Le conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur souhaite évaluer un dispositif d’aides aux entreprises, le conseil départemental du Cantal met en place son schéma d’accès aux services, une grande entreprise veut mesurer son inscription locale, un économiste calcule des effets d’agglomérations… Autant de questions qui nécessitent des données quantitatives, précises et localisées pour évaluer les besoins, mesurer l’impact ou anticiper les évolutions.

De très forts besoins de données locales et d’accompagnement

Bénéficiant d’une forte notoriété et implanté dans chaque région, l’Insee reçoit de nombreuses demandes de données locales à différentes échelles géographiques, de la région jusqu’au quartier à l’intérieur des villes.  Ces demandes peuvent émaner d’utilisateurs avertis qui connaissent précisément les fichiers dont ils ont besoin. Le site internet de l’Insee, de plus en plus riche en données détaillées, www.insee.fr, leur offre un accès facile ainsi que la possibilité de sélectionner, de comparer les données et de faire des cartes de manière interactive.

Beaucoup d’utilisateurs ont cependant besoin d’un accompagnement afin de trouver les données qui répondent précisément à leur question et d’une aide pour les interpréter. L’appui de l’Insee peut consister à déterminer les tableaux adaptés à la question posée, au bon niveau géographique et dans des nomenclatures d’activité ou de qualification adaptées. Ainsi, pour analyser les marchés locaux du travail,  est-il nécessaire de disposer des données d’emploi et de chômage par zone d’emploi, produites et diffusées par l’Insee. C’est d’ailleurs l’Insee qui définit les principaux découpages statistiques territoriaux (unités urbaines, aires urbaines, zones d’emploi, bassins de vie), indispensables pour l’analyse et la compréhension des phénomènes économiques et sociaux dans l’espace.

Dans d’autres cas, la question est plus complexe et nécessite un travail plus approfondi, une co-construction des données et des analyses. C’est ainsi que pour analyser l’impact d’un de ses dispositifs d’aides aux entreprises, un conseil régional doit, dans un premier temps, identifier les entreprises aidées. Sur cette base, l’Insee mesure les performances de ces entreprises grâce aux données comptables recueillies par enquête ou issues des traitements des fichiers fiscaux. Ces informations sont ensuite comparées à celles des entreprises d’un échantillon témoin. Cette collaboration prend la forme d’une étude menée en partenariat, qui est ensuite publiée dans les collections de l’Insee et donc accessible à tous.

Choisir les données, mettre en œuvre les méthodes statistiques, interpréter les résultats : ces compétences font partie du savoir-faire des statisticiens de l’Insee. Elles sont mobilisées par les directions régionales pour aider à définir, mettre en œuvre et évaluer les politiques publiques territorialisées. Les directions régionales sont présentes dans chacune des 13 régions métropolitaines et dans les départements d’Outre-mer avec la direction interrégionale des Antilles-Guyane et celle de la Réunion-Mayotte. Les équipes des 15 services études et diffusion des directions régionales de l’Insee rencontrent régulièrement les préfets et les principaux services de l’État, chargés de l’emploi et du développement économique (Direccte), de l’environnement et du logement (Dreal), de la cohésion sociale (Drjscs)… ainsi que les collectivités locales, les conseils régionaux et départementaux, les grandes agglomérations et les organismes qui travaillent pour elles comme les agences d’urbanisme.

Des questions renouvelées par la réforme territoriale

La réforme territoriale, mise en œuvre à partir de 2014, a profondément modifié le paysage territorial français. L’ambition initiale de la réforme était de donner plus de puissance et d’importance à l’échelon régional, de renforcer la place internationale des régions et de simplifier le mille-feuille administratif afin de réaliser des économies budgétaires.  Au 1er janvier 2016, la taille de 7 régions métropolitaines a beaucoup augmenté par regroupement de 16 anciennes régions. Dans le même temps, celle des intercommunalités, qui maillent désormais l’ensemble du territoire national, a été multipliée en moyenne par deux, alors que les prérogatives des métropoles institutionnelles se sont accrues.

Désormais, les pouvoirs régionaux et locaux tendent à s’organiser autour d’un couple Région-intercommunalités. La Région est chargée du développement économique et de la cohésion territoriale alors que les intercommunalités sont compétentes pour les fonctions de proximité, notamment transports et urbanisme. Il faut noter cependant, que contrairement aux intentions initiales, l’échelon départemental a été conservé, avec de larges compétences en matière sociale.

Du côté de l’Insee, la première conséquence a été organisationnelle. Pour s’adapter à la nouvelle configuration des pouvoirs locaux, le préfet de région étant désormais situé au nouveau chef-lieu de région, les services études et diffusion ont été regroupés dans ces villes chef-lieux. Grâce à un plan ambitieux de reconversion et d’accompagnement des personnels, ce regroupement a été conduit, pour l’essentiel, en 2016 et 2017.

Mais l’objectif a également été de préparer et d’anticiper les nouveaux besoins d’information que génère la réforme territoriale : connaissance des nouvelles grandes régions et positionnement européen, voire international, nouveaux schémas d’aménagement prévus par les textes sur le développement économique (Srdeii) et l’aménagement du territoire (Sraddet), rôle des villes et notamment effet d’entraînement des métropoles, situation des villes moyennes et des bourgs-centres…

Les directions régionales de l’Insee se sont emparées de ces sujets, dès début 2015, après l’annonce de la réforme. Elles ont publié des atlas des nouvelles régions ou des panoramas analysant le maillage en intercommunalités, notamment à partir des résultats du recensement de la population. Dans le même temps, elles se sont rapprochées des nouvelles équipes des collectivités locales et des services de l’État, dès que leur réorganisation a été en bonne voie.

Un appui et une coordination nationale pour l’action régionale de l’Insee

Les travaux que mènent les directions régionales peuvent s’appuyer sur un ensemble de données et de compétences méthodologiques développées et entretenues collectivement. Depuis le début des années 2000, le processus Ocre (Offre cohérente pour les régions) a mutualisé les méthodes et les bonnes pratiques, notamment au sein de 5 pôles de services pour l’action régionale situés à Lille, Lyon, Marseille, Paris, et Toulouse. Dans ces « milieux innovateurs » pour l’action régionale, la collaboration est établie avec les unités méthodologiques de l’Insee et des services statistiques et des chercheurs en économie, géographie et statistique. Les sujets traités vont des projections démographiques aux mutations de l’appareil productif dans les territoires, en passant par les diagnostics locaux. Les outils et méthodes élaborés sont ensuite mis en œuvre dans les travaux des directions régionales avec les partenaires régionaux et locaux.

Le département de l’action régionale, au sein de la direction générale de l’Insee, a pour mission d’animer et de coordonner l’ensemble de ces travaux pour apporter la réponse la plus appropriée aux questions territoriales. Il collabore avec les organismes nationaux qui travaillent dans ce domaine : France Stratégie, Commissariat général à l’égalité des territoires (Cget), ainsi qu’avec ceux qui fédèrent les organismes locaux : associations d’élus, fédération des agences d’urbanisme.

Il participe lui-même à la production de résultats et d’indicateurs localisés et travaille également de manière étroite avec les producteurs de données internes à l’Insee ou dans les ministères. En effet, la localisation des données est un enjeu fort qui ne peut pas toujours être atteint sans un effort particulier. C’est le cas de la localisation des données concernant les entreprises qui ne fournissent pas forcément leurs informations sur les personnels recrutés et les résultats économiques à un niveau territorial fin. Par ailleurs, l’emploi et les habitants sont moins faciles à relier directement à un territoire avec l’accroissement de la mobilité, la multiplicité des lieux de vie, le télétravail ou les formes nouvelles d’emploi (travail détaché…). Les bases de données doivent intégrer ces nouvelles situations, qui complexifient la réponse apportée par les enquêtés et l’analyse des données des grandes enquêtes comme le recensement de la population, par exemple.

L’Insee s’est saisi de l’enjeu de la connaissance des situations à un niveau territorial très fin, comme le carreau (de 200 mètres ou un km de côté) ou les coordonnées x,y. Des bases de données sont disponibles à ce niveau sur internet et d’autres vont être diffusées, l’office statistique européen Eurostat encourageant les initiatives dans ce domaine. Une diffusion des données des recensements au carreau est prévue par Eurostat  pour l’ensemble des pays, pour 2021.

Dans le même temps, les sources de données potentielles s’accroissent avec l’ouverture des données administratives et l’accès possible à des données privées (big data). C’est ainsi que grâce aux données fiscales et sociales, les revenus disponibles et les situations de pauvreté sont mieux connus à tous les échelons géographiques (dispositif Filosofi). On peut également penser que l’exploitation des données de caisse des commerces permettra de mieux connaître les prix et la localisation des achats. Quant à l’exploitation des données du téléphone mobile, elle peut potentiellement renseigner sur la présence des personnes et permettre l’analyse des flux touristiques et des flux selon les différentes heures. Ces informations sont utiles pour préparer les plans de prévention des risques et d’implantation des équipements.

L’action régionale à l’Insee est un monde vivant et innovant, en prise avec les questions centrales de localisation des personnes et des activités dans une économie et une société largement ouvertes sur l’extérieur. Dans cet univers des données en pleine mutation, un des enjeux pour l’Insee sera de fournir aux utilisateurs des informations plus récentes adaptées au pilotage de leurs actions. Il faudra également développer les outils pour accéder aux systèmes d’information et traiter les données, en collaborant avec d’autres acteurs publics ou privés. La formation des chargés d’études de l’Insee devra s’ouvrir encore davantage à l’économie territoriale et aux techniques avancées de traitement statistique et de visualisation des données locales.


Quelques chiffres

Le site www.insee.fr a reçu 32 millions de visites en 2016.

Les 15 directions régionales de l’Insee

  • comptent 3 800 personnes dont 450 dans les services études et diffusion et une trentaine dans les pôles de services pour l’action régionale,
  • ont produit 750 publications en 2016 dont 1/3 en partenariat avec des acteurs publics en région.

Le département de l’action régionale regroupe 28 personnes à Paris.


Sigles

Cget : Commissariat général à l’égalité des territoires

Direccte : Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi

Dreal : Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement

Drjscs : Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale

Ocre : Offre cohérente pour les régions

Psar : Pôle de services pour l’action régionale

Sraddet : Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires

Srdeii : Schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation

Sylvie Marchand
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