Une politique contra-cyclique pour la Recherche et l’Innovation

En 2007, afin de stimuler un accroissement des budgets de Recherche et Développement des grands groupes européens, le premier instrument financier pour la Recherche et l’Innovation est lancé par la Direction Générale de la Recherche et de l’Innovation (DG RTD) de la Commission Européenne dans le cadre du 7e Programme-cadre de Recherche, de Développement Technologique et d’Innovation (7e PC) : il s’agit du Mécanisme de Partage de Risques Financiers (RSFF – Risk Sharing Finance Facility). Lancé à l’initiative du Président de la République Française, Jacques CHIRAC, lors du Conseil Européen de décembre 2005, le RSFF est un instrument de garantie/prêt délégué à la Banque Européenne d’Investissement (BEI). Quelques années plus tard, en 2012, il est décliné au travers d’un instrument de garantie sur prêts pour PME et petites Entreprises de Taille Intermédiaire (ETI), le RSI (Risk Sharing Investment). Mis en œuvre par le Fonds Européen d’Investissement (FEI), le RSI vient garantir des portefeuilles de prêts aux PME et ETI innovantes des banques publiques et privées dans toute l’Union Européenne. Avec une garantie de 1,2 milliard d’euros, le RSFF et le RSI vont lever entre 2007 et 2013 plus de 12 Md€ de prêts (dont 2,6 Md pour des PME et des petites ETI).

En 2014, sous Horizon 2020 (le nom du 8e PC), un budget de 2,7 Md€ d’euros, soit plus d’un doublement par rapport au 7e PC, est consacré à la continuité et l’extension de ces instruments, désormais regroupés sous la bannière InnovFin. Lancés en juin 2014 lors la Conférence de la Présidence grecque du Conseil de l’Union Européenne à Athènes dans un contexte financier particulièrement difficile pour la Grèce, ces instruments couvrent désormais un spectre de risques plus large et incorporent également des activités de soutien au capital-risque.

Un mois plus tard, le plan Juncker (du nom du président de la Commission européenne) est annoncé lors de son discours de politique générale. Visant à relancer l’investissement en Europe qui s’est effondré suite à la crise financière de 2008, il est composé de trois piliers : un pilier financier, le Fonds Européen pour les Investissements Stratégiques (FEIS) ; un pilier visant à proposer des plateformes de soutien (Plateforme européenne de conseil en investissement (EIAH) et Portail européen des projets d’investissement) ; et un pilier réglementaire.

Le FEIS va s’inspirer de l’exemple du RSFF et d’InnovFin, mécanismes de partages de risques reposant sur une garantie émanant des fonds de l’Union. Il a pour objectif de mobiliser 315 Md€ d’investissements de 2015 à 2017 au travers d’une garantie de 16 Md€ émanant de la Commission Européenne, complétés par 5 Md€ émanant de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) au travers de deux fenêtres : infrastructures et innovation d’une part, PME et ETI d’autre part.

Développement : Une politique génératrice de croissance et d’emplois

Mis en œuvre par la BEI et le FEI (pour ce qui est du soutien aux PME et petites ETI), le FEIS vise à soutenir et à stimuler l’investissement dans différents secteurs d’activités sans pré-allocations géographiques ou sectorielles, tels que :

  • la recherche, le développement et l’innovation
  • le développement du secteur de l’énergie
  • le développement des infrastructures et des équipements de transport et des nouvelles technologies dans le domaine des transports
  • la promotion du capital humain, de la culture et de la santé
  • la protection de l’environnement et l’utilisation efficace des ressources
  • le développement et le déploiement des technologies de l’information et de la communication
  • les PMEs et les petites ETI.

Rencontrant un réel succès dès son lancement effectif en septembre 2015, le FEIS voit sa durée et ses moyens étendus le 12 décembre 2017 par le Parlement Européen et le Conseil avec l’objectif de mobiliser 500 Md€ d’investissements jusqu’en 2020 dans les secteurs sus-mntionnés auxquels sont ajoutés l’objectif de soutenir l’ambition de la COP21, les secteurs de l’agriculture et de la pêche soutenable, ainsi que les régions défavorisées. En outre, le soutien du FEIS aux PME et petites ETI est augmenté. Le rôle et les moyens de l’EIAH sont également renforcés.

Au 15 mars 2018, les résultats atteints sont plus que prometteurs : les opérations approuvées représentent un volume total de financement de 55 Md€. Elles sont situées dans les 28 États membres et devraient générer des investissements totaux de plus de 274 Md€. Jusqu’à présent, 374 projets d’infrastructure et d’innovation, représentant un financement de 41,3 Md€, ont été approuvés dans le cadre du FEIS. En outre, 389 accords de financement avec des intermédiaires financiers au bénéfice de PME et d’ETI, pour un montant de 13,7 Md€, ont été approuvés. Les cinq premiers pays classés par ordre d’investissements mobilisés grâce au FEIS par rapport au PIB sont la Grèce, l’Estonie, la Bulgarie, le Portugal et l’Espagne. En termes de volume brut, les cinq principaux pays bénéficiaires sont la France, l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Il est estimé que le plan d’investissement a déjà soutenu 300 000 emplois et que, d’ici 2020, le plan d’investissement devrait augmenter le PIB de l’UE de 0,7% et créer 700 000 emplois.

Couverture géographique: Le FEIS couvre l’ensemble des Etats Membres de l’Union Européenne

Couverture sectorielle

Le  FEIS aide à attirer les investissements privés à l’appui des secteurs suivants :

  • recherche-développement et innovation
  • énergie
  • technologies numériques
  • transports
  • environnement et utilisation efficace des ressources
  • infrastructures sociales
  • agriculture durable, foresterie, pêche et aquaculture
  • soutien à l’industrie dans les régions en retard de développement et les régions en transition
  • les petites entreprises et entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Il n’y a pas non plus de seuil critique en termes de taille de projet ou d’entreprise. Pour les PME, un financement par actions est possible au travers d’intermédiaires financiers de type Venture Capital, par exemple. Pour les grands projets, il s’agit de prêts ou de garanties sur prêt.

La moitié au maximum du coût total des projets peut être financée par le budget d’EFSI délégué à  la Banque Européenne d’Investissement. Le Groupe BEI n’étant jamais le seul investisseur dans un projet, chaque euro apporté par la BEI permettra de mobiliser des investissements de tiers d’un montant plusieurs fois supérieur.

Couverture de risque et additionalité

Grâce aux garanties du FEIS, la BEI peut prendre des risques accrus. En respect du principe d’addtionnalité, les projets sous FEIS doivent répondre à des situations de défaillances de marché qui présentent un haut profil de risque, tout en restant « bancables ».

En pratique ?

Qui peut solliciter une intervention du FEIS ?

  • Des entreprises de toute dimension
  • Des services collectifs
  • Des établissements publics
  • Des banques nationales de promotion économique ou d’autres établissements bancaires accordant des prêts
  • Des plateformes d’investissement sur mesure

Comment introduire une demande ?

Les promoteurs, publics ou privés, de projets ayant trait aux grandes infrastructures et à l’innovation peuvent solliciter un prêt auprès de la BEI. Les PME et les ETI peuvent se procurer des financements pour leurs projets via des banques nationales de promotion économique et des intermédiaires financiers locaux. Les projets en question doivent satisfaire aux conditions suivantes :

  • être solides d’un point de vue commercial et viables sur les plans économique et technique
  • être conçus de façon à contribuer à la réalisation des objectifs de l’UE, notamment la croissance durable et l’emploi
  • être suffisamment aboutis pour être bancables
  • être tarifés à la mesure du risque encouru.

Où obtenir de l’aide ?

La plateforme européenne de conseil en investissement (EIAH, http://eiah.eib.org) est une initiative de la BEI et de la Commission européenne destinée à accélérer les investissements, en offrant un point d’accès unique à une aide d’envergure pour des projets et des investissements à tous les stades du cycle du projet. Les services de conseil qu’elle dispense portent sur les aspects suivants :

  • assistance technique dans le cadre de la préparation et de la mise en œuvre de projets
  • meilleure utilisation des fonds de l’UE dans les instruments financiers
  • soutien au renforcement des capacités
  • soutien aux politiques, programmes et projets mis en œuvre dans le cadre de partenariats public-privé
  • accès aux financements pour les projets innovants.

Exemple

Brownfields lève 165 M€ auprès de la BEI (40M€), de la Caisse des Dépôts (40M€) et d’une dizaine d’investisseurs institutionnels (85M€) pour accroître son action de reconversion des friches industrielles, tertiaires et commerciales. Il s’agit d’un financement clef pour le leader européen Brownfields, spécialisé dans la dépollution et le redéveloppement de friches. Face à une demande croissante de réhabilitation de sites situés dans les villes, en particulier dans les grandes agglomérations, ce financement permettra de doubler les capacités d’investissement de Brownfields, en lui donnant la possibilité de multiplier des opérations similaires à celle emblématique de Sevran dans le département de Seine-Saint-Denis, à fort impact économique et social pour le territoire. Il s’agit d’un financement clef pour Brownfields Gestion qui vise à terme une levée de fonds de 250 M€ pour un objectif de 40 à 50 projets financés d’ici 5 ans.  Pour Patrick Viterbo, Président de Brownfields Gestion : « Ces moyens plus que doublés vont nous permettre de mieux répondre aux défis de la transformation urbaine dans le Grand Paris et en régions. Nous nous positionnons désormais comme un développeur de projets urbains dans lesquels, au-delà de notre expertise reconnue en dépollution, nous allons porter toujours plus d’attention à l’empreinte écologique des nouveaux écoquartiers que nous contribuons à réaliser ».

Pour la BEI, ce financement s’inscrit parfaitement dans le Plan Juncker, dont l’objectif est de renforcer l’investissement en attirant d’autres investisseurs sur des opérations à caractère plus risqué. Avec son investissement de 40 M€, la Caisse des Dépôts confirme son action en faveur des territoires et son implication dans le développement durable.

La dépollution et le redéveloppement de friches industrielles ou tertiaires contribuent au renforcement de l’attractivité, en favorisant l’émergence d’une offre immobilière renouvelée, et en facilitant la production de foncier à un coût acceptable et sans effort budgétaire pour la collectivité.

Il n’y a cependant pas de taille critique pour les projets de la BEI. En plus des opérations sur les PME soutenues par le FEI, la BEI a soutenu de petits projets directement ou indirectement au travers d’intermédiaires financiers, comme des fonds des banques commerciales, ou des banques publiques. Ainsi au Portugal, la BEI a octroyé à la ville de Lisbonne une série de petits financements pour la rénovation urbaine[1].

Vers le prochain budget long-terme de l’Union Européenne

Sans doute en mai 2018, la Commission Européenne présentera sa proposition pour le prochain budget de l’Union pour la période 2021-2027. Elle sera complétée quelques semaines plus tard par les propositions spécifiques sectorielles.

Au regard des besoins de l’économie européenne, il est plus que probable que tant la politique de soutien à l’investissement promue par le Plan Juncker d’une part, et les politiques d’investissement dans l’avenir que sont la politique de la recherche et l’innovation et la politique de l’éducation d’autre part, devraient se voir octroyer des moyens conséquents, et ce en dépit du retrait du Royaume-Uni de l’Union Européenne. A l’aune des résultats obtenus par le FEIS mais aussi des leçons apprises lors de sa mise en œuvre, il est aussi fort possible qu’une approche intégrée des différents instruments financiers de soutien à l’investissement soit proposée afin d’atteindre un impact à la fois plus fort et plus ciblé au regard des objectifs des différentes politiques de l’Union.

 

[1] https://ec.europa.eu/commission/commissioners/2014-2019/katainen/announcements/eu-supports-modernisation-lisbons-infrastructure-eur-250-million-eib-loan-under-investment-plan_en


Liens internet pour en savoir plus

Pour une présentation d’ensemble : http://www.eib.org/attachments/thematic/investment_plan_for_europe_fr.pdf

Site web du FEIS : www.bei.org/efsi

Pour une vue d’ensemble complète des projets FEIS : www.bei.org/efsi/efsi-projects/index.htm

Pour trouver un projet FEIS réalisé près de chez vous : www.bei.org/efsi/map/index

Pour contacter les bureaux locaux de la BEI : www.bei.org/offices

Pour contacter les intermédiaires financiers : www.eif.org/what_we_do/where/index.htm

Julia Taddei
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