peut estimer pertinent de viser une organisation terroriste, il peut exister des enjeux qui ne représentent un objectif que pour l’auteur lui-même et qui ne font sens que pour lui. Les informations communiquées ces dernières semaines par les autorités espagnoles concernant les attentats du mois d’août dernier, et les attaques survenues ces derniers mois au Royaume-Uni, à Bruxelles, St-Petersbourg, ou Istanbul, … attestent ainsi que les infrastructures restent des cibles potentielles des terroristes, ou qu’elles peuvent être gravement affectées, même si l’objectif principal reste évidemment de tuer ou de blesser le public qui y est rassemblé pour susciter un climat de terreur. En France, certaines attaques ou tentatives avaient déjà visé spécifiquement des sites : ainsi en juin 2015 à Saint-Quentin-Fallavier, l’objectif de l’attaque qui a causé la mort d’un homme était une usine Seveso ciblée en tant que telle par l’auteur des faits ; et en novembre 2015, le commando neutralisé par les forces de l’ordre à St-Denis visait Les 4 temps, le principal centre commercial de La Défense et l’un des plus grands d’Europe.

 

GAREAT n’en conserve que d’autant plus sa légitimité et sa pertinence dans la période actuelle.


[1] Gestion de l’Assurance et de la REassurance des risques Attentats et actes de Terrorisme

[2] Nucléaire, bactériologique, chimique ou radiologique.

[3] Fonds de Garantie des Victimes d’Infractions et actes de terrorisme

[4] Cette terminologie spécifique à GAREAT ne doit pas être confondue avec celle de l’article L111-6 du Code des assurances

[5] World Trade Center 11/09/2001 : 2977 décédés et 25Md$ de dommages assurés (Source APREF 2017)

[6] Plusieurs Md€ envisageables (Source CCR)

[7] Coûts de décontamination du seul centre de tri postal de Brentonwood Washington DC : environ 130MUSD (source L Wein, Y. Liu, and T. Leighton, ‘HEPA/Vaccine Plan for Indoor Anthrax Remediation’, Emerging Infection Diseases, vol.11, no.1, 2005, pp. 69-76.)

Pierre-Yves Laffargue, Elisabeth Rousseau et Stéphane Spalacci
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